Publié le: 3 juillet 2020

Houblon et malte, la bonne cause!

brasseurs – Des années de croissance réduites à néant. Pour relever ce défi, l’Association des brasseries suisses dispose d’un nouveau président – Nicolo Paganini (PDC/SG). Il faudra se montrer créatif et diversifié, sans oublier une rasade de numérique.

Tout un chacun aime la bière, de part et d’autre de la Sarine! C’est ce que montre la consommation de bière par habitant, qui s’est stabilisée entre 54 et 58 litres depuis des années, bien que jamais auparavant on n’ait consommé aussi peu de boissons alcoolisées depuis le début de l’enregistrement.

«La bière peut maintenir sa production et sa consommation à peu près au même niveau», note Marcel Kreber, directeur de l’Association suisse des brasseries (ASB). Il y a actuellement 1156 brasseries dans le pays. Cependant, les 57 plus grandes brassent plus de 98% de la bière. Les 1100 brasseries restantes représentent donc 2%.

La branche a mis en perce un nouveau fût au début des années 1990 avec la fin du cartel de la bière. Une décennie sinistre marquée par l’effondrement de la consommation par habitant, passée de 71 litres en 1990 à 57 litres en 2000: un marché en déclin et la surcapacité et les fermetures d’usines qui en ont résulté, ainsi que par la présence de compagnies de bière étrangères qui ont remué le marché suisse. Pour les lecteurs romands: R.I.P Cardinal!

Pas d’impôt jusqu’à 400 litres

«Mais avec cette libéralisation, le nombre de micro-brasseries a explosé, ajoute Marcel Kreber. Quiconque brasse de la bière en Suisse est en principe soumis à un impôt. Sauf s’il s’agit de consommation propre dont la quantité est limitée à 400 litres par an. Si l’on brasse davantage ou si la bière est vendue, on est im­posé.»

Le législateur ne prescrit pas une formation professionnelle complète en brasserie comme condition préalable à la création d’une brasserie. Ainsi, la liste des brasseries enregistrées contient d’une part les grands noms de l’industrie brassicole et d’autre part le hobby et les micro-brasseries de village, qui poussent comme des champignons. Cette évolution a donné naissance à une grande variété de bières différentes. De nouveaux styles ont conquis le marché et l’image de la bière a évolué de manière très positive.

«Naturellement, notre association a soutenu cette tendance avec des campagnes d’image, tout comme les brasseries avec leurs excellentes bières», se réjouit M. Kreber. En ce moment, les India Pale Ales – fruitées et amères, mais aussi les bières légères d’été et les bières sans alcool – sont très populaires.

La bière, nouvelle vague

Ces dernières années, l’ASB a utilisé une méthode intelligente et attrayante pour promouvoir la riche culture de la bière suisse auprès du grand public, par exemple avec le Swiss Beer Award. Les prix nationaux décernés aux bières de différents styles brassées par les brasseries de Suisse ou du Liechtenstein ont solidement établi le paysage brassicole suisse avec son immense variété et sa qualité de bière auprès du grand public.

«C’est un événement très important pour la scène brassicole suisse. Les critères pour recevoir un prix sont stricts. En plus de passer un test en laboratoire et un contrôle de conformité de l’étiquette, la bière doit également convaincre le jury de renom de ses qualités sensorielles», sait Marcel Kreber. L’Ordre de la bière, qui a été fondé en 1972 sous le patronage de la SBC, promeut égale­ment la culture de la bière à long terme. L’association et ses membres peuvent décerner la «Ad Gloriam CEREVISIAE» – en anglais «in honour of beer» – aux personnes qui ont rendu des services exceptionnels à la promotion de la bière. Aujourd’hui, environ 400 personnes appartiennent à l’ordre.

Brutale perte de recettes

La crise sanitaire a tout bloqué. «Avec le verrouillage et le choc qui l’accompagne de la chaîne gastronomique, nos brasseries ont soudaine­ment perdu leurs recettes. Après tout, le secteur de la restauration représente environ 40% des ventes totales de bière. Pour certains, cette part s’élève à 90%.»

Même si le canal de vente au détail s’est maintenant développé, cela ne compensera jamais les pertes subies. En outre, toutes les manifestations culturelles, expositions commerciales, concerts et festivals ont été annulés jusqu’à l’automne. Même le ballon ne roule pas, et la pause obligatoire dans le football suisse est un défi majeur pour l’industrie.

Le secteur de la restauration a en effet rouvert – mais le frein à main vient à peine d’être desserré. «2020 sera un millésime misérable pour les brasseries et j’espère de tout mon cœur que le plus grand nombre d’entre elles survivront.»

«2020: UN MILLÉSIME DE MISÈRE POUR NOUS AUTRES BRASSEURS.»

Une activité cruciale pour l’association est la formation. L’association s’active, donne et coordonne toutes sortes de formations spécifiques aux brasseries, telles que les cours inter­entreprises et les leçons scolaires avec des enseignants et des formateurs spécialisés. En outre, elle organise chaque année une journée de formation continue pour les employés des brasseries de ses membres.

«Avec GastroSuisse, nous proposons une formation de sommelier de la bière suisse et avec la Haute école spécialisée de Zurich, une formation complémentaire en tant que spécialiste sensoriel de la bière accrédité», ajoute Marcel Kreber.

Cet été, douze technologues alimentaires spécialisés dans la bière, soit des futurs brasseurs, passeront leurs examens. A cette fin, les jeunes professionnels ont passé un examen pratique exigeant dans des conditions difficiles. Malgré Corona, onze apprentis commenceront également leur apprentissage de trois ans cet été.

La SBC est également impliquée au niveau politique. Elle y mène actuellement une campagne contre l’introduction d’une consigne obligatoire – et ce, au sein de l’association de l’ensemble de l’industrie suisse des boissons. «La Suisse dispose de systèmes de recyclage efficaces et conviviaux pour les canettes en aluminium, les bouteilles en verre et les bouteilles de boissons en PET. Elles sont précisément adaptées au marché suisse des boissons et à l’ensemble du système de gestion des déchets», explique M. Kreber. «Une consigne obligatoire endommagerait ce système de recyclage suisse et entraînerait des coûts élevés sans apporter de bénéfice environnemental supplémentaire.»

Nicolo Paganini, futur virtuose!

Depuis fin avril, l’association engagée a un nouveau président en la personne du conseiller national du PDC de Saint-Gall, Nicolo Paganini. En tant que sommelier de la bière de formation, il possède déjà une grande expérience et un important savoir-faire. Il lui reste à assurer la survie de l’association dans une période difficile.

La numérisation offre également de nouvelles opportunités dans le secteur. La situation actuelle de ces derniers mois lui a donné un coup de pouce. L’Internet des objets est un grand problème, mais les achats en ligne ont également augmenté pendant le lock-out lié à Covid 19, forçant les brasseries à ouvrir de nouveaux canaux de distribution.

«Les brasseries sont susceptibles de se diversifier et de se numériser à l’avenir et d’essayer de maintenir plusieurs piliers – vente au détail, restauration, commerce en ligne, service de livraison à domicile, etc. Il est du reste convaincu que la Suisse continuera d’avoir un grand nombre de brasseries officiellement enregistrées à l’avenir: «La passion pour la culture brassicole suisse va continuer, conclut-il. La qualité, l’innovation, la variété, le service et l’engagement continueront d’être décisifs à l’avenir, qu’une brasserie réussisse ou non sur le marché.»

Corinne Remund

www.bier.swiss

une association

Il était une fois … la bière

En 1877, environ 80 brasseurs se sont réunis à Olten pour former une association, l’ancêtre de l’actuelle Association suisse des brasseurs (ASB). Sous l’initiative du brasseur Patrik Feller de Thoune, ils ont misé sur une collaboration pour développer la branche et tenir en échec les importateurs allemands…

Aujourd’hui, l’ASB remplit les tâches classiques d’une association: elle représente les intérêts de ses membres auprès du monde extérieur, collecte des statistiques et s’engage en faveur de la formation et de la formation continue.

Elle répond également aux questions techniques, sert de plaque tournante entre la Confédération, les cantons, leurs autorités et ses membres, entretient son réseau avec des manifestations comme la Journée suisse de la bière et échange des informations avec d’autres associations, clubs, organisations et institutions.

L’ASB est également impliqué politiquement et contribue à ses préoccupations. Elle compte 24 brasseries dans toute la Suisse, dont la majorité sont des PME jusqu’à 50 employés. Ces structures produisent chacune au moins 200 000 litres de bière par an. Environ 50 000 emplois directs et indirects sont liés à cette branche. Elle génère plus d’un milliard de francs suisses par an. CR

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