Publié le: 12 août 2016

L’effet induit par la vie californienne

silicon valley startup camp – Clément Javersac-Galy avait été sélectionné en 2015 pour passer une semaine dans la Mecque des techs. Ce voyage passionnant lui a permis de faire mûrir son projet de maintenance prédictive basé sur la photonique.

«J’ai commencé par réparer des machines à laver et des micro-ondes dans le voisinage, raconte Clément Javersac-Galy. Puis j’ai construit mes propres machines. Par exemple, j’ai fabriqué une chambre à brouillard et un appareil pour extraire des molécules, de plantes ou d’origine végétale…»

Ce jeune Français, étudiant à l’EPFL, avait été sélectionné l’an dernier pour participer au Silicon Valley Startup Camp (SVSC), ce voyage organisé par la Banque Cantonale Vaudoise (BCV) et ses nombreux partenaires (le JAM n’y joue qu’un rôle discret de mentor). De retour de Californie, les neurones de Clément fusaient d’une nouvelle flamme entrepreneuriale. Comme il l’explique, il s’est lancé pour de vrai et s’apprête à ouvrir une entreprise avec ses différents associés. Devant un jus de fruit, place de la Gare à Lausanne, il se raconte.

Des débuts à la Junior Entreprise

Il revit un instant le garage de son adolescence et les démonstrations de «magie scientifique» pour la famille et les amis. Première précision, le garage était un vrai garage à voitures, pas un gadget pour servir de motif dans un récit autobiogaphique! Un vrai garage qu’il a du reste peu à peu transformé en vrai débarras-laboratoire, dans lequel s’amoncelle encore aujourd’hui une «épéclée» d’oscilloscopes et des montagnes d’appareillage scientifique.

Jusqu’ici, ses parents se sont montrés bien patients. Ils aimeraient bien toutefois retrouver un jour leur garage. Il a aussi un grand frère, ingénieur mathématicien, vivant dans un univers de codes et d’entités assez virtuelles. Clément s’intéresse pour sa part plutôt aux choses palpables.

Originaire de Toulouse, fan de sciences et de machines, Clément Javersac-Galy fait ses débuts en biologie. Puis, pour mieux comprendre le monde qui l’entoure, il se passionne de chimie. Au final, c’est la physique qui prendra le dessus. Une classe préparatoire le conduit à fréquenter une école d’ingénieurs, l’Institut d’Optique de Paris.

Bricolage, sciences et violon!

«A cette époque, je me suis engagé dans une Junior Entreprise, raconte-t-il. Ces structures gérées par des étudiants qui font du consulting en entreprise m’ont donné l’occasion de travailler dans des startups et des laboratoires gouvernementaux, de grands groupes, par exemple dans les secteurs ferroviaire et aéronautique. En même temps, j’ai gardé intacte ma passion pour les sciences. Il m’a simplement fallu trouver un juste milieu.»

Il parle de ses grands-parents qui ont encouragé sa vocation. Avec eux, il y a des week-ends de bricolage au programme. C’est donc dans les gènes? «Non, je n’ai pas été spéciale­ment éxposé aux métiers de l’ingénieur.» Alors il parle de ses parents, tout en détachant bien les syllabes de «mé-de-cine». Dans le sous-jacent, on sent encore l’ex-élève-modèle, le doctorant qui rend ses travaux à temps, un monde de valeurs intellectuelles bien soupesées. Et, dans la pensée, ce socle qui lui permet de continuer à se construire.

Il confirme volontiers. Oui, il a fait du latin. Et de la musique. «Du violon irlandais dès l’âge de sept ans», précise-t-il. Sans rapport avec le sujet du jour, le voyage en Californie? Peut-être pas. Reste que Clément Javersac-Galy se donne beaucoup de peine pour répondre à toutes nos questions. C’est parti pour l’interview «Ma ­Startup naîtra sous peu»!

JAM: Alors, vous en jouez toujours, de ce violon?

nClément Javersac-Galy: Avec les études supérieures, j’ai arrêté cette activité. Toutefois, j’ai toujours mon violon avec moi… Je me suis promis de m’y remettre dès que j’aurai le temps.

Il est juste encore un peu trop tôt pour lâcher le nom de l’entreprise que vous vous apprêtez à créer. Pourriez-vous nous expliquer quelles seront les prochaines étapes?

n Officiellement, je suis encore étudiant, en doctorat à l’EPFL. Du coup, concernant le projet lui-même, nous travaillons à l’élaboration du prototype. Il faut lui donner des fonctions opérationnelles qui vont le rendre encore plus compétitif aux yeux des marchés auxquels nous aimerions nous attaquer. Parmi les étapes clés pour les six prochains mois, il y aura l’inscription au registre du commerce (RC) et puis nous commencerons ouvertement à faire du business.

Avez-vous déjà un commercial dans votre équipe?

n Notre team fonctionne avec un post­doc bien expérimenté, un ancien camarade de promotion de mon école à Paris et un expert d’industrie. C’est ce dernier qui a le plus d’expérience, il a le double de notre âge et nous apporte son savoir-faire plus son réseau de vente. Grâce à lui, la transition entre le laboratoire et le marché sera plus aisée. Même si l’un de nous est plus axé rendez-vous avec les clients potentiels, pour l’instant, tout le monde fait encore un peu tout. Nous essayons de recruter des compétences externes pour de petits mandats et nous entourer de gens qui peuvent nous aider.

Les principales difficultés?

n Pour commencer, dénicher les premiers projets pilotes qui prouveront que le produit fonctionne. Le prototype marche, mais il faut s’assurer à 100% qu’il résout un problème non résoluble actuellement.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

n Nous mettons au point un moyen de prévoir les pannes des machines en utilisant le signal optique et non, comme cela se faisait autrefois, des signaux électriques. Cela nous permet de pouvoir opérer en environnements hostile. Il y a trois mots clés. D’abord, la photonique – identifiée par l’UE comme une technologie disruptive en passe d’être adoptée par l’industrie. Deuxième point, le «machine learning» et l’intelligence artificielle. Cela va changer beaucoup de choses dans l’industrie 4.0. Le troisième point est lié à de nouveau type de matériaux, comme ceux à deux dimensions. Avez-vous entendu parler du flagship graphène de l’UE? C’est un projet à plus d’un milliard. Il y a eu un prix Nobel sur le graphène (Ndlr: Andre Geim a reçu, avec Konstantin Novoselov, le prix Nobel de physique en 2010). Toujours est-il que nous sommes l’une des premières entreprises à commercialiser ce type de matériaux.

En définitive, qu’est-ce que ce voyage dans la Silicon Valley en 2015 vous aura apporté?

n Une vraie différence, c’est de ne plus avoir peur de l’échec et de se lancer! Chaque idée vaut la peine d’être essayée. Nous avons visité le plus grand incubateur du monde. Ce que je garde en moi, c’est l’idée de pouvoir m’accomplir avant de réussir. J’y ai compris qu’au lieu d’entrer dans une grande entreprise après mes études, je préférais prendre des risques pour réaliser ce qui me plaisait. Là-bas, un Suisse nous a raconté ses dix premiers échecs dans toutes sortes de secteurs, e-commerce, pressing… Il a beaucoup essayé, beaucoup raté, mais au final, cela ne pose pas de problème. Il est heureux et a d’ailleurs de plus en plus de succès. C’est rafraîchissant de savoir que je ne vais pas rater ma vie si ce projet ne marche pas. Cela aura toujours marché d’une certaine manière, parce que j’aurai essayé quelque chose qui me plaît et j’aurai eu un impact, même limité.

Vous étiez déjà comme ça avant?

n Oui, mais quelque chose de marquant s’est produit. Le fait de voir qu’à l’échelle de toute une région, cette devise semble partagée et réalisée. Avant de partir, je n’étais pas dans le tort ou le faux. C’est faisable! Avant, quand on me demandait si je voulais rester ici ou m’expatrier, je ne savais pas. Là, j’ai compris que je pouvais aussi le faire ici en Suisse. Que la taille du pays permet de rencontrer un CEO d’un grand groupe plus facilement qu’ailleurs. Certes, là-bas, le premier échange est plus facile, mais on reste en surface. Ici, on peut avoir de vrais conseils.

Quelle startup en Suisse romande vous a montré le chemin?

n Je dirais Flyability SA, basée à Lausanne-Sévelin, qui fabrique des drones en forme de boule. Je les ai vus lors de leurs premières présentations et les erreurs qui vont avec. Après deux ans, ils sont à trente employés et réalisent un million de chiffre d’affaires et prévoient dix millions l’an prochain. Ils ont levé quelques millions en série A. C’est un très beau projet.

François Othenin-Girard

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