L’initiative de l’Asloca sur le logement, sur laquelle nous voterons le 9 février, prévoit notamment que 10% des nouveaux logements construits en Suisse doivent obligatoirement appartenir à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique. Ce quota contraignant et rigide, destiné à être ancré dans la Constitution fédérale, serait applicable partout dans notre pays et en tout temps, quelle que soit la conjoncture et indépendamment des besoins locaux. C’est un non-sens. La situation est différente dans les Grisons, à Lucerne, dans le canton du Jura et dans l’agglomération lémanique. Les solutions dans le domaine du logement doivent dès lors être aménagées dans les cantons et les communes en fonction des réalités locales.
Bonjour la bureaucratie
En cas d’acceptation de l’initiative, il faudra mettre en place un système de répartition de ce quota entre les différentes régions du pays. Il faudra aussi monter un appareil de contrôle. Si le quota de 10% ne devait pas être atteint pendant une année, des mesures correctrices devront être prises.
Or deux mesures correctrices sont envisageables. Soit les maîtres d’ouvrage d’utilité publique sont artificiellement boostés par des aides publiques massives, aux frais des contribuables, pour atteindre le quota de 10%. Soit les autres maîtres d’ouvrage, comme les petits propriétaires privés ou les caisses de pension, se voient refuser tout permis de construire dans l’attente que le quota de 10% soit atteint par les constructeurs d’utilité publique. Bonjour la bureaucratie.
L’Asloca se tire une balle dans le pied
L’initiative prévoit aussi d’interdire les subventions en faveur de rénovations énergétiques si ces aides devaient entraîner la perte de logements à loyer modéré. C’est une deuxième mesure rigide qui serait imposée au pays, qui ne tient compte ni des situations individuelles ni des différences régionales. Une telle règle découragerait certains propriétaires de procéder à des rénovations énergétiques alors que de tels travaux sont une composante essentielle de la lutte contre le dérèglement climatique. D’autres investisseurs, qui en ont les moyens, entreprendraient des travaux énergétiques en se passant des subventions. Dans ce cas-là , l’Asloca se tire une balle dans le pied. En effet, selon le droit du bail, la part des investissements énergétiques financée par des subventions ne peut pas être répercutée sur les loyers. Les subventions bénéficient donc non seulement à l’environnement mais aussi directement aux locataires. En clair, avec l’initiative, la part des investissements énergétiques pouvant être reportée sur les locataires augmentera.
L’USS cautionne les loyers abusifs au sens du droit du bail
Il y a de quoi être surpris par la présence de l’USS, l’Union syndicale suisse, dans le comité d’initiative. Cette organisation syndicale ne montre en effet guère de sensibilité au niveau des loyers pratiqués par certaines institutions. Prenons l’exemple de la SUVA, dont le Conseil est composé de plusieurs représentants de syndicats, et dont le premier vice-président n’est autre que le premier secrétaire et économiste en chef de l’USS. Il se trouve que les rendements nets obtenus par la SUVA sur les placements immobiliers directs dans le secteur du logement se sont élevés à 4% en 2016, à 3,7% en 2017 et à 3,6% en 2018.
Or, selon le droit du bail, le rendement maximal net admissible est aujourd’hui de 2%. En clair, la SUVA obtient depuis des années des rendements excessifs en pratiquant des loyers abusifs au sens du droit du bail. Avant de demander l’inscription de quotas dans la Constitution fédérale, l’USS serait mieux inspirée de faire preuve d’exemplarité en agissant, dans les institutions qu’elle cogère, pour que les loyers pratiqués respectent le droit du bail, dans l’intérêt des salariées et des salariés du pays.
Des réponses pragmatiques existent
Aujourd’hui, il existe un fond fĂ©dĂ©ral de soutien Ă la construction et la rĂ©novation de logements en mains de coopĂ©ratives d’habitation. Ce fonds est dotĂ© de 510 millions, totaleÂment engagĂ©s. Si l’initiative est refusĂ©e le 9 fĂ©vrier, le Parlement a dĂ©cidĂ© d’y injecter 250 millions supÂplĂ©mentaires. VoilĂ une mesure concrète, ciblĂ©e, efficace, aux effets immĂ©diats, bien prĂ©fĂ©rable Ă une initiative centralisatrice et technocratique. Notons aussi qu’un nombre croissant de mesures sont prises dans les cantons et les communes concernĂ©es pour lutter contre le manque de logements abordables dans les agglomĂ©rations urbaines. Le Conseil d’Etat vaudois a par exemple prĂ©sentĂ©, Ă la fin de l’annĂ©e dernière, plusieurs dispositifs visant Ă aider les coopĂ©ratives d’habitation, notamment pour accĂ©der plus facileÂment aux terrains Ă bâtir.
Olivier Feller,
conseiller national (PLR/VD)