Publié le: 5 septembre 2014

Le rôle du Supply Chain Manager

professeur philippe wieser – Les entreprises qui disposent d’une bonne logistique sont plus rĂ©actives lors de la reprise.

Le grand dĂ©fi actuel pour l’entreprise consiste Ă  passer d’une structure logistique locale Ă  une approche globale : la « supply chain ». Pour le professeur Philippe Wieser, directeur de l’Institut international de management pour la logistique (IML) de l’EPFL, il est difficile de donner une traduction française Ă  ce terme, qui d’ailleurs, mĂȘme en anglais, ne dĂ©crit pas la rĂ©alitĂ© des faits. « En effet, le terme â€č supply â€ș est rĂ©ducteur, ainsi que la notion de â€č chaine â€ș qui ne rend pas compte de la rĂ©elle complexitĂ© d’un rĂ©seau de partenaires et des tĂąches de gestion des flux et des ressources », prĂ©cise celui qui a Ă©tĂ© nommĂ© professeur Ă  la prestigieuse Ecole des Ponts de Paris. Finalement la â€č supply chain â€ș doit impĂ©rativement ĂȘtre orientĂ©e â€č clients â€ș, en matiĂšre de niveau et de qualitĂ© de service dans un environnement sous contraintes.

Une enquĂȘte internationale, menĂ©e en 2011 par GS1 et IBM, a montrĂ©, tous secteurs confondus, que le plus grand dĂ©fi exprimĂ© par les directions d’entreprises est l’anticipation des besoins et des demandes du client. « Pour tirer et lisser les flux, rĂ©duire les stocks, il importe de pouvoir identifier, dans le comportement des clients, ce qui tient du prĂ©visible, de ce qui est alĂ©atoire. Le prĂ©visible peut alors ĂȘtre anticipĂ©, l’alĂ©atoire doit conduire Ă  dĂ©finir la stratĂ©gie de l’entreprise (positionnement des stocks, relations avec les partenaires 
) et les processus opĂ©rationnels liĂ©s (par exemple la calibration des stocks de sĂ©curitĂ©). La part alĂ©atoire permet Ă©galement de quantifier le risque associĂ© Ă  un produit, une famille de produit, un client, un groupe de clients  »

Pour piloter une chaĂźne de valeur orientĂ©e â€č clients â€ș, il existe des mĂ©thodes comme par exemple le S&OP : processus de planification industrielle et commerciale (1). L’idĂ©e de la mĂ©thode, basĂ©e sur la demande des clients, est de dĂ©velopper une dĂ©marche collaborative entre les responsables de fonctions de l’entreprise, voire d’entreprises partenaires, afin de dĂ©finir un plan opĂ©rationnel et stratĂ©gique Ă  court et moyen terme.

« Afin que le rĂ©sultat soit pertinent et efficace, une des conditions nĂ©cessaires au succĂšs de la mĂ©thode », indique le professeur Wieser, « est que les personnes qui y participent disposent Ă  la fois de connaissances et compĂ©tences, et d’un rĂ©el pouvoir de dĂ©cision. »

Systùme d’information global

Un autre dĂ©fi pour les entreprises est le dĂ©veloppement des nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) dans un environnement mondial. L’ensemble des donnĂ©es, saisies ou gĂ©nĂ©rĂ©es par les NTIC, issues (traçabilitĂ© par code-barres, RFID, QR-code, par exemple) de partenaires du rĂ©seau et transmises (Ă©changes via le web, B2B, B2C
) Ă  la chaĂźne de valeur, doivent ĂȘtre structurĂ©es et gĂ©rĂ©es dans un systĂšme d’information global. Un tel systĂšme, selon le professeur, doit ĂȘtre homogĂšne, cohĂ©rent et unique. L’unicitĂ© du systĂšme d’information est capital. La multiplicitĂ© de sous-systĂšmes locaux de donnĂ©es conduit Ă  l’incohĂ©rence globale. Il s’agit de distinguer le systĂšme d’information des systĂšmes informatiques, qui, eux, seront multiples pour des raisons de praticitĂ© et de sĂ©curitĂ©. Le systĂšme d’information devra ĂȘtre Ă©galement disponible, actualisĂ© et partagĂ© (selon besoins et rĂšgles de confidentialitĂ©).

Une supply chain efficace doit pouvoir s’appuyer sur un systĂšme d’information performant et partagĂ©, en interne et en externe, avec les partenaires impliquĂ©s dans la chaĂźne de valeur. Le partage de l’information est, par exemple, « LA » condition nĂ©cessaire au succĂšs d’une dĂ©marche VMI (2) (Vendor Managed Inventory), de stock de consignation (3), ou autre.

Les mĂ©thodologies et les pratiques d’optimisation des supply chains industriels peuvent s’appliquer Ă  tous les secteurs privĂ©s ou publics. Par exemple, dans les administrations ou dans le monde de la santĂ©, on commence Ă  prendre conscience de l’intĂ©rĂȘt d’appliquer des mĂ©thodes Ă©prouvĂ©es dans l’industrie (par exemple le Lean Management).

IntĂ©grĂ© Ă  l’équipe de direction

Engager un Supply Chain Manager peut ĂȘtre un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant dans la redĂ©finition de la stratĂ©gie d’une entreprise. Pour que son rĂŽle soit efficace, ce dernier doit ĂȘtre intĂ©grĂ© Ă  l’équipe de direction. C’est peut-ĂȘtre le point le plus important. «Les mĂ©tiers que nous connaissons dans l’entreprise vont certainement Ă©voluer en direction d’une plus grande transversalitĂ© des compĂ©tences, estime le professeur Wieser. Le profil de Supply Chain Manager est celui de quelqu’un de curieux, de dĂ©rangeur voire de dĂ©stabilisateur. Il doit pouvoir remettre en question des pratiques historiques de l’entreprise. Par sa vision transversale, il doit ĂȘtre capable d’analyser les processus de la supply chain et d’identifier les rĂ©els points critiques (blocage, goulots d’étranglement, gĂ©nĂ©rateurs de sous-qualité ). « Le plus souvent, en effet, on amĂ©liore ce qui va bien, car les changements pour y parvenir sont plus rassurant Ă  appliquer. »

Le « maĂźtre Ăšs logistique » doit Ă©galement intĂ©grer rapidement tous changements externes. Parmi ceux-ci, le professeur Wieser estime que les ­entreprises vont ĂȘtre confrontĂ©es, de façon significative, aux contraintes environnementales (taxe carbone, coĂ»ts des transports, dĂ©veloppement de transports combinĂ©s, congestion des routes
). Face Ă  cela, de nombreuses PME et grands groupes commerciaux et industriels vont devoir repenser leur supply chain, non seulement sur un plan opĂ©rationnel, mais aussi par une nouvelle stratĂ©gie (modification des chaĂźnes d’approvisionnement et de distribution, nouvelles implantations des dĂ©pĂŽts
).

Le Supply Chain Manager devrait ainsi concevoir une chaĂźne logistique globale rĂ©active et flexible. Il doit savoir anticiper, donc prĂ©voir. Le Supply Chain Manager doit, par nature, avoir une vision transversale et globale. Il doit pouvoir analyser les tendances qui vont se dĂ©velopper et Ă©valuer le risque pour son entreprise. Finalement, il doit vĂ©rifier en continu la rĂ©silience de la chaĂźne de valeur du produit et du service. « Une Ă©tude menĂ©e par un Ă©tudiant de l’IML auprĂšs d’entreprises europĂ©ennes dans les secteurs de l’automobile, la chimie, la pharma, le luxe et la mĂ©canique, a montrĂ© que les entreprises disposant d’une organisation logistique efficace et dont les responsables sont reprĂ©sentĂ©s au niveau de la direction gĂ©nĂ©rale, n’est pas moins impactĂ©e par une crise Ă©conomique comme la derniĂšre en date », raconte Philippe Wieser. « En revanche, notre Ă©tude montre qu’une telle entreprise se montre nettement plus rĂ©active lors de la phase de reprise. La structure logistique n’est certainement pas le seul facteur, mais participe Ă  la rĂ©activitĂ© de l’entreprise. » L’intĂ©ressĂ© est disposĂ© Ă  rĂ©pondre aux questions que se posent les chefs d’entreprise. Un cellule de consulting est Ă©galement Ă  disposition.

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