Publié le: 8 avril 2022

Elle saisit la balle au bond!

pascale leutwiler – La vice-présidente de l’Union neuchâteloise des arts et métiers (UNAM) s’active à la tête de l’entreprise familiale tout en fondant une entreprise de coaching, se lance en politique cantonale et communale. Et pourquoi pas Berne, si on le lui propose!

Même si son agenda ministériel reste invisible, elle sait où et quand donner de la tête, Pascale Leutwiler. Et supporter, comme elle le dit en rigolant, toutes les «pirouettes» exigées en une journée. Elle a aussi appris à soutenir cette PME, familiale, son mari, ses enfants – sa fille et deux de ses garçons – et tous les collaborateurs qui s’investissent à bord, dans les ateliers, sur les chantiers.

«Je n’ai plus qu’un 10 % dans l’entreprise, mais je viens pour voir si tout va bien et mettre de l’huile dans les rouages.» Elle dit ce qu’elle fait, parler, redire, exprimer, plaisanter, encourager, soulager le cas échéant. Être présente avec le cœur, que cela soit en politique, dans son entreprise et dans les rapports ordinaires. Sans oublier le dicton de l’entreprise: «Ce que l’on propose, c’est ce que l’on pose.»

Écoute active en cette époque

«Les temps sont vraiment difficiles, on pensait sortir enfin de cette pandémie, mais les difficultés ont changé de visage. Je croise dans mon entreprise de coaching des gens qui vivent des situations difficiles dans ce contexte de grand chambardement. L’une d’elle a décidé de quitter son emploi et de se débrouiller par elle-même, car elle ne supportait plus la pression de l’extérieur. Ce n’est pas mieux du côté des entrepreneurs. L’un d’eux envisage maintenant de vendre ses cinq entreprises. Il m’a dit qu’après avoir tenu le coup avec cette pandémie, la guerre en Ukraine et les pénuries diverses, hausses de prix, rendaient toute perspective entrepreneuriale insupportable à ses yeux. Il y a aussi les problèmes de nombreux couples qui ont été impactés indirectement par cette pandémie.»

Pascale Leutwiler raconte qu’elle a somme toute fait du coaching toute sa vie. Comme Monsieur Jourdain écrivait de la prose sans le savoir, elle pratiquait l’écoute active lorsque ses amies avaient des déboires amoureux, puis comme assistante médicale. Ouvrant un cabinet de soins esthétiques, elle a écouté sans fard toutes ses clientes. Plus tard, alors que l’entreprise familiale grandissait, chaque année un peu plus, les problèmes eux aussi prenaient de nouvelles proportions.

«Nous avons décidé, mon mari et moi, de ne pas nous laisser ronger par les ondes négatives que nous pourrions ramener du travail, quitte à en parler le lendemain matin très très tôt sur place dans l’entreprise.» Elle rit soudain: «Pour les grandes décisions, acheter une machine, construire un immeuble, cela se passe au milieu de la nuit – vers 3 heures du matin, je ne sais pas pourquoi!»

Se ressourcer, cela se planifie

Au début de l’entretien, nous parlons de la situation internationale, de l’Ukraine, de la hausse incessante et imprévisible des matières premières. «La semaine dernière, les fournitures en verre – essentielles pour nous lorsque nous construisons des barrières pour des balcons, des escaliers, des passerelles – ont augmenté de 30 %, détaille-t-elle. Pour certains clients, le budget ne tient plus. Il faut discuter, parfois ajourner les travaux.»

Il y a cette lancinante question des prix de l’énergie, du carburant pour les transports. Chez Leutwiler, la hausse du carburant n’est pas répercutée sur les clients, même si les transporteurs le font. «Pour nous, c’était une décision de principe.»

On lui demande si elle n’est pas un peu hyperactive. Elle sourit, elle ne croit pas, elle parle de ressourcement, de se retrouver en soi-même. Le ressourcement, un thème capital chez Pascale Leutwiler. Elle y tient, elle s’y accroche, elle le planifie et n’y renonce jamais. «On a tous besoin de moments pour nous retrouver, de prendre un repas de midi avec des amis, de développer des perceptions positives chez soi, de prendre un cours pour apprendre quelque chose de plus, de faire quelque chose de ses soirées, de cultiver des moments d’évasion en couple, avec les enfants, les petits enfants. Nous ne sommes pas des cardiologues.»

Le totem des Leutwiler

Inévitable, nous parlons de cette sortie de pandémie. Plus personne ne veut en parler mais on continuer de s’y référer. L’entreprise avait développé un totem désinfectant qui s’est taillé un joli succès dans la région et en Suisse romande. Autre référence? La Fontaine Botta dans le port de Saint-Blaise, que les promeneurs et les navigateurs admirent en passant. «Pour nous, le Covid-19 aura été positif au plan relationnel. Nous nous sommes beaucoup parlé. Nous avons fait des téléphones auprès de clients âgés afin de voir s’ils avaient besoin de quelque chose. Certains étaient tout étonnés de nous entendre, nous demandaient s’ils avaient commandé quelque chose. Mais non, nous avions juste envie de nous soucier d’eux, de prendre de leurs nouvelles.»

Changement de programme!

Lorsque nous avions rencontré les Leutwiler, Pascale et Jean-Marc, c’était à l’occasion des deux dernières Journées romandes des arts et métiers organisées en juin à Champéry. En 2020, l’usam célébrait la première réouverture timide après la première vague de semi-confinement en se réjouissant d’accueillir pour sa première visite à l’extérieur le conseiller fédéral Alain Berset. La vice-présidente de l’Union neuchâteloise des arts et métiers avait livré sur scène un poignant discours, avec du cœur, de l’allant et du courage. L’année suivante, le couple était revenu et nous avions encore parlé en dégustant une raclette, les espoirs revenaient avec l’été et l’automne, du moins l’espérions-nous sans trop oser y croire, serait à la fête. À cette occasion, le couple se réjouissait de faire accéder la génération suivante aux responsabilités. Tout était prêt ou presque.

Hélas, il a fallu déchanter. « Après deux ans de préparation soigneuse, un immense travail avec les avocats et les notaires, impliquant notamment une scission de la partie immobilière de l’entreprise, une transparence totale sur les comptes de l’entreprise, nous étions prêts à signer, raconte Pascale Leutwiler – aujourd’hui elle arrive à en sourire. C’était prévu pour un vendredi, et le mardi, nos enfants nous ont appelé pour nous dire qu’ils n’étaient pas prêts à reprendre l’affaire. Trop d’incertitudes, en cette période de pandémie durant laquelle nous ne savions pas comment le monde allait tourner, des maisons construites ou à construire, des enfants, des charges – et des super jobs qu’on hésite à quitter pour des salaires qui forcément seront inférieurs.»

Et puis, elle marque un temps d’arrêt dans le récit. «On a quand même pris une sacrée claque au passage: pendant une semaine, nous nous sommes demandé, mon mari et moi, ce que nous avions fait de faux. Ensuite, nous avons décidé de ne plus en parler durant deux ans. Et éventuellement, de reconsidérer la question.»

Politique avec liberté personnelle

C’est à ce moment précis que la force morale devient visible. Très exactement, lorsque Pascale Leutwiler lâche: «Si cela n’a pas marché, c’est qu’il y avait une raison précise. Le positif, c’est que tout cela m’a portée à la vice-présidence de l’Union cantonale des arts et métiers (Unam) et vers le monde politique. Je pense qu’il faut saisir la perche au moment où elle passe.»

Il y a exactement une année moins un jour avant cet entretien, elle annonçait sa décision d’entrer en politique. «Je suis d’origine canadienne par mon père et dans le monde dans lequel je vivais jusqu’ici, la politique n’était pas abordée vraiment ouvertement.» Elle est élue suppléante au Grand conseil neuchâtelois (le 18 avril 2021) au sein du groupe PLR.

Un nouveau métier dans lequel, lui dit-on, il faut compter une année d’apprentissage. «Au début, on patauge, mais j’y ai trouvé beaucoup de bénévolence. La seule chose qui m’aurait retenue de m’engager en politique, c’est de ne pas pouvoir voter selon mon avis et de devoir renoncer à ma liberté personnelle. On me l’a garantie.»

Dans sa commune de Cornaux, elle entre au législatif – et s’active dans la commission de l’EOREN (écoles obligatoire région Neuchâtel). C’est un monde, celui de la formation et des apprentissages, et des valeurs auxquelles elle tient beaucoup. Et pour le reste, les quatre soirées par semaine que lui prend cette activité, c’est aussi important d’en parler avant, de réfléchir au sens de cet engagement – avec son mari en particulier.

Berne? Et pourquoi pas?

La suite, elle y pense? Quid des prochaines élections fédérales? Ses yeux brillent quand elle répond que oui, si on vient le lui proposer, pourquoi pas. Son mari aussi a les yeux qui brillent quand il la regarde parler de politique. «Et moi je garde ma salopette», lance-t-il en éclatant de rire.

La politique, elle la raconte à ses (cinq) petits-enfants. L’un d’eux m’a demandé, comme je suis active dans la commission scolaire, de dire au Château qu’il ne voulait plus aller à l’école. Il était très étonné de découvrir que mes pouvoirs de politicienne étaient à ce point limités.

«Le monde de la politique et celui des entreprises se côtoient sans trop se parler. On a le sentiment qu’ils vivent sur des fuseaux horaires différents. La classe politique dispose de tellement de temps pour réfléchir, c’est ce qui est incroyable. Et le monde économique a tellement à apporter en politique, c’est ce qui a aussi fait que je me suis peu à peu sentie légitime de m’y impliquer.

François Othenin-Girard

«conseil de famille»

«J’ai fait le choix d’avoir des enfants en étant jeune et de faire carrière plus tard. Entre vingt et trente ans, j’ai eu quatre enfants: Steven, Niels, Jayson et Anny. Que du bonheur! J’ai décidé de prendre le temps de les voir grandir, de suivre leur évolution. De faire aussi un peu le taxi entre le football, la gym et la danse.

Pour moi, ça a été 22 années de bonheur. Et d’apprentissage: c’est une vraie formation qui devrait être reconnue. Une mère de famille élevant ses enfants, c’est un travail à 150 %.

L’harmonie en famille: les enfants devaient partager leur chambre. Nous faisions deux fois par année des conseils de famille. Cela se fait maintenant dans l’entreprise. Chacun avait la parole à son tour et pouvait dire à la personne qu’il souhaitait ce qui n’allait pas. Et finir par une note positive! Ça a beaucoup apporté au sein de la famille et évité des sous-entendus. En tant que parents, on a reçu quelques belles remarques, mais elles nous ont fait grandir.

C’est peut-être grâce à cette expérience que je donne des formations sur l’organisation et la communication.»

Pascale Leutwiler

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