Publié le: 10 août 2018

L’union de l’eau et de la pierre

fontainiers – Elle est hygiéniste dentaire, lui électricien. Mais ce qui les fait rêver, ce sont les fontaines: leurs loisirs, Maude et Didier Gebhardt les consacrent à la chasse aux bassins anciens. Ils proposent leurs trouvailles à Servion.

Un glouglou léger qui chante au pied de la maison, dispensant une fraîcheur bienvenue. Une pierre taillée, polie par l’eau et les années, qui révèle sa patine dans la douceur du petit matin ou du soleil couchant: les fontaines savent parler aux jardiniers.

Maude et Didier Gebhardt l’ont bien compris, eux qui, tout jeunes, sont quasiment tombés dedans. Leurs parents n’étaient-ils pas amis avec Gilbert Kaufmann, pionnier des bassins anciens en Romandie, qui durant trente-cinq ans a proposé ses découvertes aux amateurs, à Sion? De coups de main en aide aux livraisons, c’est presque tout naturellement que le jeune couple a été amené à reprendre l’enseigne des Fontaines de Charme, voici un peu plus d’un an.

Une activité actuellement accessoire – Didier est électricien et Maude, qui attend leur second enfant, hygiéniste dentaire à temps partiel – mais qui les passionne, leur donne l’occasion de belles expéditions, pour aller voir sur place les pièces intéressantes, et de belles rencontres.

Si la pierre est «gélive»

Devant leur maison, au centre de Servion (VD), une quarantaine de fontaines, bassins, puits, auges, et même un banc de pierre, attendent les amateurs. Un jour viendra où, après une visite, sur un coup de cœur, ils rejoindront un nouveau jardin. «Les fontaines se déplacent. On sait rarement où elles ont été fabriquées, quel a été leur parcours», note Didier. Pour lui, pas question d’acquérir un bassin sur la foi d’une simple photo: «Je vais toujours voir ceux qu’on me signale et je les évalue: si la pierre est trop abîmée, ou gélive, je renonce. On est en Suisse et il peut y avoir de forts gels.»

Une fois la pièce acquise, petites casses et fissures sont réparées, et l’étanchéité refaite si nécessaire. Pour les puits, c’est souvent toute la ferronnerie qui manque sur la margelle, et qu’il faut recomposer – à l’aide de morceaux de vieux portails, par exemple. Les fontaines, elles, arrivent le plus souvent sans robinet ou goulot. Et sans chèvre (pilier vertical comprenant la conduite d’alimentation, n.d.l.r) – la plupart du temps il n’y en avait pas, ou alors elle était scellée au bassin et il a fallu la casser pour pouvoir le transporter. Il faut alors trouver une pierre qui fera la paire avec le bassin, qui s’accordera avec lui tant en dimensions qu’en nature et coloris.

«J’ai un faible pour les fontaines classiques en pierre du jura.»

Les robinets utilisés par les Gebhardt, eux, sont des pièces anciennes qui équipaient jadis des… tonneaux dans les caves du Bordelais. Reste enfin l’étape de la livraison, pas toujours simple. Didier gardera encore longtemps en mémoire certain petit sentier dégringolant la forte pente de Lavaux, franchi avec un transpalette…

«Il faut poser le bassin sur des cales, sur une surface dallée par exemple, recommande Maude. Car si la pierre est en contact avec la terre, elle finit par se déliter, par perdre de son épaisseur, couche après couche.» Très peu de gens disposant d’une source, les fontaines seront générale­ment équipées d’une pompe permettant de faire circuler l’eau en circuit fermé. À l’exception d’une fontaine murale en ciment, moulée d’après un modèle provençal, les bassins proposés à Servion sont tous en pierre, ont au minimum un siècle et proviennent de Suisse ou de France voisine. «J’ai un faible pour la fontaine classique, en pierre du Jura, et en particulier pour les auges à deux compartiments (eau et grain)», avoue Didier. Maude quant à elle préfère le granit, la pierre foncée, les grands bassins rectan­gulaires. «Mais les gens qui apprécient beaucoup les bassins ronds ne restent jamais longtemps chez nous.»

Yves Mouquin, florens

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