Publié le: 4 février 2022

Dans la jungle des aides aux PME

Yves lŒrincik – Il est grand temps que les PME suisses se mettent à phosphorer sur les enjeux environnementaux: consommation d’énergie, autonomie, pénuries de ressources, changement climatique. Il propose un panorama des aides disponibles et un lien vers un tableau réalisé en lien avec cette interview.

Yves Lœrincik est le fondateur d’eqlosion. Physicien et docteur dans le domaine de l’analyse du cycle de vie, ou empreinte environnementale, il a plus de vingt ans d’expérience dans les domaines de la durabilité et de l’entrepreneuriat, fondateur de Quantis en 2005, puis d’eqlosion en 2015. Il se dit passionné par l’entrepreneuriat, la durabilité et l’innovation. Lui et son entreprise accompagnent les organisations et les territoires à l’ère de la transition écologique. «Nous nous focalisons sur les questions liées à la durabilité, la transition énergétique et la gestion des défis climatiques, souligne-t-il. Afin de garantir la réussite de nos projets, nous impliquons de manière systématique l’ensemble des parties prenantes afin de faciliter le lien entre les acteurs, nous réfléchissons aux implications stratégiques pour les organisations et cherchons à monter des projets innovants pour saisir les opportunités associées à ces transformations.» Interview.

JAM: Pour aider les PME à mener à bien la transition vers une économie durable, vous avez conduit une enquête visant à mettre en évidence les divers outils, aides disponibles en Suisse romande. Quel a été votre point de départ?

Yves Lœrincik: Je sens que les choses s’accélèrent et qu’il y a de plus en plus de bonnes raisons pour une PME de se lancer dans la durabilité. Mes contacts avec de nombreux consultants me montrent que les grands groupes multiplient les décisions et les actions. Si je sens bien que de tout côté, ce thème devient stratégique, j’observe aussi que cette prise de conscience est encore limitée parmi les PME. Avec la pandémie, j’ai d’abord pensé que les budgets prévus par les grands groupes pour ces démarches allaient être réduits. Mais de fait, depuis deux ans, les demandes de conseil en matière de durabilité ont littéralement explosé. Cette accélération se matérialise aussi par les déclarations publiques faites par ces grands groupes à propos de leurs objectifs de réduction d’émission, comme on le voit sur le site www.sciencebasedtargets.org. Ces groupes sont actifs par exemple dans les biens de consommation, l’agroalimentaire, les transports et la construction.

Avec quelles conséquences pour les PME?

Nombre d’entre elles travaillent pour ces grands groupes dont les engagements en faveur du climat se répercutent sur toute la chaîne. Les petites et moyennes entreprises vont rapidement se retrouver face à de nouveaux objectifs, fixés par leur clientèle, leurs fournisseurs, leurs partenaires. La pression est aussi physique, avec les risques de pénurie d’énergie et les problèmes d’approvisionnement. Certains pays ont décidé de sortir du nucléaire et la Suisse n’est pas dans une situation favorable sans accord avec l’Union européenne, il faut optimiser la consommation d’énergie et en produire localement pour diminuer ce risque de pénurie. À cela s’ajoutent les changements de température prévus, un risque auquel certains secteurs font déjà face: dans la construction, l’agriculture, l’activité forestière. Bref, cet ensemble de facteurs exacerbés par la pandémie et la géopolitique mondiale devrait pousser les PME à envisager la question de la durabilité comme un point absolument stratégique.

Au fond, les PME incluent-elles déjà cette dimension durable dans leur stratégie?

Je ne nie pas le fait que de nombreuses PME mettent en place des actions pour réduire leur impact et s’engagent, mais je ne suis pas sûr qu’elles mesurent l’importance des transformations en cours. Les retours dont je dispose de la part de membres de conseils d’administration montrent qu’il s’agit encore le plus souvent d’un sujet en lien avec la responsabilité sociale d’une entreprise, mais l’enjeu n’est le plus souvent pas traité de manière stratégique. La viticulture, l’agriculture, les gestionnaires de forêts sont des branches plus conscientisées sur les changements de température, mais pas forcément sur l’approvisionnement énergétique. Et si les garagistes travaillent sur un horizon de trois à cinq ans avec la montée en force des véhicules électriques, les services numériques ne sont pas encore très conscients des transformations à venir dans l’efficience énergétique.

Comment lancer une démarche?

En envisageant la durabilité comme un transformateur qui agira sur l’évolution des produits, sur les attentes des clients, des collaborateurs. Les garagistes savent qu’en 2035, 50 à 60 % des véhicules seront électriques et que cela finira par impacter leurs services, leur modèle d’affaire. En y réfléchissant, les PME doivent pouvoir désormais identifier les nouveaux produits et services à développer, déterminer quels projets lancer avec leurs clients, leurs fournisseurs et comment améliorer l’autonomie énergétique. Et surtout comprendre pourquoi c’est si important de le faire. Certes, elles sont agiles, mais le moment est venu de se mettre au travail, car les transformations prennent du temps!

Ă€ quoi la jungle des aides disponibles ressemble-t-elle?

Beaucoup de PME ne connaissent pas toutes ces aides qui varient d’un canton à l’autre, d’un secteur à l’autre. Il n’y a pas de guichet unique auquel on pourrait s’adresser, même si les départements de l’économie sont souvent une bonne porte d’entrée. Divers organismes (privés, cantonaux, fédéraux) proposent des aides, mais il faut être prêt à s’adresser à des interlocuteurs différents, et il n’y a pas toujours de logiques entre ces aides. Elles sont relativement nombreuses sur l’efficience énergétique, où elles vont de l’audit à la mise en place de nouveaux éléments. Certaines ont un focus sur la durabilité, alors que d’autres sont plus générales mais utilisables pour développer de nouveaux projets, produits et offres durables. Une bonne partie des aides sont orientées sur l’innovation et peuvent être utilisées pour développer de nouveaux produits ou projets. L’agence Innosuisse a par exemple lancé les NTN innobooster, sur 18 thèmes choisis, cinq concernent spécifiquement l’environnement et d’autres intègrent également ce thème. Le plus souvent, les aides sont associées à des critères d’éligibilité ou sur appel à projet. Cela vaut dont la peine de bien réfléchir à la manière dont on présente son projet. La complexité du dépôt d’un projet varie beaucoup, la quantité de travail administratif aussi.

Quelles sont les tendances, vers quoi Ă©volue-t-on?

La tendance est tout de même à une simplification des démarches et une complémentarité entre les aides. La thématique de la durabilité est de plus en plus présente, comme le montre le cas de l’État de Vaud qui a lancé un fonds de 25 millions dédié à l’économie durable – et dans lequel les aides sont en train d’être mises en place. Les démarches dans le domaine de l’innovation, où l’agence Innosuisse joue un rôle important, montrent de plus en plus une logique d’outils par étapes. Pour commencer, certains instruments permettent de financer quelques journées de réflexion avec un consultant. Une fois qu’on est entré dans cette constellation d’aides, il est plus facile d’avancer et d’obtenir des choses concrètes.

Vous proposez un document qui offre une vue générale des aides?

Voici un lien vers un tableau que nous avons mis au point à partir des aides suisses et dans les cantons romands. Il sera mis à jour progressivement en fonction des développements à venir. Par ailleurs, nous avons demandé à chaque canton de nous indiquer à quel guichet s’adresser et ces informations seront également disponibles sur la page en question (cf. lien ci-dessous).

Interview: François Othenin-Girard

www.eqlosion.ch/blog/vers-une-economie-durable

quelques exemples

•Reffnet: produits, entreprises, analyse de l’efficience des ressources, du cycle de vie, bilan carbone: financement d’une première analyse (max. 4000 fr.) de type efficacité des ressources, analyse du cycle de vie avec proposition d’amélioration et d’éco-conception. | www.reffnet.ch

•La Fondation Suisse pour le Climat soutient depuis 2009 des projets de petites et moyennes entreprises (PME) qui contribuent à la protection du climat en Suisse. Les projets soutenus concernent les économies de CO2 et les produits innovants. | www.klimastiftung.ch/fr/

• Audits énergétiques: des aides diverses existent au niveau des cantons ou de la Confédération pour réaliser un audit de sa consommation d’énergie. | www.peik.ch

•Prokilowatt: financement possible pour des projets de réalisations de mesures d’efficience électrique. Les contributions financières, peuvent aller jusqu’à 30 % des coûts d’investissement et doivent vous inciter à remplacer vos anciennes installations et à investir dans des technologies plus efficientes. | www.prokw.ch

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