Publié le: 20 janvier 2017

Les pérégrinations d’Yves Duplan

qualité – Olivier Mark publie «La Qualité, embarquement immédiat». Ce roman ludique raconte comment une menuiserie redresse la barre et met en place un système de gestion de la qualité.

Les Suisses sont les champions de la qualité et de la formation professionnelle, c’est incontestable! Alors, pourquoi sommes-nous si souvent déçus en tant que clients? En réalité, ce sont rarement les connaissances liées au métier de base des entreprises qui posent des soucis. Ce sont plutôt les services associés à la prestation, les aspects administratifs, l’écoute et le suivi ou encore les retards de livraison qui posent des problèmes. En écrivant ce roman ludique et facile à lire, j’ai souhaité vulgariser les concepts de la nouvelle norme de management ISO 9001 version 2015, en simplifiant une démarche qui n’est pas aussi compliquée qu’on pourrait le penser.

«La fenêtre? Il manquait 20 cm pour pouvoir la fermer...»

Au travers des aventures d’Yves, un bon menuisier qui perd son plus gros client après quelques bêtises, le lecteur peut se familiariser avec des méthodes efficaces et structurées pour améliorer la satisfaction des clients, sans créer une usine à gaz. Notre menuisier va-t-il retrouver sa compétitivité grâce à une meilleure gestion de la qualité? Voici un extrait de cet ouvrage. La discussion reprend avec les plus proches collaborateurs d’Yves, dès son arrivée au bureau.

■ Ce n’est peut-être pas si grave que ça, avance Jacques, le contremaître. Ce n’est pas la première fois qu’un client nous menace d’aller à la concurrence. En général, ils reviennent quelques mois plus tard, encore plus convaincus que jamais que nous sommes les meilleurs!

■ Les meilleurs? Il m’a montré un classeur plein de rappels et de plaintes de ces dernières années. Et l’histoire de la fenêtre était tout de même assez incroyable! Il manquait 20 cm pour pouvoir la fermer. Ils ont dû mener leur inauguration dans les courants d’air. A tel point que le président de l’association des cliniques suisses s’est retrouvé trois jours au lit avec un gros refroidissement!

■ Tu exagères en parlant d’un classeur entier de réclamations, se permet d’ajouter Pierrette, la fidèle secrétaire de direction. Nous n’avons eu que trois ou quatre téléphones par mois de leur part.

■ Quoi, quatre réclamations par mois, et tu ne m’en as pas parlé?

■ Non, tu es déjà débordé par le travail, et nous avons essayé de régler cela entre nous. Mais tu sais que nous sommes trop peu nombreux…

■ Eh bien bravo pour le résultat! Nous venons de perdre notre plus gros client!

«Tu devrais te poser quelques questions sur la satisfaction de tes clients.»

Puis, Yves se rend compte qu’il accuse à tort son personnel. Ils essayaient juste de le protéger. Ils ont fait au mieux. Il bredouille quelques mots d’excuses, même si le cœur n’y est pas, et prend son manteau pour partir au service club, comme tous les jeudis. En réalité, il n’a pas très envie de rejoindre son club pour parler de futilités autour d’une assiette. Mais il se dit que cela lui changerait les idées.

Ce jour-là, rien de spécial n’est prévu au club, et seule une vingtaine de personnes sont présentes. Après le bref rituel des salutations et des communications hebdomadaires, Yves s’assied pour le repas entre Jean-Edouard, directeur d’une petite société d’assurances, et Oscar, patron d’une société de sous-traitance horlogère. Comme de coutume, les discussions commencent par l’actualité. Mais très vite, Yves parle de ses soucis qui deviennent presque obsessionnels: ses difficultés avec les cliniques Hiltpoldt. Il prend soin d’expliquer tout cela avec un certain détachement. Mais ses interlocuteurs ne sont pas des apprentis. Ils saisissent vite qu’Yves est affecté par cette situation, car il ne se plaignait jamais de ses affaires auparavant. Jean-Edouard prend la parole le premier:

■ Tu n’as rien vu venir? demande-t-il d’un air quelque peu supérieur…

■ Non. Certes, nous n’étions pas les champions de la rapidité pour intervenir chez eux. Mais ce que nous livrions était impeccable. Vraiment. A part une fenêtre dont j’avais mal pris les mesures…

■ Tu devrais peut-être prendre le temps de te poser quelques questions au sujet de la satisfaction de tes clients… Dans mon entreprise, je suis aussi passé par là, à un moment où je sentais des difficultés. Est-ce que tu as déjà entrepris une démarche qualité? Une certification ISO 9001 ou quelque chose de similaire?

■ Non. Je n’ai entendu que de mauvais échos de ceux qui se sont lancés dans ce genre d’aventure. Trop de paperasse, trop d’administration, trop de frais sont souvent évoqués. Et il semble même qu’on puisse faire certifier n’importe quoi. Juste une affaire fructueuse pour des consultants mal intentionnés et des organisations profiteuses.

Oscar, qui s’était tu jusque-là, lance un signe de connivence à Jean-Edouard, et prend le relai:

■ Je ne suis pas d’accord. Tu connais mon entreprise, nous n’employons que vingt-cinq personnes. Il y a trois ans, nous avons mené une démarche globale pour mieux gérer la qualité qui a abouti à une certification ISO 9001. Nous sommes très satisfaits des résultats et nos pratiques ont évolué positivement. Tu sais, les normes ont changé depuis leurs premières versions. Nous en sommes à la troisième révision actuellement, et les choses sont devenues plus pragmatiques. S’il est vrai que certains consultants profitent honteusement de l’inexpérience des nouveaux venus, il en existe d’autres qui travaillent dans l’intérêt de leurs clients, dans un esprit de profit mutuel. Et entre nous, qui serait assez bête pour faire certifier de mauvaises pratiques? Quel est l’entrepreneur qui serait assez stupide pour imaginer des produits inadéquats, fabriqués par des manches, destinés à des crétins, et qui chercherait à formaliser ce genre de pratique sur la base d’une norme internationale?Olivier Mark

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