Publié le: 19 janvier 2018

Le moment d’agir à Berne

immobilier – Deux initiatives parlementaires visent à adapter le droit du bail à la réalité du 
marché. Interview du conseil national Philippe Nantermod (PLR/VS), président de l’USPI Suisse.

Le 15 décembre dernier, le conseiller national Philippe Nantermod (PLR/VS), président de l’Union suisse des professionnels de l’immobilier (USPI Suisse), a déposé deux initiatives parlementaires (17.514 et 17.515) portant respectivement sur les articles 269 et 270 du code des obligations (CO) relatifs au droit du bail afin de resserrer leur application aux cas de pénurie.

Sur les loyers abusifs

L’article 269 CO concerne le rendement abusif des loyers. Il prévoit actuellement que les loyers sont abusifs lorsqu’ils permettent au bailleur d’obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. «Ces règles ont été instituées à une époque où les taux hypothécaires étaient particulièrement élevés», explique Philippe Nantermod. Le législateur est intervenu afin que les prix des logements ne deviennent pas inabor­dables. Or, depuis quelques années, les taux hypothécaires ont forte­ment baissé et des taux d’intérêt négatifs sont même pratiqués. «Le système du loyer abusif doit donc être réformé, estime le Valaisan. Celui-ci n’est plus adapté à la situation actuelle et met en péril la ren­tabilité des investissements immobiliers qu’ils soient privés ou institutionnels.»

Contestation du loyer initial

L’article 270 CO concerne quant à lui la contestation du loyer initial. Cette disposition prévoit actuellement que le locataire peut contester son loyer initial même lorsqu’il n’y a pas de situation de pénurie sur le marché. «Il paraît contradictoire de parler de loyer abusif sur des marchés qui ne connaissent pas de pénurie de logement, explique Frédéric Dovat, secrétaire général de l’USPI Suisse. On rappellera en effet que, sans pénurie de logement, les règles de l’offre et de la demande permettent clairement d’établir des loyers justes, raison pour laquelle une intervention éta­tique ne se justifie qu’en cas de 
pénurie.»

JAM: Quels sont les soutiens politiques dont vous disposez?

n Philippe Nantermod: Au Conseil national, la droite est aujourd’hui majoritaire, ce qui est une chance pour permettre l’adoption de ce genre de projets. En septembre 2015, une initiative parlementaire du conseiller national Olivier Feller avait été rejetée, à une courte majorité. Nous voulons exploiter le changement d’équilibres à Berne, tout en étant conscients que le Conseil des États fait malheureusement souvent pencher la balance du mauvais côté. Par ailleurs, en cette période où les taux d’intérêts sont très bas, le rendement qualifié d’abusif peut être atteint à partir de loyers qui sont tout à fait raisonnables. Il y a, je crois, une prise de conscience qu’il n’est pas intelligent d’empêcher les investisseurs immobiliers, qu’ils soient institutionnels ou privés, d’obtenir un rendement raisonnable pour leurs biens.

Quelle est la situation des PME du secteur – quelle réalité vivent ces entreprises…?

n Les investisseurs immobiliers sont multiples, ils sont notamment institutionnels. Lors de plusieurs discussions avec des caisses de pension, on m’a rapporté des rendements moyens supérieurs au rendement qualifié d’admissible par la jurisprudence. Or, on sait que vu la situation des 
finances du deuxième pilier, il serait très dommageable d’imposer une 
réduction encore du rendement des biens immobiliers. La situation est comparable pour les investisseurs privés. L’investissement immobilier est de moins en moins rentable avec les règles actuelles, et pourrait détourner les investisseurs vers d’autres marchés apparemment plus porteurs. Ce serait une entrave au maintien d’un parc immobilier de qualité et à des investissements nécessaires pour le long terme.

«L’investissement est de moins en moins rentable avec les 
règles actuelles.»

Enfin, il est intéressant de relever que, selon une enquête réalisée en 2016 par l’institut M.I.S. Trend auprès de 500 locataires vaudois, la très grande majorité des locataires considèrent que leur loyer est correct, 
voire plutôt bon marché.

A quoi faut-il s’attendre sur le marché romand pour 2018…?

n Le marché immobilier romand de­vrait continuer de se détendre, avec un accroissement de l’offre de logements et de surfaces commerciales, et par conséquent une hausse de 
logements et de surfaces commer­ciales vacants. Au niveau de la vente de logements, la tendance baissière des prix de vente de certains biens immobiliers devrait se poursuivre. Les transactions prennent plus de temps à se réaliser. Ces éléments s’expliquent notamment en raison de contraintes en matière de financement pour l’acheteur. Ce dernier prend d’ailleurs davantage de temps à la réflexion. Quant à la location d’habitations, les objets se situant sur le segment supérieur des loyers de­vraient continuer d’être plus difficiles à louer. Il y a aussi moins de de­mande et un certain nombre de construc­tions vont arriver sur le marché. JAM

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