Publié le: 6 mars 2020

La logistique des années 2030

cargo sous terrain (cst) – D’ici 2031, le tronçon de métro pour le fret devrait être achevée.

Un projet à 30 milliards pour environ 500 kilomètres: la distribution des marchandises en Suisse changerait

de visage. Interview de Peter Sutterlüti, président et délégué du conseil d’administration de CST.

Journal des arts et métiers: Quel est l’objectif le plus important que devrait atteindre le métro suisse pour les marchandises Cargo sous terrain (CST)?

Peter Sutterlüti: Avec Cargo sous terrain (CST), la Suisse disposera à partir de 2031 d’un système logistique global automatisé et numérique qui assurera à long terme la compétitivité de l’économie et la qualité de vie dans notre pays.

Les actionnaires de CST comprennent de grandes entreprises suisses comme Swisscom, La Poste, Migros, Coop, Mobiliar, Helvetia, CFF Cargo, Panalpina et l’aéroport de Kloten. Qu’attendent-ils du projet?

Chaque actionnaire impliqué a sa propre motivation, c’est ce qui crée le besoin pour CST. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est de vouloir faire avancer la mise en œuvre du CST en tant qu’infrastructure supplémentaire pour la Suisse – et sont prêts à le faire conjointement, dans le cadre d’un modèle de collaboration.

Désengorger les infrastructures routières et ferroviaires suisses. Est-ce possible?

Les flux de trafic sur les routes suisses sont en forte augmentation et les défis pour les prestataires logistiques ne cessent de croître. Le CST est capable d’absorber la croissance du trafic de marchandises et, lorsqu’il sera pleinement développé, il pourra retirer deux camions sur cinq des routes. Nous y travaillons. Soit dit en passant, le rail et les TSC sont complémentaires, car le rail n’est pas utilisé pour les petits transports sur palettes sur lesquels les TSC se concentrent.

Il y a aussi la protection de l’environnement. Pourquoi le transport souterrain devrait-il être plus «vert»?

Nous avons fait vérifier les avantages environnementaux dans une analyse du cycle de vie par des experts indépendants en utilisant des critères scientifiques. Les facteurs clés sont l’utilisation d’énergies renouvelables, la réduction du bruit et la diminution de la consommation des terres en surface.

La Confédération ne s’engage pas financièrement. Que se passerait-il si le CST venait à manquer de financement – est-ce un «Too big to fail»?

Si nous ne réunissions pas les fonds, il n’y aurait pas de CST – c’est aussi simple que cela ! Cependant, nous disposons d’un financement privé très stable, et notre consortium est soutenu dans sa construction par des partenaires du secteur financier. Lorsque la loi entrera en vigueur, 100 millions de francs seront dépensés dans un premier temps pour la phase de permis de construire de la première section, puis la CST sera majoritairement aux mains des Suisses, avec 57% des parts.

Il y a à bord des investisseurs internationaux tels que l’entreprise chinoise Dagong. Que risque-t-on?

Une précision: l’un de nos futurs investisseurs est la société indépendante Dagong Global Investment Holding. Nous suivrons la dispo­sition du Conseil fédéral selon laquelle une majorité suisse est garantie pendant toute la durée de vie de l’installation. Cela n’exclut pas explicitement les investisseurs étrangers, qui sont invités à participer au CST. Toutefois, la majorité de la CST AG restera en mains suisses.

Le projet existe déjà depuis de nombreuses années. Le Conseil fédéral veut désormais élaborer une loi-cadre à cet effet. Pourquoi ce nouvel élan?

Nous avons démontré dans les moindres détails que nous pouvons satisfaire aux exigences du Conseil fédéral, y compris celles relatives au financement privé et à l’intérêt de l’industrie. A cela s’ajoute le grand soutien de tous les milieux politiques et économiques lors du processus de consultation sur le projet de loi. Cela a convaincu l’Etat qu’il est bon d’entamer le processus législatif dès maintenant. Entre-temps, la CST AG compte sept employés qui travaillent sur les concepts de solution, préparent la phase de planification et font avancer notre projet parallèlement au processus législatif, par exemple dans le domaine de la logistique urbaine.

Qu’attendez-vous de la nouvelle loi-cadre ?

La loi nous fournira la base juridique nécessaire pour mettre en œuvre le tunnel et les plaques tournantes de la CST dans toute la Suisse, dans des conditions claires et ordonnées. Une fois la loi entrée en vigueur, les fonds garantis contractuellement pour la phase de permis de construire du premier tronçon de la ligne de Härkingen-Niederbipp à Zurich seront versés. Elle donne également à nos investisseurs la sécurité dont ils ont besoin et ouvre la voie à une procédure uniforme d’approbation des plans.

Quel rôle la numérisation joue-t-elle dans ce projet?

La numérisation est un moteur important du développement du CST. Avec ses caractéristiques, telles que le transport continu de marchandises en petites unités, le système s’intègre parfaitement au futur monde numérique. C’est un élément essentiel de l’infrastructure dynamique des villes intelligentes de demain.

La construction est prévue dès 2026 avec mise en service du premier tronçon en 2031. Le rythme n’est-il pas trop exigeant, vu les longs processus de décision en Suisse?

Nous avons soigneusement préparé le calendrier, en consultation également avec les offices fédéraux et les processus cantonaux. Les processus de décision politique ont été pris en compte. Pour autant que rien d’imprévisible n’arrive, notre calendrier s’applique. Après tout, nous y travaillons depuis un certain temps.

Le réseau achevé doit s’étendre sur 500 kilomètres, du Léman au lac de Constance, et coûter 30 milliards de francs. Le CST ne sera-t-il pas dépassé à son achèvement?

Au contraire: lorsque le réseau sera achevé, le besoin d’infrastructures et de routes supplémentaires sera encore plus urgent qu’aujourd’hui. En fin de compte, malgré toute la numérisation, le transport des marchandises est une chose physique et nécessite de l’espace. Et nous ne voulons pas imposer des exigences supplémentaires à l’espace de plus en plus rare en surface. Le système est suffisamment souple pour s’adapter aux nouveaux besoins.

Eau et eaux usées, gaz, électricité ou câble à fibre optique: sous terre, c’est complexe. Pourrez-vous tenir les délais?

La loi fédérale sur le transport souterrain de marchandises contribuera à créer précisément cette sécurité juridique nécessaire. Et bien sûr, nous planifions de manière à affecter le moins possible les autres acteurs et intérêts et à les prendre en compte à l’avance.

Pour le «dernier kilomètre», on utilise aujourd’hui encore des camions. Qu’est-ce qui changera?

La logistique urbaine en réseau de la CST permettra de réduire jusqu’à 30% du trafic de livraison et 50% des émissions de bruit dans les villes. Les points de vente et les clients finaux ne seront plus approvisionnés séparément par des fournisseurs différents, mais seront approvisionnés en marchandises de manière coordonnée et groupée à partir des centres urbains. Cela est rendu possible par l’alignement ciblé et opportun des marchandises dans le tunnel. En ville, nous utiliserons des véhicules à faibles émissions adaptés aux conditions des villes.

Comment les PME suisses pourront-elles bénéficier du projet?

Nous sommes au début d’un change­ment de paradigme dans la logistique: nous nous éloignons des grandes unités encombrantes – et nous nous dirigeons vers un transport de marchandises petit, flexible, automatisé et contrôlé numériquement qui contrôle le flux de marchandises de la source au puits. Le CST constitue un levier décisif à cet égard, qui profitera à l’économie et à la société dans son ensemble.

Interview: Gerhard Enggist

www.cst.ch

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