Publié le: 8 septembre 2017

Maîtriser les arcanes de l’export

Marchés extérieurs – Quels sont les facteurs qui permettent de réussir une expansion à l’international? Voici une partie de la méthode du Fribourgeois Hans Werhonig, qui a roulé sa bosse aux quatre coins de la planète. Avec humour et savoir-vivre.

Une vraie méthode, pas juste quelques «slides» balancés sur la table. Le jour de notre rencontre, fin août dans un café fribourgeois, Hans Werhonig s’était joliment préparé. Voici les conseils qu’il nous donne, son point de vue pour exceller sur les marchés extérieurs et partir, pour son entreprise, à la conquête du monde. Un cadeau précieux venant d’un homme de 80 ans qui a roulé sa bosse sur toute la planète bleue. Ce Senior Partner fribourgeois fut à la tête du groupe West East Interaction Group et auparavant, responsable de toutes sortes de départements dans une foultitude de pays pour de nombreuses sociétés. Ce vrai pro du caoutchouc synthétique sait à peu près tout acheter et tout vendre. Il dispose d’un large réseau de contacts à l’international, car, toute sa vie, il a su détecter et nommer des jeunes qui montaient. Aujourd’hui, il continue de voyager et au lieu de suivre l’actu, il la précède parfois.

Savoir raconter des histoires

Pour réussir à l’international, il faut selon lui tout d’abord pouvoir compter sur des qualités personnelles et donc disposer d’une personnalité adaptée. On dirait le CV du beau-fils idéal, celui qui relancera votre entreprise à l’exportation. «Vous devez être soigné et bien habillé, well 
groomed, disent les Britanniques et savoir faire preuve de discrétion. Vous serez discipliné, mangerez frugalement, boirez avec modération.»

S’exprimant dans un français et un anglais impeccable, Hans Werhonig ponctue son propos de petits coups d’œil entendus et de mimiques qui créent un climat d’empathie. On sent qu’il a fait des ravages. «Sachant être aimable tout en étant loyal, vous montrerez de la fermeté et de la ténacité, en évitant la confrontation, poursuit-il. Enfin, vous aurez du tact et de l’humour, sachant parler de choses et d’autres, des enfants, de la cuisine et de vacances – mais pas de politique.» Un vrai diplomate. «Enfin, vous devez aussi parfois savoir être un entertainer pour les autres, quelqu’un qui sait raconter des histoires ou quelque chose d’amusant. Dans certains pays, vos interlocuteurs se sentent parfois un peu isolés socialement.» Devenir un as du small talk, cela peut aussi s’apprendre.

Les années au Swiss Mercantile

Curieux de tout, Hans Werhonig continue de lire chaque jour d’innombrables publications. L’Iran, le Pakistan, la Turquie et l’Inde, mais aussi le Sri Lanka, la Syrie, le Liban, tous les pays d’Afrique (sauf la Lybie!), ce grand voyageur en parle inlassablement et de sa mémoire jaillissent d’innombrables anecdotes. Né en 1937 à Zurich, il part à Paris auprès de l’Ecole suisse des employés de commerce, puis à Londres, où il vit et travaille cinq ans et fréquente le Swiss Mercantile College. Des filières qui permettaient autrefois aux jeunes Suisses de se familiariser avec une culture d’affaires globale.

Mais les qualités personnelles ne font pas tout. Pour Hans-appelez-moi-Hans, il est tout aussi important de connaître sur le bout des doigts la compagnie pour laquelle on travaille, ainsi que les produits. Mais alors vraiment à fond. «Le réseau de contacts à l’interne doit être solide et le jeune homme ou la jeune femme qui veut s’activer à l’international doit pouvoir compter sur le soutien du management de ses pairs et des subordonnées. Un soutien inconditionnel.»

Prenez des notes sur un carnet

Et puis, il y a les choses qui s’apprennent. «On collectionne les informations sur les marchés. Cela se fait en menant des entretiens et en posant beaucoup, beaucoup de questions. Il faut aller au fond des choses, prendre des notes pour, chaque soir, mettre le tout au propre. Sinon, en une semaine, vous aurez tout oublié.» C’est le nerf de la guerre, ce détail que vous aurez et que votre concurrent n’aura pas. «Lors de ces entretiens, éteignez votre téléphone portable et écrivez sur un carnet!»

Gestion du savoir. Tout savoir sur les clients potentiels dans la région. Mais alors tout, en croisant l’info et au besoin en la recoupant. Leur statut, leur standing, leurs potentiels. Le bon exportateur saura fixer sa part de marché en sélectionnant les clients dont la croissance sera la plus rapide. Il sera attentif à la situation globale, analysera les statistiques disponibles, trouvera des données que personne d’autre n’aura dénichées. Lira toute la littérature, présente et passée. Participera à des conférences, à des réunions de chambres du commerce, nouera des liens. Ce faisant, il se construira un premier cercle de contacts à l’intérieur et également à l’extérieur de son domaine.

Comprendre où ça bloque

La maîtrise de la logistique est cruciale. Savoir, au moment de faire une offre, à quelles conditions des envois peuvent se faire de manière réaliste. Maîtriser les documents – qui doivent être remplis par des gens qui ne commettront pas nécessairement des erreurs s’ils sont «éduqués» dans ce sens. Tout ce que vous devriez savoir sur un FOB, un CIF, les Documentary Credits (L/C), les Bill of Loading (B/L), Certificate of Origin, Clean Report of Findings. Il faut pouvoir aider et donner de l’information à chaque étape. Pour éviter que toute la marchandise soit bloquée dans tel port (c’est notoire!) et qu’il faille envoyer quelqu’un sur place. Devenir le conseiller de ses clients permet toujours de simplifier les négociations.

Réclamations. Tout le monde sait (mais pourquoi oublier de le mettre en pratique) que les réclamations sont de merveilleux outils qui fournissent à toute société l’occasion de s’améliorer. Elles doivent être traitées avec beaucoup de soin, la recherche d’informations doit être exhaustive.

Le client qui vous donne le plus de difficultés peut très bien un jour ­devenir votre meilleur ami.

François Othenin-Girard

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