Publié le: 25 janvier 2019

Non à un remède qui va tuer le patient!

L'INVITÉ POLITIQUE

Le texte des Jeunes Verts est intéressant. Il pose une question importante: comment mieux maîtriser l’utilisation du sol en Suisse? Depuis les années septante, la Suisse grignote son sol. Pour construire les logements qui accompagnent la croissance continue de la population, pour accueillir de nouvelles activités économiques et permettre aux PME existantes de se développer, pour construire les nécessaires infrastructures de transports (voitures et trains) ou de loisirs (parcs ou équipement sportifs) et enfin pour supporter la mutation de l’agriculture. Cette consommation du sol a été plus vite que la musique, les aires d’habitations croissant bien plus que la population. Cette gourmandise dans la consommation du sol n’est pas durable. Elle a des effets sur l’agriculture, qui perd des surfaces cultivables, sur la biodiversité et sur la qualité de nos paysages.

Voici pour le constat. Quelle est la réponse des initiants? Geler les surfaces à bâtir. Pas un m2 net supplémentaire: «La création de nouvelles zones à bâtir n’est admise que si une autre surface non imperméabilisée d’une taille au moins équivalente et d’une valeur de rendement agricole potentielle comparable a été déclassée de la zone à bâtir.» L’initiative demande aussi de favoriser l’habitat et le travail durables sous forme de «structures de petites tailles».

Le gel des surfaces à bâtir est un remède de cheval! Si on veut concilier ce gel avec une continuation de la croissance économique, il en résultera mécaniquement une hausse massive du coût du logement et des coûts liés à l’installation de nouvelles entreprises. Il existe certes un potentiel dans les zones existantes. Le chiffrer est cependant difficile et sujet à discussions. Ces développements du bâti «vers l’intérieur» sont au cœur de la loi sur l’aménagement du territoire (révisée en 2014). Les cantons ont jusqu’à 2019 pour adapter leur plan directeur cantonal. Dans les cantons où les zones à bâtir sont excédentaires (qui vont au delà des besoins à 15 ans), comme par exemple les cantons de Vaud ou du Valais, des reclassements en zone agricoles devront intervenir. Ce sera un processus lourd et douloureux.

Geler purement et simplement est en outre une mesure inéquitable. Les cantons ayant utilisé le sol avec le plus de parcimonie seront durement pénalisés. Surtout s’il se trouvent au cœur d’un fort développement économique. La surface de zone à bâtir par habitant varie fortement selon les cantons. De 109 m2 (BS) à 595 m2 (JU). Genève est, avec ses 162 m2, le canton le plus parcimonieux après Bâle-Ville. Vu que les initiants ne prévoient aucun équilibrage entre cantons, la pression sur le foncier des agglomérations sera explosive. Ce phénomène de ségrégation par le logement touche les catégories sociales les plus faibles et contribuent à l’exclusion des plus pauvres des centres-villes. Notons encore trois éléments importants. Premièrement, le sol agricole fait l’objet d’un protection séparée au travers du mécanisme des surfaces d’assolement. Ces surfaces sont les mieux adaptées à la production agricole et leur protection vise à garantir l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires. Dans un récent rapport, la Confédération constate l’efficacité du plan sectoriel «surface d’assolement» pour garantir les terres agricoles les plus précieuses de Suisse. Cette préoccupation des initiants est donc, répétons-le, couverte par la législation en vigueur.

Deuxième élément de réflexion: il y a une contradiction entre la volonté de densifier, de construire la ville en ville, d’utiliser au maximum le potentiel des zones à bâtir existante et le but visé par l’initiative de favoriser les «structures de petites tailles». On touche là à une limite de l’exercice. D’un côté la volonté de limiter drastiquement la consommation du sol, de l’autre une vision «romantique-verte» qui se méfie de la grande ville. L’attitude conséquente est de prôner un gel des surfaces à bâtir et la décroissance, ce que les initiants se sont gardés de faire!

Dernier élément de réflexion: on peut partager le souci des initiants concernant les développements hors de la zone à bâtir et leur volonté de limiter drastiquement ce qui s’y construit. Et on comprend intuitivement ce que peut vouloir dire une limite aux «seules installations destinées à l’agriculture dépendante du sol». Mais il faut rester prudent là aussi et constater que la modernisation de l’agriculture implique parfois des extensions qui vont au delà de cette stricte définition. Même si on comprend et partage la préoccupation des initiants, on doit donc dire non à cette initiative sans nuance.

*Conseiller national (PLR/GE)

b.genecand@parl.ch

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