Publié le: 10 juillet 2015

Fief cacaotier des grands gourmets

portrait – La PME genevoise Micheli fait parler d’elle jusqu’aux Etats-Unis et en Chine. La famille Poncioni propose plus de 
60 sortes de chocolats faits maison. Et s’implique avec créativité et curiosité face au marketing agressif des géants du secteur.

Sans stratégie et plan marketing, en 51 ans d’existence, la renommée de la chocolaterie Micheli a fait le tour du monde grâce au bouche à oreille. Tout commence en 1964, lorsque Pierre Poncioni, le père, ouvre sa boutique à l’âge de 27 ans sur la rue Micheli-du-Crest 1, d’où le nom Chocolaterie Micheli. Passionné par la création de nouvelles saveurs, cet artisan chocolatier invente une vingtaine de recettes inédites qui, après son décès éclair en 2006, sont toujours plébiscitées par le public. Le fruit ne tombant jamais loin de l’arbre, c’est son fils Didier, un autre mordu du goût, qui reprend les rênes de la chocolaterie tea-room familiale après avoir exercé avec succès son premier métier, celui de fiduciaire.

Journal des arts et métiers: Comment passe-t-on du métier de fiduciaire à celui de chocolatier artisan?

n Didier Poncioni: Ce sont, mine de rien, deux professions assez semblables, car toutes deux exigent de la créativité et de la curiosité. Une fiduciaire doit s’adapter constamment aux nouvelles lois et un chocolatier doit s’adapter sans cesse aux changements de goûts. La fève de chocolat est comme la vigne, les nuances de son bouquet dépendent des changements climatiques, entre autres. Parfois, pour conserver la saveur initiale d’une recette, on doit presque la recréer.

En fonction de quoi créez-vous vos chocolats?

n Soit en fonction d’une idée que j’ai, soit à la demande de clients qui commandent des chocolats personnalisés dans le but de faire un cadeau original, ou tout simplement pour avoir un chocolat avec leurs produits (fruits ou alcool). Généralement, tout commence par l’idée d’un goût, c’est-à-dire l’alliage de saveurs, que j’ai dans la tête et que je veux reproduire. Des fois c’est possible et d’autres fois pas. L’inspiration, elle, par contre, peut venir à chaque instant et au contact de toute expérience nouvelle qui m’interpelle, comme un voyage, une épice, une personnalité, une émotion...

De laquelle de vos trente créations êtes-vous le plus fier?

n De ma série de chocolats à l’eau, dans laquelle j’ai remplacé la crème et le beurre par de l’eau. Ils se déclinent en cinq parfums: chocolat noir, fruits rouges, mangue, jasmin et épices. Avant la commercialisation de nos créations, nous les faisons toutes goûter par notre clientèle. Fréquemment, les clients trouvent le chocolat bon, alors que, pour moi, il n’est pas encore au point. De toute façon, quand je ne suis pas satisfait du goût, je ne le commercialise pas, même si les clients disent l’apprécier.

Est-ce que les goûts du public ont évolué avec le temps?

n Oui, bien sûr. Avant, il y avait plus de gourmands que de gourmets. Mais les saveurs aussi étaient moins variées, à l’instar des domaines des producteurs de cacao, qui sont clas­siquement l’Amérique du Sud et l’Afrique. Aujourd’hui, comme pour le vin, il y a des domaines différents dans un seul pays donné et chacun y produit la fève de son cru. Puis chaque époque a aussi ses effets de mode, actuellement, ce sont les produits sans gluten qui sont à la page. Les truffes restent les seules classiques indémodables.

Quelles sont vos difficultés?

n La concurrence des multinationales aux moyens marketing gigantesques que nous n’avons pas. Il ne faut pas oublier que ce ne sont pas eux, mais les petites PME comme nous, qui font tourner l’économie et assurent la diversité de l’offre aux consommateurs. Si nous venions à disparaître au profit du monopole des grands, le pouvoir du choix des consommateurs disparaîtrait avec nous.

Que faites-vous concrètement pour défendre le chocolat artisanal?

n Nous essayons d’initier petits et grands à l’art de sa création. Pour ce faire, je mets à leur disposition mon cahier des recettes maison et, en groupe de cinq personnes maximum, ces chocolatiers amateurs fabriquent leur chocolat dans mon atelier et repartent avec. J’ai, par ailleurs, noté que les gens veulent surtout connaître les ingrédients de la recette et ne sont pas vraiment intéressés par les tours de main et les astuces. Or, ce sont eux qui font toute la différence de goût et de texture. Toujours est-il que le chocolat est avant tout une histoire d’émotions et de souvenirs, et nous essayons d’offrir au public les meilleurs pour qu’il nous soit fidèle.

Anna Aznaour, journaliste RP

anna@aznaour.com

cacao & sciences

Pression artérielle 
et risque cardiaque

D’après les scientifiques, la consommation, régulière et modérée, du chocolat noir de qualité améliore la pression artérielle et prévient les risques de maladies cardiovasculaires.

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carte d’identité

Chocolaterie Micheli

Création: 1964 à Genève

Offre: 60 sortes de chocolat

Production: 10 tonnes par an

Effectifs: 8 personnes, dont 4 Ă  la production et 4 Ă  la vente

Chiffre d’affaires: environ 1 million de francs

Signes particuliers: ateliers de fabrication de chocolat pour grands et petits; création de chocolats personnalisés sur commande
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