Publié le: 10 janvier 2014

«â€‰Je me sens bien accepté »

RUEDI LUSTENBERGER – Le conseiller national PDC lucernois, membre du comité directeur de l’usam, préside le Conseil national cette année. La formation professionnelle lui tient à cœur.

Journal des arts et métiers : La première session du Conseil national sous votre présidence s’est terminée le mois passé. Quel est votre souvenir le plus marquant de ces trois semaines ?

n Ruedi Lustenberger : Mon bon résultat électoral m’a réjoui et je me sens bien accepté par le Conseil. Mes collègues m’ont rendu la tâche facile ; si les débats ont donné lieu à quelques controverses, ils ont toujours été menés de manière correcte. Je n’ai pas eu l’illusion de croire que, d’un jour à l’autre, je serais en mesure de faire diminuer le brouhaha dans la salle. Quant à « ma » première session, j’en suis satisfait à tous égards. Parmi les grands moments, il y a eu la fête de l’élection du président de la Confédération Didier Burkhalter, à Neuchâtel, et la fête de mon élection, dans le canton de Lucerne. Et le fait que le budget 2014 se soit amélioré de plus de 150 millions n’est pas pour me déplaire (sourire).

Quel intérêt vous pousse à faire de la politique ? Y a-t-il eu un événement déclencheur ?

n Mon père s’intéressait à la politique ; c’est donc à la table familiale que cela a commencé, avant même que je n’entre à l’école. En 1956 – j’avais six ans – j’ai entendu à la radio et vu dans le journal comment les Russes avaient envahi la Hongrie et étaient entrés à Budapest. Je me souviens d’images montrant des chars, des mitrailleuses et une population terrifiée. J’ai eu peur de voir la guerre éclater et mon père appelé sous les drapeaux. On peut donc dire que j’ai commencé à être politisé à l’âge de 6 ans. En 3e et 4e années de scolarité, je lisais des livres sur l’histoire suisse et, plus tard, je discutais avec mon maître d’apprentissage et sa femme de sujets sportifs, mais également politiques. C’est ainsi que je suis tombé dans la marmite.

« C’EST GRÂCE AU SYSTÈME DUAL DE FORMATION PROFESSIONNELLE QUE LA SUISSE SE PORTE BIEN. »

2014 est l’année officielle de la formation professionnelle. Lors de votre discours inaugural, vous avez abordé le thème du système dual de formation professionnelle, définissant la période d’apprentissage comme une « école de la vie ». Pourquoi cette question est-elle si importante pour vous ?

n J’ai vécu plusieurs expériences au cœur du système de formation professionnelle : en tant qu’apprenti, puis comme maître de 25 apprentis au total et, enfin, de longue date, comme enseignant auxiliaire à temps partiel dans une école professionnelle. Fort de ces expériences, je suis à même d’estimer l’importance de notre système dual de formation professionnelle et de traiter de la question en connaissance de cause au niveau politique. Je ne peux pas imaginer un meilleur système que le nôtre et je lutte pour sa sauvegarde et son développement. Si la Suisse, en comparaison internationale, se porte aussi bien sur les plans économique et social, elle le doit en grande partie au système dual de formation professionnelle.

Que signifie le fait qu’un maître-artisan soit élevé aujourd’hui au rang de « premier citoyen suisse » ?

n Je ne rapporte pas cela à ma personne, mais à la fonction : la Suisse est un cas particulier au niveau mondial du fait que la présidence de son Parlement peut être confiée à quelqu’un qui a fait un apprentissage, a été enseignant et entrepreneur, mais n’a jamais développé de belles théories devant un auditoire. Ce fait en dit moins sur ma personne que sur le régime politique de notre pays. Et cet excellent système, nous devons le préserver !

« LES ZONES RURALES ENCOURENT LE RISQUE D’ÊTRE MINORISéES PAR LES VILLES ET LES AG-GLOMéRATIONS. »

Dans votre discours inaugural, vous avez mentionné les différents intérêts de la Suisse urbaine et rurale. Pourquoi ces questions vous préoccupent-elles ?

n Il y a 500 ans – j’en ai parlé dans mon discours – les intérêts différaient beaucoup plus qu’aujourd’hui. La domination des villes sur la campagne, telle qu’on la connaissait alors, n’existe plus aujourd’hui dans les faits, et c’est un acquis important. Néanmoins, force est de constater que l’évolution de notre société et celle de la politique d’aménagement du territoire font peser sur les zones rurales la menace d’une mise en minorité par les villes et les agglomérations. Nous devons nous efforcer de promouvoir la compréhension mutuelle de la problématique des zones urbaines et de celle des zones rurales. « L’unité dans la diversité » : ce credo a fait la force de la Suisse, et il importe que nous prenions soin de cette recette du succès. Les Suisses sont un peuple de minorités et la compréhension mutuelle est indispensable pour tous.

Cette compréhension est souvent insuffisante dans le domaine de la politique énergétique et environnementale. En tant que parlementaire profondément bourgeois et plutôt conservateur, comment se fait-il que vous vous investissiez autant dans ce domaine ?

n Un vieux proverbe indien dit : « La terre ne nous appartient pas ; elle nous est prêtée par nos enfants. » J’adhère à cette pensée. Je suis profondément convaincu que nous devons accorder davantage d’attention que nous ne l’avons fait au cours des dernières décennies à notre façon d’exploiter les ressources limitées et non renouvelables. C’est pourquoi je ne crains pas d’afficher à ce sujet une attitude un peu plus progressiste que celle habituellement adoptée par les instances de l’usam.

Comment imaginez-vous la Suisse de demain ?

n Nous devons continuer d’appliquer les recettes qui ont fait leurs preuves depuis la fondation de l’Etat fédéral en 1848. Si nous optons pour des changements, ceux-ci doivent aboutir à améliorer les conditions de vie dans notre pays ; faute de quoi il vaut mieux laisser les choses en l’état.

Vous êtes également le président de Swiss Label, la société « à l’arbalète », qui a pour but la promotion des produits et des services suisses. Que signifie aujourd’hui ce symbole immémorial ?

n En tant que chasseur et tireur, je suis familiarisé avec les armes. L’arbalète, arme du légendaire Guillaume Tell – qui est lui-même une figure emblématique –, a toujours été une marque de commerce. Swiss Label l’utilise avec habileté, misant sur l’arbalète comme un symbole de la qualité suisse, qui frappe la cible dans le mille : sérieux, production durable, responsabilité sociale et environne-mentale, tradition et longévité.

« DEPUIS UN CERTAIN NOMBRE D’ANNéES, L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE A ÉTÉ PASSABLE-MENT SOUS-ESTIMéE. »

En tant que député PDC, vous soulignez toujours le rôle de la famille. Qu’est-ce que la famille signifie pour vous personnellement ?

n Je n’ai moi-même jamais pris explicitement part à la politique familiale. Néanmoins, je constate que, depuis un certain nombre d’années, l’importance de la famille a été passablement sous-estimée. Aujourd’hui, la famille connaît un renouveau dans la société tout comme dans l’Etat, et je m’en félicite. Il est d’un intérêt crucial pour l’Etat et pour la société de promouvoir la famille comme la première et la plus importante de leurs cellules. Je ne prône pas tant ici un soutien d’ordre financier qu’une certaine estime pour la transmission de valeurs indispensables telles qu’elles sont vécues, sous diverses formes et selon différents modèles, à l’intérieur de la famille.

Il y a deux ans, vous dirigiez encore une menuiserie. Qu’est-ce qui fait le succès d’un entrepreneur ?

n Avec ma femme, j’ai dirigé pendant 37 ans une menuiserie occupant un personnel de trois travailleurs qualifiés et deux apprentis. Tout le monde n’est pas fait pour le métier d’entrepreneur. Il s’agit en quelque sorte d’une « vocation » : il faut accepter de devoir travailler plus que la moyenne, être doté de beaucoup de persévérance, être prêt à investir davantage de temps et d’énergie et à prendre des risques. Dans les entreprises familiales, c’est souvent le dévouement des partenaires qui permet de réussir. Cela mérite d’être dit ici, en toute gratitude. Et en fin de compte, le succès d’une entreprise dépend également – comme toujours dans la vie – d’un brin de chance.

Interview : Gerhard Enggist

Bio express

« En tant que conseiller national et représentant des PME, j’assume des responsabilités au niveau de l’Etat, de l’économie et de la collectivité » : telle est la devise du conseiller national PDC lucernois Ruedi Lustenberger. Père de cinq enfants adultes, Ruedi Lustenberger, âgé de 64 ans, siège depuis 1999 au Conseil national. Il vit à Romoos, dans l’Entlebuch, où il exploitait encore, il y a deux ans, une menuiserie. Membre du comité directeur de l’Union suisse des arts et métiers usam, il présidera le Conseil national en 2014.

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