Publié le: 2 septembre 2016

... de l’argile à l’art de la cuisson fine

PRODUCTION – La terre est écrasée, puis elle repose. On la retrouve extrudée, moulée, puis scrutée par des hommes et des robots.

Préparation: le poids des meules

Ces matériaux sont ensuite préparés et dégrossis pour la production. La terre stockée est d’abord dosée par différents silos d’alimentation. La vitesse des tapis détermine le pourcentage des mélanges. Des meules (deux tonnes) entrent en action pour concasser et les écraser. La matière est broyée et affinée en passant dans des prélaminoirs, laminoirs, deux gros cylindres de plus en plus serrés, jusqu’à un écartement de 0,7 mm. Des aimants permettent de retirer d’éventuels déchets métalliques. Dans le finisseur, on ajoute de l’eau, pour obtenir environ 23% d’humidité. Cela donne à la matière cette allure de crotte. Puis le tout part au silo.

Ensilage: la terre vivante

L’ensilage consiste à garder cette terre durant trois semaines pour qu’elle puisse se raffermir à nouveau et que les liens chimiques se recréent comme avant. Pour faire de la tuile ou des objets à l’école, on aura besoin de laisser la terre se raffermir. On va la laisser macérer, un peu pourrir. Pour être plus malléable, plus caoutchouteuse.

En dosant les deux sortes de terre qui arrivent, on peut contrôler un peu mieux le retrait de la tuile. Dans le silo, la gestion s’effectue par vague. D’un côté, on amène la terre que l’on vient de préparer. A l’autre bout, la terre qui s’est reposée trois semaines est prélevée de manière automatisée par ces machines qui viennent se servir quand elles en ont besoin. Pour les briques, la terre est seulement celle de Vallon et le repos en silo ne dure qu’un jour, car la matière n’a pas besoin d’être aussi malléable, elle est extrudée.

Façonnage. Magie de l’extrusion

Du silo, la terre arrive dans des doseurs. C’est un genre d’hélice dans laquelle la terre, pressée, sort par des grilles, comme des vermicelles qui vont tomber dans une vis sans fin où l’on ajoute de l’eau, de la vapeur pour augmenter la température. C’est comme dans un tube dentifrice. Jusque-là, que ce soit pour une brique ou une tuile, c’est le même procédé. Ce qui change la donne, c’est cette pièce que l’on appelle une filière. Elle donne la forme d’une brique ou d’une tuile. Nous allons forcer la terre à prendre un passage. Pour la tuile, on obtient un profil de galette (à 45 °C) qui ressemble déjà un peu à ce que l’on va façonner. La matière sort en continu et est ensuite tranchée selon le bon procédé du fil à trancher le beurre.

La différence entre une tuile mécanique (ou mécanisée, ou coulissante) et une tuile plate? La tuile plate est extrudée au travers d’une filière. La tuile mécanique est pressée, elles peuvent s’emboîter les unes dans les autres, ce qui permet une meilleure protection contre les infiltrations d’eau. Et il faut moins de tuiles mécaniques pour couvrir la même surface de toit. Avec le côté coulissant, cela permet au couvreur d’avoir un peu de jeu.

«Pour fabriquer une tuile mécanisée, nous utilisons des châssis avec une forme adaptée à un meilleur séchage. La tuile est pressée, puis posée sur le châssis. La pièce est pressée par des moules inférieurs, tandis que d’autres moules pressent sa partie supérieure. Les têtes d’aspiration cherchent la pièce et la posent ensuite sur le châssis dont nous avons parlé. Il faut avoir assez de terre pour la presser, mais pas trop non plus pour éviter les bavures et le surplus de terre. Nous en faisons 22 000 par jour», explique Miguel, occupé à surveiller dans un rétroviseur les tuiles qui passent.

Séchage: redescente en douceur

On envoie les produits après moulage dans des chambres de séchage. Le séchage peut prendre de 24 à 48 heures, selon le modèle, le volume et la difficulté des pièces. Une tuile mécanique plaque prend 48 heures. Le fait d’enlever de l’humidité de la pièce, c’est la partie la plus sensible. Une fois les pièces dans la chambre, on fait monter la courbe de température par pallier. Et doucement, pour éviter la casse, jusqu’à 90 °C, la température maximale. La redescente se fait aussi en douceur pour ne pas brusquer la matière. Il faut plus d’énergie durant cette phase que pour la cuisson.

Engobage des tuiles: la recette

Engobe. Il s’agit d’un revêtement mince à base de différentes argiles avec des oxydes que l’on mélange avec de l’eau pour obtenir une densité propre. Cette substance est projetée sur les tuiles sèches qui passent avant la cuisson. Il peut y avoir différentes couleurs. L’engobe se fige dans le tesson (céramique non cuite).

Pour l’engobage, des sacs d’engobe doivent être dilués dans une citerne et les prescriptions doivent être suivies avec précision. Nous essayons un peu de regrouper les couleurs, le type de tuile. Nous cherchons des solutions pour avoir la même couleur au final entre les usines du groupe, même si nos terres ne sont pas identiques, afin d’avoir un catalogue commun. Les engobes légères (5,5 sur l’échelle de Baumé par rapport à 37 qui représente les couleurs les plus foncées) sont plus difficiles à réaliser sans coulées. Il faut peaufiner nos réglages.

La cuisson: une courbe délicate

Il y a 2 fours: le premier pour les briques et le second pour les tuiles et accessoires. La durée du passage dans le four est 3 à 4 jours. Les produits sont ensuite empilés sur des wagons pour subir un dernier traitement thermique afin de donner leurs propriétés physiques ainsi que leur aspect final. Les wagons entrent dans un premier temps dans une zone de préchauffage. Entre 500 et 600 °C, il faut faire très attention, car à cette température le produit subit un changement physique de dilatation qui peut fissurer les briques et les tuiles. Ensuite le wagon entre dans la 
zone de plein feu. La température monte à plus de 1000 °C pendant une durée bien définie qui permet de cuire le produit. Ensuite commence la phase de refroidissement. Le produit est prêt pour être trié et chargé sur palette.

Emballage. Le cri de la tuile

A la sortie de la chaîne, on entend un «toc» rythmé. Un ouvrier, un bâton à la main, éprouve le son de chaque tuile qui passe. «Toc… toc… tic!» Aïe, la dernière était mauvaise: d’un coup bien ajusté, voilà la tuile qui passe à la benne. En amont dans la chaîne, l’humain reçoit également l’aide d’un robot. Ce dernier photographie chaque tuile et élimine les non-conformités.

Les tuiles sont ensuite regroupées en paquets, puis placées sur d’immenses chariots. Les robots font une partie du travail, soulèvent avec délicatesse des palettes entières de tuiles. Simultanément, le robot déploie un doigt-soupape agile glisse, sorte d’appendice de son bras puissant, afin de poser, avec une délicatesse infinie une feuille de contrôle entre les empilées de tuiles.

Accessoires et sur-mesure

Certaines pièces particulières sont faites de manière automatisée avec une presse, ou alors de manière semi-automatisée, avec une presse manuelle en pressant sur un bouton pour la presse et en retirant la pièce à la main.

Ici se trouve un atelier où l’on fait presque du sur-mesure à partir de moules en plâtre et de pièces préparées en sagex. Il y a même un vieux coq qui ornait autrefois les toits des églises. L’ouvrier part d’une pièce existante et l’adapte selon les gabarits donnés par un couvreur ou notre service après-vente.»

Texte et photos

François Othenin-Girard

Transmission

Protéger la marque

Claude Morandi (arrière-petit-fils du fondateur) voulait que cela reste une entreprise familiale. Une descendante ne souhaitait pas reprendre l’entreprise. Il voulait aussi garder les collaborateurs et que le nom de Morandi reste associé au site. Ce qui a été fait. La force, c’est de pouvoir regrouper nos connaissances et notre savoir-faire. On a gardé quelques temps le nom de Morandi après la reprise par la société Ziegelei Rapperswil en 2010. Puis, nous avons été regroupés sous le même nom, Gasser Ceramics en 2013. Nous avons gardé la marque Morandi pour les produits Morandi. Comme le remarque Thierry Girard, membre de la direction. «Gasser Ceramic n’est pas une raison sociale, mais un nom qui permet de regrouper les marques Bardonnex, Morandi, Ziegelei Rapperswil et Panotron. C’est fait pour les besoins de la communication, de l’image du groupe. Les différentes entreprises n’ont donc pas fusionné.»

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