Vous êtes gérant d’une fromagerie produisant la fameuse Tête de Moine dans le Jura bernois. En tant qu’entrepreneur, vous vous engagez en faveur de l’initiative pour des multinationales responsables. Pourquoi?

Menno Amstutz: Pour moi en tant qu’entrepreneur, prendre ses responsabilités va de soi, tant envers mes collaborateurs, qu’envers mes clients ou mes partenaires d’affaires. Cela devrait aussi être le cas pour les entreprises actives à l’international. Ici en Suisse, les PME comme notre fromagerie doivent respecter de nombreuses normes, par exemple des normes de qualité en matière d’hygiène. Il n’est pas normal que certaines multinationales ne respectent même pas les standards minimaux en termes de droits humains et d’environnement lorsqu’elles agissent à l’international. L’initiative permet de mettre un terme à ce déséquilibre.

Plusieurs multinationales affirment pourtant prendre des mesures de manière volontaire pour respecter les droits humains. Cela n’est-il pas suffisant?

La majorité des entreprises suisses fait bien sûr des affaires de manière responsable. Mais des règles claires et contraignantes sont nécessaires pour les mauvais élèves. Glencore contamine un fleuve au Tchad menant à de graves lésions de la peau, Syngenta vend des pesticides haute­ment toxiques à des agriculteurs en Inde sans en craindre les conséquences.

Les mesures volontaires ne suffisent donc visiblement pas: nous avons besoin d’un cadre légal clair pour mettre un terme à ces agissements inacceptables.

En quoi l’initiative peut-elle profiter à la Suisse et son économie?

Les quelques multinationales qui agissent sans égard portent atteinte non seulement aux victimes sur place, mais également à la réputation de l’économie suisse. En tant que représentants du tissu économique helvétique, il nous importe que la Suisse reste une place économique attractive. Pour cela, le respect des normes internationales en termes de droits humains et d’environnement est fondamental, et il n’est pas normal que certains grands groupes se croient suffisamment puissants pour outrepasser ces principes.

Les grandes multinationales comme Glencore affirment que les PME pâtiraient de l’initiative. Qu’en dites-vous?

A mon avis, les grandes multinationales veulent se cacher derrière les PME, car elles savent que la population a peu de sympathie pour les multinationales qui agissent sans scrupules. En réalité, les PME sont exclues de l’initiative, sauf si elles opèrent dans un secteur à haut risque, comme par exemple les raffineries d’or. Pour les PME ordinaires, l’initiative ne change rien. L’initiative vise uniquement l’irresponsabilité de certaines grandes multinationales.