Publié le: 2 septembre 2016

Et Dieu créa la femme ... suisse

L’invité du mois

Auteur d’un essai sociopolitique et socioculturel grand public*, j’ai tenté une démarche reposant sur une petite vingtaine de thématiques liées à ce que l’on pourrait appeler la «culture d’entreprise» d’une Helvétie en déficit d’image. Ci-après, à titre d’exemples, quelques réflexions sur la femme suisse, une et diverse, capable de relever le défi et de le combler. Extraits.

C  omment ne pas consacrer ici un chapitre de cet ouvrage dénonçant les incohérences dans ce monde illogique… et machiste, sinon misogyne, entre autres travers, à LA femme, celle par qui le bonheur arrive, si tant est que toute naissance devrait être considérée comme un signe d’espoir et de joie? Et s’il n’y a pas naissance, le genre féminin possède de façon innée moult autres façons de prendre la place qui lui revient, ne serait-ce que mathématiquement!

E ntre Mars et Vénus – ce «couple» n’y étant pour rien, paraît-il! – il y a en effet de l’espace pour un univers, un immense jardin de cactus et de roses qui a tant inspiré, au cours des siècles, les poètes, les écrivains, les peintres, les musiciens… Pas sûr pourtant que toute cette allégorie ait véritablement fait avancer le statut de la femme en tant que partenaire, à part entière, de la société dite moderne. Une partie de son image lui colle à la peau, comme si son rôle premier n’avait jamais cessé d’être au service de l’homme, mari ou compagnon, père, patriarche, patron, président, dominant et dominateur. Demandeur omnipotent aussi d’aide, de soutien, de sexe plus que de tendresse.

Aujourd’hui pourtant, la féminité au sens premier et profond du terme, si elle était totalement reconnue et mise en valeur, constituerait un apport incommensurable… dût-elle égratigner quelque peu la puissance masculine associée à la vitalité, au machisme et au sentiment de prédominance tous azimuts. Dur, dur pour le mâle de reconnaître son infériorité en matière de beauté, d’esthétisme, de charme, d’harmonie, de séduction, d’intelligence du cœur, de générosité spontanée, de douceur innée… et d’intuition. Or, à cet égard, les négateurs sont encore plus nombreux qu’on ne le pense, à se demander combien faudra-t-il encore de générations pour changer les choses? Et gommer cette ­incohérence fondamentale, primaire, cette inégalité criante?

F   aites l’amour, pas la guéguerre! Si notre société faisait montre de sa volonté de traiter les problèmes à la base, il y aurait lieu d’user d’un certain pragmatisme et d’un peu de bon sens. Prenons le problème numéro un par exemple: le déficit de la natalité (la moyenne d’enfants par famille est en Suisse de 1,43 contre 2,1 en France par exemple) met en péril l’équilibre même de la société, gravement compromis par le vieillissement de la population et la diminution drastique des forces jeunes (entre 20 et 39 ans); la sclérose du monde du travail menace! Ce ne sont pas les remèdes (efficaces), les solutions (drastiques) et les moyens (même financiers) qui manquent pour pallier les carences manifestes… et ces incohérences indignes de notre société; parmi eux, l’aménagement de la vie familiale est seul susceptible d’augmenter le nombre d’enfants tout en permettant à la femme, à la mère de famille, de travailler au niveau souhaité – et ce dans toutes les couches sociales – et/ou de tenir un rôle sur tous les autres plans de la vie humaine.

N’y allons pas par quatre chemins: cette vision passe par la création de crèches en nombre suffisant, l’accueil extra-scolaire complet et systématique, la revalorisation des mamans de jour (avec son corollaire, celle des femmes au foyer), la flexibilisation des temps et méthodes de travail dans les entreprises, l’amélioration de la mobilité, sans oublier une véritable politique globale de la famille, celle-là même que l’on sacrifie régulièrement et scandaleusement à l’heure de l’établissement des budgets, alors que – il faut insister sur ce point – la résolution de cette problématique d’ensemble est d’une importance vitale. Donc, finie cette guéguerre ridicule, inconsciente, ­surannée!

M asculinisation et féminisation des professions. Peut-être ni borgne ni machiste, notre société – où maternité, égalité et productivité (travail, métier, gagne-pain) ne sont pas que des rimes – parviendra-t-elle à réguler la situation, celle contenue dans ces simples faits révélateurs: les femmes sont majoritaires dans certaines études universitaires, mais plus qu’une sur dix dans les chaires éponymes; idem dans les conseils d’administration, les directions des grandes entreprises et les hautes sphères politiques; elles sont certes plus nombreuses dans l’ensemble des activités professionnelles en général, mais très minoritaires dans les postes de cadres moyens et supérieurs des mêmes entreprises. La population féminine est très peu représentée dans les secteurs de l’industrie, de la haute technologie, de l’ingénierie, des mathématiques et de l’informatique. Absence quasi totale de l’élément féminin à la tête des banques, des instituts financiers, des grandes sociétés cotées en bourse… Il ne s’agit pas d’une question de formation – celle-ci étant complètement ouverte aux femmes – mais plus certainement de tempérament!

Les femmes, en revanche, sont nettement plus nombreuses dans des fonctions-types comme le secteur hospitalier, le social, les relations humaines, la communication et l’événementiel, les structures enfantines bien sûr (crèches, garderies, premier niveau d’enseignement, etc.). Les incohérences sont à chercher déjà dans l’éducation de base et, qu’on le veuille ou non, dans la masculinisation traditionnelle et systématique de certaines professions et la féminisation des autres… pour ne pas dire dans les gènes! Autrement dit, la sexualisation plus ou moins implicite du monde socio-professionnel. A la nuance près qu’au niveau des PME (moins de 250 employés) – il y en a en Suisse tout de même 300 000, dont 64 000 sociétés familiales cogérées par des conjoints –, la femme, le plus souvent l’épouse, y joue un rôle de «seconde», de sous-chef ou d’assistante qui échappe à toute statistique. Comme si l’homme avait beaucoup de peine à s’en passer...

P  rix du meilleur second rôle féminin. Il sied tout de même de mettre en exergue les «femmes de l’ombre», les parfaites actrices qui jouent, sur la scène des entreprises, des «seconds rôles» ô combien utiles et méritants! Nous voulons parler des «femmes des patrons» dont le nombre oscille en Suisse entre 50 000 et 70 000. Epouses ou compagnes, mères ou pas, ménagères dans la plupart des cas, elles sont aussi ce que l’on pourrait appeler, en ne changeant qu’une lettre – et c’est révélateur! – des «ménagers» participant de près à la direction des PME familiales.

C  es conjointes occupent une place déterminante dans le contexte artisanal qui constitue l’essentiel du tissu économique suisse. Toute femme de patron vaque ou plutôt cumule des postes aussi variés que secrétaire, responsable RH, comptable, téléphoniste, réceptionniste, chargée de communication… voire artisane, si elle prête également la main à la spécialité professionnelle de la maison. Le tout souvent entre deux repas, l’accompagnement des enfants à l’école, les devoirs, les courses… et toutes les tâches d’une maîtresse de maison jonglant avec le temps, les horaires et les impératifs de l’entreprise! Et de surcroît en toute discrétion, avec dévouement, générosité… et amour!

On ne peut qu’estimer à sa juste valeur l’apport considérable de toutes ces «femmes de» sans lesquelles de très nombreuses PME auraient depuis longtemps perdu leur âme. Au propre et au figuré. C’est pourquoi il importe de souligner les excellentes initiatives de l’Association Femmes PME de Suisse romande ou du Club des femmes entrepreneures (CFE), cette dernière ayant institué un Brevet fédéral de spécialiste en gestion d’entreprise (par validation des acquis), un titre et surtout un moyen de reconnaître officiellement leur expérience professionnelle et, le cas échéant, d’assurer leur sécurité sociale lors de problèmes dans l’entreprise ou dans la famille.

D ans un registre très proche, il faut également relever les efforts entrepris en particulier par les associations professionnelles, pour gommer certaines incohérences au niveau de l’image des professions, en particulier lorsqu’elles sont exercées par des femmes. A cet égard, la féminisation des noms de métiers et de titres est de nature à les valoriser et à donner une légitimation sociale aux personnes qui leur consacrent leur vie. Ainsi ne parle-t-on plus de serveuse, mais de spécialiste en restauration, plus de vendeuse, mais de gestionnaire de vente, plus de nettoyeuse, mais de technicienne d’entretien. Plus de femme du patron, mais d’assistante, d’associée ou de cheffe d’entreprise… Si la société n’est guère organisée pour les femmes qui travaillent, au moins qu’elle reconnaisse leurs mérites!

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que l’auteur.

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