Publié le: 22 janvier 2021

Des chiffres, mais pour quoi faire?

STATISTIQUES ET POLITIQUE – Elles sont de plus en plus souvent utilisées à des fins politiques. Ce fait se reflète également dans l’augmentation des dépenses du département fédéral responsable.

Il y a 40 ans, les économistes se plaignaient qu’on ne connaissait même pas les données trimestrielles du produit intérieur brut (PIB). En 1980, l’OFS mesurait dans chaque ferme la hauteur des arbres par type de fruits, le nombre de moissonneuses-batteuses et d’ânes. Aujourd’hui, l’OFS compte 697 postes à temps plein. Les frais de personnel atteignent 111 millions de francs. Et 80 millions avant l’arrivée d’Alain Berset. Les études de chiffres sont en effet de plus en plus impliquées dans la politique. La loi sur la statistique (BstatG) doit servir à «l’accomplissement des tâches de la Confédération».

De l’agriculture au social

Au siècle dernier, la politique agricole occupait une place importante. En 1960, 346 millions de francs étaient dépensés en subventions. Soit 13,2% des dépenses, soit le 2e poste. Aujourd’hui, l’agriculture et l’alimentation (3,7 milliards) arrivent en dernière position (4,7%).

Aujourd’hui, l’aide sociale occupe la première place dans les dépenses fédérales avec 31,4% (24 milliards). Les chiffres nous apprennent qu’une personne sur dix vit dans un appartement humide ou se plaint de moisissures sur le cadre de la fenêtre. Et sur la santé, que les femmes de tous les groupes d’âge accordent plus d’attention à leur alimentation que les hommes. Ou qu’en 2018, 20,7% de la population ne pouvait pas faire une dépense imprévue de 2500 francs en un mois. Et que 660 000 personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2018. Par exemple ceux qui ne peuvent pas financer une semaine de vacances, ou se permettre un repas contenant de la viande ou du poisson tous les deux jours et qui ne possèdent pas de voiture souffrent de ce que l’on appelle la «privation matérielle».

Gouverner, c’est prévoir

La tâche première des statistiques n’est-elle pas de justifier les acti­vités de la Confédération avec des chiffres rétrospectifs? Ou l’OFS devrait-il anticiper les désirs du gouvernement par des enquêtes, quantifier les souhaits de la population à l’avance? N’est-ce pas plutôt le devoir du secteur privé, des partis politiques, des associations, des particuliers qui exigent quelque chose de l’Etat, de collecter de telles données? Quels sont les devoirs des universités et des hautes écoles? En 2016, Hans-Ulrich Bigler, alors membre du Conseil national (PLR/ZH), présentait une motion (16.3389) demandant au Conseil fédéral de permettre à l’OFS de fonctionner comme point de coordination central pour toutes les enquêtes fédérales – afin d’alléger la charge des PME. Le Conseil fédéral a rejeté la proposition qui a été annulée.

Or la Commission des finances du Conseil national veut maintenant charger le Conseil fédéral de veiller à ce que, dans le sens d’un «hub de données», un échange numérique puisse avoir lieu entre les départements et les autres niveaux pertinents. Avec dans l’idée que les citoyens et les entreprises ne devraient fournir aux autorités et aux administrations certaines informations standard qu’une seule fois.

C’est plus conforme à la mission première de l’Office fédéral de la statistique. En effet, cela pourrait empêcher que les statistiques fédérales soient utilisées pour élaborer des politiques.

Werner C. Hug

La tour de l’Office fédéral de la statistique à Neuchâtel. Une administration qui emploie environ 700 personnes, avec 111 millions de charges salariales!Photo: Keystone

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