Publié le: 5 avril 2019

Nous avons un nouveau pape!

SOLAIRE – A Sion, le professeur Nazeeruddin travaille d’arrache-pied au perfectionnement de la prochainegénération de cellules solaires. Deux investisseurs sont à bord et une société vise déjà la mise en production.

On sait dans le microcosme solaire à quel point le rôle du professeur Nazeeruddin est crucial dans la mise au point des cellules solaires de la prochaine génération. Les résultats que lui et son team présentent sont là pour le montrer.

La phase de mise en production approchant, son enthousiasme communicatif nous a incité à le rencontrer. Il est vrai que la concurrence est vive dans ce domaine où plusieurs instituts se profilent. Reste que la Suisse est en très bonne place pour marquer le développement de ce secteur dominant des cleantechs.

deux bourses pour 2000 candidats cette année-là en inde. il en obtint une!

Le professeur Mohammad Khaja Nazeeruddin a œuvré dès ses débuts dans ce domaine en collaborant aux travaux du professeur Michael Grätzel. Ce chimiste suisse d’origine allemande est le pape du photovoltaïque à base de cellules solaires à colorant. Nazeerunddin sera le prochain pape!

Un gosse et son ruisseau

Avec la génération suivante, celle du professeur indien, nous allons passer à l’ère de la pérovskite, une espèce minérale décrite en 1839 par le minéralogiste allemand Gustav Rose, à partir d’échantillons provenant de l’Oural. Ce dernier l’a dédiée au minéralogiste russe Lev Alexeïevitch Perovski (1792-1856).

Le prof Nazeeruddin est né à Thumboor, dans le district de Khammam (Andhra Pradesh). Nous lui avons demandé quel genre de sujet l’intéressait, tout petit.

«J’étais un enfant passionné d’observation naturelle, qui jouait dans les ruisseaux proches de son village en observant la faune locale.» Et comment voyait-il sa vie plus tard? «Un temps, je me suis dit que je ferais de la génétique, nous raconte-t-il. Puis, j’ai compris que pour progresser dans mon pays, je ferais mieux de faire de la chimie.»

Le jeune garçon devait parcourir à pied un long trajet pour aller à l’école. «Par la suite, lycéen, j’ai eu la chance d’habiter chez mon professeur et pu éviter de si longs déplacements. Mon unique idée, depuis l’âge de 11 ans, fut de travailler, de travailler, pour jouer une fois un rôle de premier plan.»

Ce dont il se souvient, c’est d’avoir travaillé. Il déploie tant d’efforts que cela finit par payer. La course aux honneurs pouvait commencer. En Inde, des milliers de jeunes passaient le concours de chimie pour obtenir une bourse de chercheur à l’étranger. L’année où Nazeeruddin tenta sa chance, le gouvernement indien n’en octroya que deux. Il en obtint une. En soi, son parcours tient du miracle.

La rencontre avec Grätzel

Puis, ce fut l’arrivée à Lausanne qu’il préféra au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Il avait préparé un sujet de recherche sur l’ammoniac pour le professeur Grätzel, mais ce dernier lui proposa très vite de participer aux recherches sur le solaire qui débutaient alors à Lausanne.

«Le temps! c’est le bien le plus précieux.»

La suite est connue, ce fut un succès planétaire pour Grätzel et de son équipe. La liste de publications de Nazeeruddin s’allonge peu à peu comme un mois sans Nans, ces galettes indiennes. Il collabore ensuite à la création d’un institut de recherche de l’EPFL, décentralisé à Sion. C’est là que nous le rencontrons. Ce lundi de mars, l’astre du jour brille de ses mille feux.

Professeur Nazeeruddin, où en êtes-vous dans vos recherches sur cette nouvelle génération de panneaux solaires à base de pérovskite?

Nous avançons à grands pas. Une société anonyme vient d’être créée, elle s’appelle Valais Perovskite Solar SA. Nous avons conclu un partenariat avec deux investisseurs – Enoil Bioénergies SA et Providenzia Capital Group Suisse SA – qui nous accompagneront jusqu’à la mise en production. Avant cela, nous entendons encore perfectionner notre produit. Sur l’ensemble, j’estime qu’il nous reste un potentiel d’amélioration de 20%.

Où se situent les plus grandes difficultés actuellement?

Du point de vue des rendements, au point où nous en sommes aujourd’hui avec la pérovskite seule, l’efficacité s’élève à 23,7%. Et sur la base de notre compréhension actuelle, nous pourrions atteindre 26%. Ce seuil correspond à l’efficacité énergétique des panneaux à base de silicium comme nous les connaissons actuellement. Mais notre valeur ajoutée se situe précisément sur l’amélioration de ce rendement.

Quelles sont les pistes de travail que vous avez explorées?

Nous y parvenons en travaillant avec différentes couches. C’est sur ce point que nous concentrons nos travaux. Or nous avons déjà atteint un rendement de 25,2% avec une configuration dite en tandem, avec différentes couches de silicium et de pérovskite. Nous pourrions atteindre jusqu’à 32% à l’avenir. Nous avons joué un rôle important dans l’amélioration de la stabilité des échanges électroniques dans la pérovskite.

Quels sont les avantages de ce nouveau matériau?

Il permet de produire des cellules solaires à un tiers des coûts par rapport au silicium. Un kilowatt/heure coûte en Suisse 15 centimes. Si nous produisons du courant solaire avec cette technologie, cela nous coûtera 5 ct. Pour un investisseur, le payback se situe à 6 mois. En outre, notre matériau se présente sous la forme d’une solution facile à transporter, sous la forme d’un liquide dont on enduit le substrat (verre ou synthétique). On peut tout produire sur place, ce qui est un autre avantage par rapport au système actuel, qui est très gourmand en transports.

Qu’est-ce qui a le plus de valeur à vos yeux sur terre?

Le temps, c’est le bien le plus précieux!

François Othenin-Girard

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