Publié le: 15 janvier 2016

Les exportateurs souffrent

conjoncture – Le point avec Délia Nilles, de l’institut CREA de l’Université de Lausanne. Dans la zone euro, la baisse des exportations est compensée par un marché intérieur qui reste robuste.

Les estimations du SECO indiquent que la croissance de l’économie ­suisse est passée de 1,9% en 2014 à 1,2% au cours des deux premiers trimestres de 2015, ce qui constitue un ralentissement marqué, dû en pre­mier lieu aux exportations nettes qui ont chuté de 8,6%. Le commerce mondial s’est affaibli considérablement au cours des deux premiers trimestres de l‘année et cela dans la plupart des régions économiques.

Les perspectives pour les mois à venir ne s’améliorent guère. Jusqu’ici l’économie chinoise contribuait pour environ un tiers à la croissance mondiale, mais la Chine connaît actuelle­ment un fort ajustement vers le bas de sa demande d‘importations, ce qui affectera la croissance globale, les autres économies émergentes et en développement voyant leurs exportations également fortement impactées.

«Le sentiment des ménages helvétiques est au plus bas.»

La croissance économique de ces pays est tombée bien en-dessous de la croissance moyenne de long terme observée depuis les années 1980, d’autant plus que ces pays sont confrontés à un recul marqué des prix des matières premières.

En Chine, des facteurs domestiques entrent également en ligne de compte. La productivité totale des facteurs est désormais nettement inférieure à la moyenne de long terme, ce qui soulève des inquiétudes au niveau du PIB potentiel. La contribution de l’investissement à la croissance générale a diminué et l’investissement lui-même a fortement baissé depuis la crise financière, si ce n’est depuis les années d’avant-crise.

L’indice de l’incertitude et du risque a augmenté. La vulnérabilité des économies émergentes et en développement est d’autant plus grande qu’une probable hausse des taux aux USA entraînera des reflux de capitaux de ces pays vers des pays à taux rémunérateurs plus élevés, un mouvement qui s’est déclenché en été déjà. La reprise de l’économie mondiale de­vrait être plus modeste et timide que prévu en début d’année. Dans les pays de la zone euro, le recul des exportations est compensé par une demande intérieure qui reste robuste grâce à la baisse des prix énergétiques qui agit comme une augmentation du pouvoir d’achat.

La faiblesse de l’euro par rapport au dollar, il faut le noter, constitue un soutien bienvenu aux exportations de la zone euro. La politique monétaire très accommodante de la BCE maintient les taux d’intérêt bas. Cependant, la croissance sous-jacente de la zone euro et de l’UE est nettement plus basse qu’elle ne l’a été par le passé. La croissance potentielle et la productivité totale des facteurs devraient être bien plus élevées pour garantir une reprise plus marquée et plus robuste avec, à la clé, une diminution du taux de chômage. En résumé, la croissance mondiale et donc le commerce mondial ne devraient se redresser que lentement, bien plus lentement que prévu en début d’année.

Le secteur exportateur suisse continuera à souffrir. Il devrait se remettre en 2016, mais avec peine, des conséquences de la chute de la demande extérieure et de la force du franc. L’indice export des PME s’est d’ailleurs légèrement redressé pour le 4e trimestre et les PME sondées se montrent désormais un peu plus optimistes. La consommation privée résiste, grâce à la baisse des prix et la bonne tenue du marché du travail, mais elle évolue au-dessous de sa croissance de long terme. L’indice du climat de consommation reste inchangé par rapport à son niveau de juillet, qui est le plus bas observé depuis janvier 2012.

La croissance du PIB devrait atteindre selon nos modèles 0,6% en 2015, remonter à 1,2% en 2016 et à 1,8% en 2017. Avec ces taux, somme toute faibles, l’écart de production se ­creuse à nouveau.

La consommation privée évolue bien au-dessous de sa croissance de long terme. Les ménages helvétiques ont pu bénéficier de la baisse du niveau général des prix qui se traduit en une hausse des salaires réels. Cependant l’indice du climat de consommation reste dans la zone négative et se situe autour de valeurs observées pour la dernière fois au début de 2012. Le commerce de détail a diminué en valeur et en volume au cours des neuf premiers mois de 2015 et l’on note en particulier la forte baisse du commerce non alimentaire. Le sentiment des ménages helvétiques quant à la sécurité des places de travail s’est dégradé. Il est au plus bas depuis janvier 2010. Etant donné que les consommateurs continueront à bénéficier pendant un moment encore d’une baisse du niveau général des prix, mais que les nouvelles s’assombrissent pour le marché du travail, le taux de croissance des dépenses de consommation ne de­vraient guère s’écarter de ceux observés en 2014.

Délia Nilles

directrice adjointe

Institut CREA

Université de Lausanne

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