Publié le: 11 août 2017

Déshabiller Pierre pour habiller Jean

pv 2020 – Jean-Pierre Wicht, membre de la Chambre suisse des arts et métiers, analyse les enjeux liés à la votation sur le dossier AVS. Le 24 septembre prochain, estime-t-il, il faudra rejeter cette réforme qui porte préjudice au 2e pilier et à l’épargne personnelle.

La gauche a toujours combattu le 2e pilier dès les débats de sa mise en œuvre, son objectif étant de développer le système de répartition de l’AVS. Elle ne transige pas avec sa ligne idéologique qu’elle réitère en boucle à chaque occasion, débat, congrès. Il y a quelque chose d’affligeant dans cette obstination. Chaque votation est l’occasion d’avancer d’un petit pas dans la direction voulue, selon la tactique bien connue dite du salami. C’est de bonne guerre, mais ne soyons pas dupes!

«une brèche ouverte dans la sacralisa-
tion des deux piliers.»

Les Suisses font confiance à l’AVS, mais ils sont aussi attachés au 2e pilier, ou plutôt à son principe fon-
damental d’épargne personnelle, avec la possibilité de l’utiliser à sa convenance. A ses origines, il était possible grâce à la LPP de financer une part importante d’un bien immobilier par exemple. Aujourd’hui, cette possibilité a drastiquement été réduite, sous la pression de la Finma notamment. Son utilisation pour 
financer le démarrage de sa propre société est fortement contestée comme d’ailleurs la possibilité de 
retirer le capital à l’échéance en lieu et place de la retraite.

Le 2e pilier est pourtant une forme de prévoyance responsable et dynamique. Faciliter l’accession à la propriété (un idéal de vie pour certains) ou permettre de se lancer comme indépendant au lieu de passer par toute autre solution de financement difficilement accessible, en quoi cela est-il condamnable? Faut-il se méfier des décisions individuelles concernant l’utilisation de sa propre épargne? Evidemment non.

Cependant, le 2e pilier est tributaire des risques liés à l’espérance de vie et à la rentabilité des capitaux et il n’y a pas de droits acquis dans ce domaine. C’est pourquoi le projet Prévoyance 2020 veut lisser les effets de risques liés à la LPP par une augmentation de 70 francs de la rente mensuelle AVS. Il s’agit là d’une 
brèche ouverte dans la sacralisa-
tion des deux piliers et une victoire historique de la gauche dans son combat permanent pour renforcer l’AVS au détriment de la LPP. Cer-taines organisations économiques 
appuient ces propositions parce qu’elles estiment que c’est un premier pas pour éviter d’aller dans le mur, et que le montant de 70 francs est acceptable.

«l’avs pour financer des start-up? Pourquoi pas la petite enfance, les crèches, les CFF?»

Mais ces propositions ne règlent pourtant rien à long terme et les 
solutions doivent être trouvées à 
l’intérieur du 2e pilier, comme le Conseil national l’avait proposé, bien conscient des missions totalement différentes de ces deux institutions.

Par ailleurs, alors que l’AVS est en grand danger, il est incohérent que le projet la plombe encore plus 
avec cette augmentation visant à compenser la diminution des revenus du 2e pilier. Déshabiller Pierre pour 
habiller Paul, qu’est-ce sinon de 
la tactique idéologique? L’AVS n’a d’autre vocation que d’assurer la 
viabilité de sa mission de prévoyance de base, en recourant à la TVA si 
nécessaire. Pourtant, on pouvait lire dans le quotidien «Le Temps» du 10 juillet 2017 que la société de gestion des fonds AVS envisageait de financer des start-up. Pourquoi pas la petite enfance, les crèches et les CFF pendant qu’on y est? Non, l’argent de l’AVS est trop précieux et trop 
limité, actuellement et dans le futur, pour être investi dans des entreprises à haut risque.

Par contre, j’ai toujours été convaincu que le 2e pilier était tout à fait 
habilité à investir 1% ou 2% de sa fortune dans des start-ups. Puisque que nous sommes dans une logique de responsabilité des épargnants, qui sont aussi et surtout des acteurs de l’économie, on pourrait comprendre que chacun soutienne, avec son épargne, le développement économique de son pays. Chaque conseil de fondation, qui représente les membres du fonds, a la responsabilité de fixer les limites d’un tel système afin qu’il n’y ait aucun abus 
ni prise de risque exagérée.

C’est pourquoi, le 24 septembre 
prochain, je recommande de voter NON au projet PV 2020.

Jean-Pierre Wicht,

membre de la Chambre

suisse des arts et métiers

un expert engagé en politique patronale

«Natif de Boncourt dans le Jura en 1949, militant dans le Groupe séparatiste Béliers durant les années 1965-75, j’ai appris très jeune la discipline d’un mouvement politique et l’engagement qu’il exige. Expert-comptable indépendant, spécialisé dans la révision des caisses sociales, je me suis engagé dans la politique patronale. Engagé à la Chambre des métiers, je suis admiratif de cette machine de guerre qu’est l’usam. Avec un staff très réduit, elle pèse lourdement dans le débat public. Avec sa diversité de présidents qui se succèdent (PLR, PDC, UDC), c’est un modèle du système politique suisse efficace, démocratique.»

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