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«Merci – pas de contamination!»
DÉCHETS NUCLÉAIRES – La Suède, l’Allemagne et la Suisse dans le stockage des déchets radioactifs. Commentcela se fait, comment cela n’aurait pas dû se faire et quelle est la position actuelle de la Suisse. Panorama.
L’énergie nuclĂ©aire. Elle divise non seulement les atomes, mais aussi les opinions. La StratĂ©gie Ă©nergĂ©tique 2050 a dĂ©cidĂ© d’éliminer progressiveÂment l’énergie nuclĂ©aire. La recherche nuclĂ©aire, par contre, se poursuit. Tout comme la discussion sur les centrales nuclĂ©aires en politique et dans la sociĂ©tĂ©. Par exemple, 56% des participants Ă l’enquĂŞte climatique du PLR ont dit «oui» ou «plutĂ´t oui» Ă la «construction de nouvelles centrales nuclĂ©aires utilisant les dernières technologies». La question perpĂ©tuelle de la sĂ©curitĂ© concerne notamment l’évacuation des dĂ©chets radioactifs. Quelle est la position de la Suisse par rapport Ă l’étranger ?
Laboratoire d’Äspö, sur la côte est de la Suède, à 460 mètres de profondeur: Eva Häll nous conduit à travers «son bébé». C’est ainsi qu’elle appelle ce tunnel de trois kilomètres et demi de long, vissé dans le sol comme une spirale. Madame Häll connaît le tunnel à fond et propose des visites guidées aux visiteurs.
«Pour lutter contre les peurs»
C’est ici que sont menées des recherches sur les méthodes de stockage à long terme. Le stockage en couches géologiques profondes s’est imposé à l’échelle mondiale comme la meilleure option pour l’évacuation des déchets radioactifs. Une distinction est faite entre les déchets faiblement et moyennement radioactifs et les déchets hautement radioactifs.
Horizon temporel immense
A Ă„spö, les dĂ©chets radioactifs sont versĂ©s dans une cartouche de cuivre puis entourĂ©s de bentonite, un mĂ©lange de minĂ©raux argileux. Enfin, la roche granitique conserve les dĂ©chets radioactifs dans un environneÂment sĂ»r. Cette mĂ©thode sera largement utilisĂ©e en Finlande l’annĂ©e prochaine dans le premier dĂ©pĂ´t de dĂ©chets hautement radioÂactifs au monde.
«Quelques mètres de roche granitique suffiraient pour protéger du rayonnement», lance Eva Häll. Mais pour protéger également les générations futures, nous devons penser à long – très long terme. Cela veut dire au moins 100 000 ans pour qu’une installation de stockage abrite les déchets en toute sécurité.
Ceci n’est possible que si toutes les éventualités sont prises en compte. Comme les tremblements de terre ou les changements géologiques causés par la fonte du permafrost, par exemple. Une immense banderole posée dans le tunnel illustre des périodes difficiles à se représenter. Comparé à la durée de vie de notre planète (environ 4,6 milliards d’années), 100 000 ans ne constituent qu’un jet de pierre.
La grosse erreur
Asse, Basse-Saxe. Ici s’est produit ce qui n’aurait jamais dû arriver. Les déchets radioactifs ont été stockés dans une ancienne mine de sel de 1967 à 1978. Les eaux souterraines ont pénétré dans le sol dès 1988. Catastrophe! Les déchets doivent être récupérés. Une entreprise techniquement difficile, une telle récupération n’a jamais été planifiée.
Frank Ehrlich, consultant au Centre d’information d’Asse, parle clairement: «Rétrospectivement, la plus grosse erreur fut que les déchets ont été stockés ici.» Aujourd’hui, une mine désaffectée ne serait plus utilisée comme dépôt en couches géologiques profondes.
Chaque jour, 12 500 litres d’eau y pénètrent. La plus grande partie est pompée, le reste est utilisé pour la production de béton auquel la solution contaminée est ainsi liée. Il n’est pas exclu que l’on perde le contrôle du niveau d’eau qui pourrait monter dans toute la mine (ce que l’on appelle un «naufrage»). Pour la stabilisation, les cavités sont remplies d’un béton salin spécial. Fin 2026, l’état de préparation aux situations d’urgence devrait être atteint. La récupération totale des matériaux n’est pas prévue avant 2033. Si la mine devait être inondée, elle serait contre-inondée avec une solution de chlorure de magnésium afin de retarder la propagation des substances radioactives à la surface. La zone fait l’objet d’une surveillance radiologique rigoureuse depuis des années. Les résultats seront publiés et vérifiés par un organisme indépendant. «Cela peut paraître étrange, mais l’expérience d’Asse aide à prévenir de tels cas, estime Frank Ehrlich. Ailleurs aussi, les déchets doivent être récupérés dans des endroits inadaptés. La récupération sûre des déchets radioactifs et la fermeture subséquente de la mine d’Asse sont un projet unique au monde et qui prendra des décennies à se réaliser.» En tout, 700 personnes assurent le fonctionnement de l’usine. Coût: 122 millions d’euros par an, financés par les recettes fiscales.
La Suisse est à la traîne
La Suisse stocke la majeure partie de ses dĂ©chets radioactifs dans le dĂ©pĂ´t intermĂ©diaire de WĂĽrenlingen (AG). La SociĂ©tĂ© coopĂ©rative nationale pour le stockage des dĂ©chets radioactifs (Nagra) recherche depuis un certain temps dĂ©jĂ des sites appropriĂ©s pour un dĂ©pĂ´t en couches gĂ©ologiques profondes de dĂ©chets faiblement et moyennement radioÂactifs. NĂ©anmoins, on ne peut s’y attendre avant 2050. La Suisse est donc très en retard sur le plan international. Il est plus intĂ©ressant pour une installation de stockage de dĂ©chets hautement radioactifs, qui pourrait entrer en service Ă partir de 2060. Ce serait le milieu de terrain international.
Ce qu’Eva Häll dit de ses comÂpatriotes pourrait Ă©galement s’appliquer Ă la Suisse: «Nous autres SuĂ©dois, nous voulons toujours un test et puis un autre, le projet doit ĂŞtre Ă chaque fois un peu plus sĂ»r.» En Suède, la situation est diffĂ©rente en ce qui concerne l’acceptation du public. Si plus de 80% de la population soutient les dĂ©pĂ´ts en couches gĂ©ologiques profondes, le tollĂ© en Suisse devient Ă©norme dès que l’on considère une nouvelle rĂ©gion. Or le temps manque pour des projets de recherche sur des milliers d’annĂ©es. Dans la roche d’Äspö, 6700 tonnes de barres de comÂbustible usĂ© sont temporairement stockĂ©es dans des piscines similaires Ă une piscine couverte. A la sortie, il y a une machine devant laquelle il faut passer. Une voix de femme rĂ©sonne: «Merci, pas de contamination!»
«Pas de contamination», tel est bien le but du stockage en profondeur. Et cet objectif ne peut pas seuleÂment ĂŞtre atteint par des solutions provisoires. Il devrait donc ĂŞtre clair que ne rien faire n’est pas non plus une solution.
Adrian Uhlmann
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