Publié le: 24 janvier 2020

L’Inde et ses amours semi-divines

expo – Le musée Rietberg de Zurich présente pour la première fois en Suisse des miniatures prestigieuses mettant en scène la fameuse «Gitagovinda», histoire d’amour entre la bergère Radha et le dieu Krishna. Plongée dans une œuvre poétique majeure de la littérature indienne.

Une exposition qui vaut absolument le détour par Zurich, comme mes proches me l’ont expliqué. Le musée Rietberg niché dans un somptueux parc, est en soi un but d’excursion. On y parvient par les transports publics, mais le dernier bout se fait à pied.

L’expo est visible jusqu’au 16 février prochain. C’est somptueux. Les documents sont bien présentés et le corpus explicatif permet de saisir ce qu’il faut ou plus – selon intérêt. Voici quelques explications fournies par les curateurs de l’exposition.

Grande histoire d’amour de l’Inde

Le «Gitagovinda», qu’on pourrait traduire par «le poème chantant Krishna», est en premier lieu l’un des textes les plus importants de l’histoire littéraire indienne. Pourquoi un musée d’art s’intéresse-t-il donc à ce poème épique, rédigé à la fin du XIIe siècle par Jayadeva? Le «Gitago­vinda» est avant tout une histoire d’amour poétique dans laquelle désir et douleur forment l’essence de la liaison entre le dieu Krishna et la bergère Radha.

Les personnages traversent toute la palette de sentiments d’une relation amoureuse faite de séparations et de réconciliations. Le «Gitago­vinda» est cependant aussi un chef d’œuvre de la peinture indienne. Pour la première fois en Suisse, le musée Rietberg expose les scènes-clés d’une série de miniatures illustrant le texte du «Gitagovinda».

L’amour qui transcende tout

La qualité des peintures (réalisées au XVIIIe siècle par les célèbres peintres de la cour de Guler, dans la région de Pahari, renommée pour sa tradition picturale) a assis la réputation du «Gitagovinda» comme œuvre exceptionnelle de l’art du sous-continent indien.

L’amour dépassant les limites de classe entre le par trop humain dieu Krishna à la peau bleue et la simple bergère Radha fait partie des mythes les plus connus de la culture indienne et de la religion hindoue. Le langage poétique s’allie à la finesse de la peinture en une symbiose parfaite qui charme le public aujourd’hui encore.

Les empereurs de la miniature

Les quelques 50 peintures, esquisses et dessins de l’exposition proviennent principalement de la collection de renommée internationale du musée Rietberg, à laquelle s’ajoutent des prêts issus de collections privées ainsi que du Musée national des arts asiatiques Guimet, Paris, et du Government Museum and Art Gallery de Chandigarh, en Inde.

Le «Gitagovinda» de Jayadeva fait sans nulle doute partie des grandes œuvres de la littérature mondiale; les illustrations des peintres de Guler, quant à elles, font partie des chefs d’œuvre de l’art mondial.

Du point de vue littéraire, l’histoire de Radha et Krishna est tout aussi unique que le «Romeo et Juliette» de Shakespeare, et sa mise en peinture dans les ateliers de Guler est, du point de vue de la peinture, tout aussi important que les fresques de Giotto dans la basilique Saint-François à Assise. La présente exposition offre également la possibilité de se pencher sur les particularités de la peinture indienne, sur le travail de quelques-uns de ses plus célèbres artistes, et sur leurs techniques de peinture.

Le «Gitagovinda» – l’histoire d’amour entre la bergère Radha et Krishna, avatar de Vishnou, l’une des trois grandes divinités de l’hindouisme –, qui remonte au XIIe siècle, a été illustré dans l’une des séries les plus célèbres et les plus précieuses de la peinture indienne vers 1775. L’exposition vous invite à approfondir davantage cette œuvre poétique et à vous plonger dans ce fabuleux récit. Qu’il s’agisse des miniatures conservées au Musée Rietberg – le plus vaste ensemble et le plus complet – ou de pièces provenant d’autres collections, ces images ont le pouvoir d’enchanter quiconque les contemple.

JAM/réd

japon: découvrir les surimono de l’école shijO¯

Puisque vous êtes sur place, jetez un œil à l’expo consacrée à la tradition naturaliste de l’école Shij¯o qui compte parmi les principaux courants artistiques au Japon entre la fin du XVIIIe et le début du XXe siècle.

Ces surimono de l’école Shij¯o – des cartes avec poèmes et illustrations imprimées – de la donation de Gisela Müller et Erich Gross combinent les vers de haïku avec des images lyriques et humoristiques des artistes de tradition picturale décorative et naturaliste Shij¯o. Produits pour des cercles de poésie amateurs, ces œuvres séduisent par leurs motifs riches de fantaisie et leurs palettes de couleurs attrayantes.

Le quartier de Kyoto où se trouvait l’atelier de Matsumura Goshun (1752-1811), son fondateur, dans la 4e avenue («Shij¯o»), a donné son nom à cette tradition picturale. A l’origine, toutes les estampes gravées sur bois étaient appelées surimono, mais à partir du début du XVIIe siècle, ce terme sera surtout utilisé pour des estampes produites en tirages limités et distribuées sous forme de cadeau à des particuliers. Elles n’étaient pas réalisées à des fins commerciales, mais pour annoncer différents événements ou manifestations – représentations théâtrales ou concerts, inauguration d’un magasin, changement de nom, et, le plus souvent, comme carte de vœux du Nouvel An.

La plupart des surimono étaient toutefois des commandes de cercles littéraires qui désiraient publier le résultat d’un concours de poèmes. Dans une première phase, la poésie occupait donc une place centrale, l’illustration ne jouant qu’un rôle accessoire, et parfois même, les poèmes étaient publiés sans être illustrés. Les quelques 80 estampes sont présentées pour la première fois en public. Les poèmes illustrés font part d’un groupe de surimono, dans lequel on trouve des vers de 17 syllabes, dits haikai (fr. «haïkaï»), que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de haiku (fr. «haïku»). L’expressivité subtile des illustrations est absolument fascinante: ces fleurs et ces animaux, ces paysages idylliques, ces objets d’usage courant ou les scènes de la vie quotidienne, tracés d’un pinceau alerte au moyen de quelques traits, touchent encore aujourd’hui le spectateur à cause de leur charme irrésistible et de leur atmosphère poétique.

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