Publié le: 8 avril 2022

Imposition: 15 % à prendre ou à donner

Difficile de parler de nos défis lorsqu’on les confronte à ceux de la population ukrainienne qui lutte autant que possible et dont l’engagement sans faille force l’admiration. Aujourd’hui, je vous propose toutefois d’ouvrir un chapitre différent, soit celui de la fiscalité et du taux d’imposition minimale, que nous ne fermerons pas aujourd’hui, mais qui est actuellement dans notre viseur au niveau fédéral et pose certaines questions.

Le 12 janvier dernier, le Conseil fédéral a décidé de mettre en œuvre l’imposition minimale imposée par l’OCDE et les États du G20 pour certaines entreprises. Dans les faits, 137 États se sont mis d’accord sur une imposition minimale de 15 % pour les entreprises internationales dont le chiffre d’affaires dépasse les 750 millions d’euros. Et si on ne s’aligne pas? La réponse est simple et est rapportée par la Confédération: «Si un État maintient des taux plus bas, les autres États peuvent soumettre les entreprises concernées à des impôts supplémentaires».

Donc, si la Suisse venait à imposer en dessous de ce taux de 15 %, alors un autre État pourrait prélever les impôts entre le taux appliqué par la Suisse et le taux de 15 %. Le genre de pratique qui – en s’appliquant aux grands groupes et en épargnant la plupart des entreprises – ne rencontre pas de fortes oppositions et est même applaudit par certains. Le genre de pratique qui – si elle est étendue – pourrait devenir très problématique en matière de souveraineté fiscale.

En théorie, rien ne devrait changer pour les entreprises qui sont actives uniquement en Suisse et les PME. Du moins, c’est ce que laisse penser l’affirmation des 20 plus grandes puissances qui ont pris cette décision pour répondre aux défis posés par la numérisation et la mondialisation de l’économie. Sur le fond, cette décision se comprend et il est indéniable que cette nouvelle réalité nécessite des changements. Dans la réalité toutefois, sa portée limitée est moins certaine: car si le taux d’imposition minimale n’impactera pas directement les autres entreprises, les mesures prises pour compenser cette perte d’attractivité pourraient, quant à elles, impacter l’ensemble des entreprises, de manière directe ou indirecte. D’où tout l’intérêt d’être non pas spectateurs mais acteurs de ce changement, et faire en sorte que les rentrées fiscales supplémentaires servent à financer des mesures efficaces et à améliorer l’attractivité économique de notre pays.

Ce qui nous amène aux collectivités concernées, soit les Cantons. Car oui, la concurrence fiscale existe non seulement entre les pays, mais aussi entre les Cantons dans notre pays. Ce changement pose donc non seulement des questions au niveau fédéral, mais également au plan cantonal. Et très vite vont se poser les deux questions suivantes, la première étant sans doute la plus agréable: comment utiliser les recettes supplémentaires engendrées par le taux d’imposition minimale? Et voici la seconde qui répond en partie déjà à la première: quelles mesures pourront et devront être prises pour compenser cette perte d’attractivité et renforcer/promouvoir la place économique? Avec une condition à prendre en compte: ces mesures ne pourront pas aller à l’encontre de la logique imposée par l’imposition minimale et devront donc être axées sur le domaine non fiscal.

Cette condition est cruciale puisqu’elle fait sortir ce débat du cadre purement fiscal en posant rapidement la question de l’égalité de traitement vis-à-vis de toutes les entreprises.

Terminons là-dessus: le taux d’imposition minimale a été voulu pour répondre aux défis de la numérisation et de la mondialisation et éviter que certaines très grandes entreprises échappent à l’impôt. Quant à savoir quel est l’impact de ce changement sur l’ensemble de notre économie, il y a une part d’incertitude puisque cela dépendra des mesures d’attractivité prises par les Cantons.

Surtout, il y a la nécessité d’être acteurs de ce changement et de faire en sorte que la pièce tombe du bon côté, soit celle d’une utilisation judicieuse de ces recettes supplémentaires. On peut penser, par exemple, à numériser et simplifier l’administration, à stimuler la croissance, à moderniser la formation… Bref, à faire de la Suisse LA destination moderne et convoitée par les créateurs d’emplois.

*Conseillère aux États (PLR/FR)

johanna.gapany@parl.ch

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