
Le rôle du Supply Chain Manager
professeur philippe wieser â Les entreprises qui disposent dâune bonne logistique sont plus rĂ©actives lors de la reprise.
Le grand dĂ©fi actuel pour lâentreprise consiste Ă passer dâune structure logistique locale Ă une approche globaleâ: la «âsupply chainâ». Pour le professeur Philippe Wieser, directeur de lâInstitut international de management pour la logistique (IML) de lâEPFL, il est difficile de donner une traduction française Ă ce terme, qui dâailleurs, mĂȘme en anglais, ne dĂ©crit pas la rĂ©alitĂ© des faits. «âEn effet, le terme âčâsupplyââș est rĂ©ducteur, ainsi que la notion de âčâchaineââș qui ne rend pas compte de la rĂ©elle complexitĂ© dâun rĂ©seau de partenaires et des tĂąches de gestion des flux et des ressourcesâ», prĂ©cise celui qui a Ă©tĂ© nommĂ© professeur Ă la prestigieuse Ecole des Ponts de Paris. Finalement la âčâsupply chainââș doit impĂ©rativement ĂȘtre orientĂ©e âčâclientsââș, en matiĂšre de niveau et de qualitĂ© de service dans un environnement sous contraintes.
Une enquĂȘte internationale, menĂ©e en 2011 par GS1 et IBM, a montrĂ©, tous secteurs confondus, que le plus grand dĂ©fi exprimĂ© par les directions dâentreprises est lâanticipation des besoins et des demandes du client. «âPour tirer et lisser les flux, rĂ©duire les stocks, il importe de pouvoir identifier, dans le comportement des clients, ce qui tient du prĂ©visible, de ce qui est alĂ©atoire. Le prĂ©visible peut alors ĂȘtre anticipĂ©, lâalĂ©atoire doit conduire Ă dĂ©finir la stratĂ©gie de lâentreprise (positionnement des stocks, relations avec les partenaires âŠ) et les processus opĂ©rationnels liĂ©s (par exemple la calibration des stocks de sĂ©curitĂ©). La part alĂ©atoire permet Ă©galement de quantifier le risque associĂ© Ă un produit, une famille de produit, un client, un groupe de clientsâŠâ»
Pour piloter une chaĂźne de valeur orientĂ©e âčâclientsââș, il existe des mĂ©thodes comme par exemple le S&OPâ: processus de planification industrielle et commerciale (1). LâidĂ©e de la mĂ©thode, basĂ©e sur la demande des clients, est de dĂ©velopper une dĂ©marche collaborative entre les responsables de fonctions de lâentreprise, voire dâentreprises partenaires, afin de dĂ©finir un plan opĂ©rationnel et stratĂ©gique Ă court et moyen terme.
«âAfin que le rĂ©sultat soit pertinent et efficace, une des conditions nĂ©cessaires au succĂšs de la mĂ©thodeâ», indique le professeur Wieser, «âest que les personnes qui y participent disposent Ă la fois de connaissances et compĂ©tences, et dâun rĂ©el pouvoir de dĂ©cision.â»
SystĂšme dâinformation global
Un autre dĂ©fi pour les entreprises est le dĂ©veloppement des nouvelles technologies dâinformation et de communication (NTIC) dans un environnement mondial. Lâensemble des donnĂ©es, saisies ou gĂ©nĂ©rĂ©es par les NTIC, issues (traçabilitĂ© par code-barres, RFID, QR-code, par exemple) de partenaires du rĂ©seau et transmises (Ă©changes via le web, B2B, B2CâŠ) Ă la chaĂźne de valeur, doivent ĂȘtre structurĂ©es et gĂ©rĂ©es dans un systĂšme dâinformation global. Un tel systĂšme, selon le professeur, doit ĂȘtre homogĂšne, cohĂ©rent et unique. LâunicitĂ© du systĂšme dâinformation est capital. La multiplicitĂ© de sous-systĂšmes locaux de donnĂ©es conduit Ă lâincohĂ©rence globale. Il sâagit de distinguer le systĂšme dâinformation des systĂšmes informatiques, qui, eux, seront multiples pour des raisons de praticitĂ© et de sĂ©curitĂ©. Le systĂšme dâinformation devra ĂȘtre Ă©galement disponible, actualisĂ© et partagĂ© (selon besoins et rĂšgles de confidentialitĂ©).
Une supply chain efficace doit pouvoir sâappuyer sur un systĂšme dâinformation performant et partagĂ©, en interne et en externe, avec les partenaires impliquĂ©s dans la chaĂźne de valeur. Le partage de lâinformation est, par exemple, «âLAâ» condition nĂ©cessaire au succĂšs dâune dĂ©marche VMI (2) (Vendor Managed Inventory), de stock de consignation (3), ou autre.
Les mĂ©thodologies et les pratiques dâoptimisation des supply chains industriels peuvent sâappliquer Ă tous les secteurs privĂ©s ou publics. Par exemple, dans les administrations ou dans le monde de la santĂ©, on commence Ă prendre conscience de lâintĂ©rĂȘt dâappliquer des mĂ©thodes Ă©prouvĂ©es dans lâindustrie (par exemple le Lean Management).
IntĂ©grĂ© Ă lâĂ©quipe de direction
Engager un Supply Chain Manager peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant dans la redĂ©finition de la stratĂ©gie dâune entreprise. Pour que son rĂŽle soit efficace, ce dernier doit ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă lâĂ©quipe de direction. Câest peut-ĂȘtre le point le plus important. «Les mĂ©tiers que nous connaissons dans lâentreprise vont certainement Ă©voluer en direction dâune plus grande transversalitĂ© des compĂ©tences, estime le professeur Wieser. Le profil de Supply Chain Manager est celui de quelquâun de curieux, de dĂ©rangeur voire de dĂ©stabilisateur. Il doit pouvoir remettre en question des pratiques historiques de lâentreprise. Par sa vision transversale, il doit ĂȘtre capable dâanalyser les processus de la supply chain et dâidentifier les rĂ©els points critiques (blocage, goulots dâĂ©tranglement, gĂ©nĂ©rateurs de sous-qualitĂ©âŠ). «âLe plus souvent, en effet, on amĂ©liore ce qui va bien, car les changements pour y parvenir sont plus rassurant Ă appliquer.â»
Le «âmaĂźtre Ăšs logistiqueâ» doit Ă©galement intĂ©grer rapidement tous changements externes. Parmi ceux-ci, le professeur Wieser estime que les Âentreprises vont ĂȘtre confrontĂ©es, de façon significative, aux contraintes environnementales (taxe carbone, coĂ»ts des transports, dĂ©veloppement de transports combinĂ©s, congestion des routesâŠ). Face Ă cela, de nombreuses PME et grands groupes commerciaux et industriels vont devoir repenser leur supply chain, non seulement sur un plan opĂ©rationnel, mais aussi par une nouvelle stratĂ©gie (modification des chaĂźnes dâapprovisionnement et de distribution, nouvelles implantations des dĂ©pĂŽtsâŠ).
Le Supply Chain Manager devrait ainsi concevoir une chaĂźne logistique globale rĂ©active et flexible. Il doit savoir anticiper, donc prĂ©voir. Le Supply Chain Manager doit, par nature, avoir une vision transversale et globale. Il doit pouvoir analyser les tendances qui vont se dĂ©velopper et Ă©valuer le risque pour son entreprise. Finalement, il doit vĂ©rifier en continu la rĂ©silience de la chaĂźne de valeur du produit et du service. «âUne Ă©tude menĂ©e par un Ă©tudiant de lâIML auprĂšs dâentreprises europĂ©ennes dans les secteurs de lâautomobile, la chimie, la pharma, le luxe et la mĂ©canique, a montrĂ© que les entreprises disposant dâune organisation logistique efficace et dont les responsables sont reprĂ©sentĂ©s au niveau de la direction gĂ©nĂ©rale, nâest pas moins impactĂ©e par une crise Ă©conomique comme la derniĂšre en dateâ», raconte Philippe Wieser. «âEn revanche, notre Ă©tude montre quâune telle entreprise se montre nettement plus rĂ©active lors de la phase de reprise. La structure logistique nâest certainement pas le seul facteur, mais participe Ă la rĂ©activitĂ© de lâentreprise.â» LâintĂ©ressĂ© est disposĂ© Ă rĂ©pondre aux questions que se posent les chefs dâentreprise. Un cellule de consulting est Ă©galement Ă disposition.
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