Publié le: 10 décembre 2021

La contrainte maximale, une très mauvaise idée

zéro pourmille – Tolérance zéro pour l’alcool au volant: c’est ce qu’a récemment décidé le Parlement européen. Il ne devrait pas couler beaucoup d’eau sous les ponts avant que cette mesure soit également réclamée en Suisse. Une fausse bonne solution.

L’instance législative de l’Union européenne a récemment demandé d’améliorer la sécurité sur les routes. L’une des mesures les plus importantes devrait être l’introduction d’un taux d’alcoolémie de zéro pour mille. Le Parlement européen veut ainsi «donner l’exemple».

La bonne façon de procéder?

Pour rappel, le Conseil de l’Europe avait déjà recommandé en 1967 de fixer la limite d’alcoolémie à 0,8 gramme d’alcool par litre de sang. Cela correspond à un apéritif, trois verres de vin et un digestif pour un homme de 80 kilos. À l’époque, cela n’était pas trop strict. En effet, trop de personnes ivres étaient impliquées dans des accidents de la route.

Toutefois, cette recommandation permettait encore de se faufiler dans le trafic automobile malgré un léger état d’ébriété. En fait, il était surtout possible d’apprécier – et de savourer – le repas sans se soucier du risque de contrôle ou de perte de contrôle. C’était il y a longtemps, très longtemps même: 43 années ont passé depuis. Le trafic routier s’est considérablement densifié, les mesures de sécurité sur les routes et dans les véhicules – qu’ils soient à moteur thermique ou électrique – ont également augmenté. Le problème est toutefois resté le même. Il y a trop d’accidents de la route impliquant des conducteurs ivres.

Un objectif réaliste ?

Certes, l’ampleur de la conduite en état d’ivresse a diminué, car la législation exige actuellement un taux d’alcoolémie inférieur à 0,5 pour mille. Il n’est donc pas étonnant que le problème de l’ivresse soit toujours aussi important aux yeux des politiques. La question est toutefois de savoir si un nouveau durcissement, tel que le prévoit désormais l’UE (et tel qu’il devrait également être exigé en Suisse à plus ou moins long terme), constitute la bonne voie.

Du point de vue non seulement de l’hôtellerie-restauration, en particulier dans les campagnes, ce ne semble plutôt pas le cas. Car il est fort probable qu’avec un taux d’alcoolémie nul, la rubrique «accidents» sera soudain peuplée d’un très grand nombre de personnes «excessivement alcoolisées»; la norme – en fait, la tolérance zéro – étant très, pour ne pas dire trop, drastique.

Oui, il est triste de constater que des accidents continuent d’être causés par des automobilistes ivres. Cela ne devrait pas être le cas et c’est précisément pour cette raison qu’une limite de 0,5 pour mille a été introduite. Cette dernière est aujourd’hui respectée par la grande majorité des usagers de la route.

Punir les gens raisonnables?

La question est donc la suivante: une interdiction absolue de «l’alcool au volant» aurait-elle permis d’éviter cette souffrance inutile? C’est possible. Voulons-nous, devons-nous, par conséquent, étendre encore plus le contrôle pour vivre dans une société totalement sans risque? Est-ce un objectif souhaitable – et est-il en quelque sorte réaliste?

Malheureusement, il est fort probable que le nombre d’accidents ne diminuerait pas nécessairement. Au contraire: une limite aussi stricte peut aussi être source d’insécurité. Et les conducteurs inquiets ne sont pas ce qui apporte la sécurité sur les routes. Et si la limite peut être dépassée, certains la franchiront! Surtout si la limite est fixée à zéro. Une «solution» qui – en ville et pas seulement dans les zones rurales – ne devrait être que très peu acceptée.

Imagination: sans limites

Et si c’était le cas? La prochaine «solution» devrait être de limiter la conduite des personnes qui prennent des médicaments, puis d’interdire la conduite aux personnes «stressées» qui ont tendance à commettre des erreurs impardonnables sur la route. Il n’y a pas de limites à l’imagination – certains voudraient déjà interdire totalement la conduite individuelle d’un véhicule à moteur. La Suisse, dont on sait qu’elle suit trop souvent et aveuglément l’UE, pourrait introduire ces dispositions drastiques. Une fois de plus, les personnes raisonnables qui boivent un verre avec des amis seraient ainsi punies pour leur «comportement irresponsable».

Une chose est sûre: une politique qui prétend créer des conditions générales valables pour tous ne devrait pas s’appuyer uniquement sur des exceptions pour justifier des mesures restrictives. En cas d’exception, des mesures exceptionnelles devraient être prises en dernier recours.

Essayer de faire supporter les conséquences d’un comportement irresponsable à tous ceux qui assument leur responsabilité personnelle – et c’est le cas de la grande majorité des automobilistes – ne mènera pas au but.

La contrainte est un bien mauvais moyen d’induire des changements de comportement. Surtout sur un sujet comme celui-ci.

Mikael Huber, usam

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