Publié le: 7 juin 2019

La nouvelle dictature du coloriage

NUTRI-SCORE – GrĂące Ă  Danone, la dangerositĂ© liĂ©e aux couleurs dĂ©voile un systĂšme totalitaire dangereux pour les PME. Mais que font les grandes entreprises?

Rien de plus actuel que le nouveau drapeau de l’alimentairement correct. Rouge! Orange! Vert! Le systĂšme Nutri-Score a fait sa grande apparition en Suisse. PrĂ©parez vous Ă  ce que des couleurs vous dictent quels aliments sont bons pour vous. Cette introduction ne doit rien aux autoritĂ©s sanitaires suisses! Elle repose sur l’initiative de Danone, qui a dĂ©cidĂ© d’étendre ce systĂšme Ă  notre pays.

On pourrait sourire en imaginant un monde ou la branche de chocolat sera prohibĂ©e et la consommation de viande punissable. Or ce monde imaginaire n’est pas si loin et les prĂ©mices se dessinent dĂ©jĂ . La FRC et ses associations sƓurs militent pour l’introduction du Nutri-Score, systĂšme qui classe les aliments, sur une Ă©chelle de cinq couleurs associées à des lettres de A à E.

Dispositions restrictives, néfastes

Ce systĂšme est déjà introduit en Belgique, en France et en Espagne. En Suisse, Danone, sur une base volontaire, a introduit l’étiquetage alimentaire Nutri-Score sur ses produits laitiers en mars 2019. Coca Cola quant Ă  eux ont déjà mis en place le systĂšme anglais. Nestlé a dĂ©jĂ  annoncĂ© qu’il Ă©tudiait la possibilitĂ© de reprendre Ă©galement le systĂšme français. Ces multinationales, mettent en place des dispositions restrictives, sans prendre en compte les consĂ©quences nĂ©fastes que celles-ci pourraient avoir pour les PME suisses et pour la plate-forme Ă©conomique suisse dans son ensemble.

«danone ne tient pas compte des effets de ses décisions sur les charges des pme.»

Mais alors pourquoi l’organisation faĂźtiĂšre des grandes entreprises suisse ne prend-t-elle pas position contre les dĂ©cisions nĂ©fastes de Danone? Elle a pourtant pour mission de s’engager en faveur d’un environnement optimal pour les entreprises suisses, des PME aux grands groupes. Cette mĂȘme organisation, qui pointait du doigt l’étiquetage spĂ©cial pour les denrĂ©es alimentaires prĂ©sentant des ingrĂ©dients «problĂ©matiques» en 2017, ne bouge pas le petit doigt quand la multinationale introduit en Suisse un systĂšme extrĂȘme­ment controversĂ©.

Retour par la petite porte

Danone se place en prĂ©curseur dans notre pays et ouvre la boĂźte de pandor. Il n’est ni scientifique, ni sensĂ©, de considĂ©rer un aliment «rouge» ou au contraire «vert», c’est-Ă -dire mauvais ou bon pour la santĂ©. Tout est une question de quantitĂ©. Il n’est pas imaginable de classer les aliments selon un systĂšme aussi simplifié.

Ainsi, une portion d’amande serait Ă©tiquetĂ©e rouge, compte tenu du taux Ă©lĂ©vĂ© de lipides, alors que cet aliment a une place de choix dans une alimentation saine. De plus, l’équilibre nutritionnel ne peut ĂȘtre fondĂ© sur un seul produit, mais sur un repas complet.

La question ne doit pas être lequel des systèmes il est plus judicieux de mettre en place, mais bien est-ce qu’on veut d’un tel système? Une fois encore, les grandes entreprises ne font preuve d’aucune solidaritĂ© en introduisant le Nutri-Score et font fi des consĂ©quences que cela pourrait avoir sur les plus petites entreprises qui croulent dĂ©jĂ  sous une bureaucratie Ă©crasante.

Rappelons que ce systĂšme est à assimiler à la déclaration nutritionnelle que les branches concernées ont combattus avec véhémence il y a quelques années lors de la rĂ©vision du droit sur les denrĂ©es alimentaires. Lors de la derniĂšre rĂ©vision de la loi sur les denrĂ©es alimentaires (largo) une dĂ©claration nutritionnelle poussĂ©e, qui va dans la mĂȘme direction que les prĂ©tentions du Nutri-Score, avait Ă©tĂ© proposĂ©e. Proposition que nous avions combattue avec force.

La balle dans le pied

Et aujourd’hui Danone, qui ne tient pas compte des effets que ses dĂ©cisions ont sur les PME, fait rĂ©entrer cette problĂ©matique par la petite porte, sans que son organisation faĂźtiĂšre ne bronche. L’introduction d’un tel systĂšme coĂ»terait très cher aux entreprises de l’économie alimentaire. Les PME ne pourraient pas absorber les charges de sa mise en place. Il serait temps de faire preuve de solidaritĂ© et de penser Ă  l’économie dans son ensemble. Les synergies entre multinationales et PME sont nombreuses.

Les grands groupes ont de plus en plus besoin des petites entreprises pour rester compĂ©titifs. C’est donc se tirer une balle dans le pied que d’introduire un systĂšme qui pousserait les plus petits acteurs de l’industrie alimentaire Ă  mettre la clĂ© sous la porte, il serait temps que leur organisation faĂźtiĂšre le comprenne.

HélÚne Noirjean, usam

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