Publié le: 4 novembre 2022

Le foot attire l‘attention. Et les PME?

qatar – Les médias braquent leurs projecteurs sur ce petit pays du golfe Persique. La question qui se pose est de savoir si les PME suisses peuvent trouver chez les Qataris des partenaires intéressés par leur savoir-faire. Cette économie en quête d’ouverture doit travailler à diversifier son tissu économique. Points de vue et analyses.

Le mondial de football approche pour une édition spéciale 2022 qui aura lieu en hiver. Une fois n’est pas coutume, mais comme cela, l’hémisphère sud pourra également profiter du grand tournoi de football durant son été. Le centre de la planète se déplace pour faire place aux autres nations.

Une nation ô combien importante, car elle possède la matière première essentielle pour la production d’énergie à l’heure actuelle: le pétrole. En effet, destination le Qatar, cette petite péninsule dans le golfe Persique qui fait face à l’Iran. Le pays n’est relié que par un côté à l’Arabie saoudite. Malgré sa petitesse, le pays compte la troisième plus grande réserve de gaz au monde et bien sûr aussi du pétrole.

Des références sur place

En quoi ce pays peut-il être intéressant pour les PME? L’économie du Qatar est largement dominée par le secteur pétrolier, mais le pays développe la pétrochimie et les fertilisants. Il s’agit ici des secteurs de base de l’économie qatarie, où des PME de la pétrochimie peuvent fournir des savoir-faire de pointes. Il ne faut pas oublier qu’au Qatar, 97 %des entreprises enregistrées dans le secteur de l’économie sont des PME. Il y a donc sûrement de la place pour des entreprises suisses.

Toutefois, pour se voir ouvrir les portes du pays de façon définitive, il faut pouvoir compter sur un sponsorship visa. Cela place les travailleurs dans des conditions très compliquées, si les relations tournent mal. Cela signifie qu’il faut avoir une bonne référence qatarie originaire du pays pour pouvoir s’y positionner durablement. La solution consiste donc à trouver des connaisseurs du pays pour s’intégrer au mieux dans la société et faire des affaires.

De Leytron à la mer Rouge

Qui dit gaz et pétrole, avec l’augmentation récente des prix, présage que le Qatar disposera d’une manne financière encore plus impressionnante! La croissance économique y est forte et le mondial va certainement amener une petite ouverture à l’économie. Cette fenêtre doit être impérativement utilisée par les prospecteurs d’affaires. Cela est d’autant plus intéressant pour les PME activent dans le domaine du luxe comme les firmes horlogères.

C’est le cas par exemple d’une vieille PME horlogère comme West End Watch Co, dont le siège se trouve à Leytron (VS), qui livre depuis 1886 ses montres de qualité suisse de la mer Rouge jusqu’à l’Inde. La marque est moins connue en Suisse que les autres marques, mais elle a réussi à s’implanter dans la culture de cette région avec un succès indéniable.

Projets pharaoniques et payés

Il y a plus encore, car si le porte-monnaie des Qataris s’étoffe, la consommation se dirige non seulement dans le luxe mobile, mais aussi dans le luxe de l’immobilier. Le pays se développe aussi en hauteur avec de multiples constructions, les projets d’infrastructures pharaoniques sont en plein boom, et les entreprises suisses ont très certainement un savoir-faire de qualité indéniable à fournir à ces projets déroutants. De tels défis sont à saisir.

La politique fait peut-être encore craindre les marchés des affaires. Le fonctionnement n’est pas à l’occidentale avec sa démocratie. Le système politique fonctionne avec à sa tête un émir, à savoir une monarchie héréditaire qui cumule les pouvoirs de chef de l’État et de chef du gouvernement. L’émir en place a cependant permis une certaine ouverture du pays. Il est l’un des premiers pays arabes du golfe Persique à avoir donner le droit de vote aux femmes.

Maladie hollandaise

L’avenir est-il certain pour investir dans ce pays? Probablement que oui, parce qu’il essaie de se détacher de l’empreinte de fournisseur de gaz et de pétrole. C’est par ailleurs un danger pour une économie de se voir dominée par un seul secteur économique, à savoir la maladie hollandaise.

Ce mal se caractérise par une désindustrialisation de l’économie en parallèle de l’augmentation du revenu national grâce à la découverte de gisements de gaz et de pétrole. La fantastique manne rapportée par ces gisements tend en effet à diminuer l’attractivité des autres secteurs notamment en taux de change flexible qui hausse et brise l’élan d’une commercialisation avantageuse. Dans ce contexte, l’économie du Qatar propose des facilités pour diversifier son économie à l’ouverture et ne pas faire les mêmes erreurs que les Pays-Bas.

Mikael Huber, usam

coup de projecteur

Qatar: des velléités de se diversifier

«Ces dernières années, le Qatar a pu élargir fortement sa notoriété dans l’environnement international malgré sa taille modeste», relève S-GE dans une note sur son site. Le pays souhaite se positionner dans le domaine de la culture et développe massivement ses capacités pour les manifestations sportives et les événements, et pas seulement dans l’optique de la Coupe du Monde de football de 2022. Le Qatar est le pays où l’on trouve les cliniques du sport les plus reconnues dans le monde et joue aussi un rôle important dans le suivi médical des sportifs de haut niveau.»

S-GE souligne aussi que pour réduire sa dépendance envers le pétrole et le gaz, le Qatar aimerait diversifier davantage son économie et a lancé la «Qatar National Vision 2030». Cette stratégie à long terme souhaite encourager un développement social, économique, durable et diversifié. «Des projets d’infrastructure gigantesques sont réalisés avec la Coupe du Monde de football de 2022. En tout, huit stades doivent être construits. D’autres projets de construction dans le domaine des transports, de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement des eaux, de l’électricité, de la formation et de la santé sont aussi subventionnés par l’État.»

Des secteurs dans lesquels les PME suisses auront à cœur d’apporter leurs solutions innovantes.

JAM

Point de vue

Dépendance analysée

«L’économie du Qatar est l’une des plus solides et des moins volatiles parmi les pays du Golfe, mais c’est aussi l’une des moins diversifiées. La rente gazière, basée sur des contrats de long terme d’exportation de gaz naturel liquéfié, procure des revenus importants et permet d’amortir les chocs macroéconomiques (chute des prix du pétrole entre 2015 et 2020, tensions régionales en 2017 et pandémie à partir de 2020).

À court terme, la demande de GNL est soutenue, notamment en Europe et les prix sont élevés. La Coupe du monde devrait dynamiser la croissance au quatrième trimestre. Par ailleurs, l’inflation reste maîtrisée en raison des interventions du gouvernement.

À moyen terme, les perspectives économiques sont très favorables avec la hausse de 60 % de la production et des exportations de gaz naturel. Cela devrait gonfler le fonds souverain qui est actuellement équivalent à deux fois le PIB.

À long terme, les conséquences de la lutte contre le réchauffement climatique sur les producteurs d’hydrocarbures rendent l’horizon plus incertain, même si le gaz naturel est considéré comme une énergie de transition. Il pourrait assurer le passage entre un mix énergétique dominé par les hydrocarbures et un autre dominé par les renouvelables. Dans ce contexte, le Qatar a pour objectif d’augmenter sa production de gaz naturel tout en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre grâce notamment à des technologies de capture et le stockage du carbone. Néanmoins, l’efficacité du développement de ces techniques à grande échelle reste à prouver et la dépendance du Qatar aux hydrocarbures restera très élevée à moyen et long terme.»

Pascal Devaux (BNP).

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