Allocation de garde financée par les employeurs: une décision inacceptable
«Nous recherchons des collaborateurs»
dixi polytool – Née au Locle dans les années quarante, cette PME spécialisée dans les outils de coupe a introduit la philosophie du lean et survécu à de nombreuses crises. Aujourd’hui, le vent du redémarrage souffle à nouveau sur ses 38 marchés. Interview de Marc Schuler, son Managing Director.
Nous sommes tout au bout du «Far-West» loclois, là où la campagne semble reprendre ses droits. À quelques encâblures de grandes manufactures horlogères et du fameux «Technicum» du Locle est amarré un géant de l’outillage, méconnu du grand public, déjà une légende (Benchmark européen) dans le microcosme de la micro-mécanique. Une usine blanche toute en longueur, c’est à peine si l’on remarque son toit émerger de la verdure. Marc Schuler, Managing Director à la barre de DIXI Polytool S.A., nous parle de ce grand navire dont l’équipage a appris en quelques années les techniques de navigation permettant de résister à toute forme de crises.
Spécialisée dans les outils de coupe, cette PME est dotée d’une force de frappe qui ne se résume pas au poids d’un catalogue comprenant plus de 12 000 références avec de multiples diamètres (de Ø 0,05 mm à 20 mm), une infinité de géométries permettant d’usiner toutes les matières, du titane à l’inox, du laiton à l’or, en passant par tous les alliages usinés dans l’industrie. Son vrai savoir-faire réside également ailleurs ...
JAM: Comment avez-vous vécu les premiers temps de cette reprise?
Marc Schuler: À l’heure actuelle, nous constatons un très fort redémarrage, nous ne nous attendions pas à une vitesse pareille. En 2019, avant la crise Covid, nous avions réalisé un exercice record. Depuis juin 2021, nous retrouvons des chiffres de niveau comparable. En juillet-août, période de vacances, les résultats sont timides, mais au vu de l’accélération de fin août, il semble que nous dépasserons les résultats d’il y a deux ans. Pour septembre et octobre, il est difficile d’extrapoler, car dans les consommables, la visibilité n’est pas très étendue au-delà de trois semaines. En revanche, les feedbacks que nous recevons des marchés et les demandes d’offres nous font penser à une très bonne disposition des clients à Âcommander.
Pour DIXI Polytool, il y a aussi un effet de rattrapage, car les lancements de nombreux produits prévus en 2020 ont été repoussés en raison de la pandémie. Nos technico-commerciaux qui sont d’habitude sur le terrain, c’est-à -dire «au pied des machines» pour trouver des solutions avec leurs clients, ne pouvaient plus se rendre dans les entreprises, ce qui est d’ailleurs encore partiellement le cas ...
Les crises, ou leur gestion, c’est un peu devenu l’une de vos spécialités?
Oui, et nous avons beaucoup appris ces dix dernières années. J’ai commencé à la DG en 2009 et un mois plus tard, je devais déjà prendre des mesures de restructuration dues à la crise majeure. Durant cette période, je dois avouer que j’ai peu dormi. C’était dur, mais ce fut un apprentissage pour la suite, à savoir les trois crises suivantes. Entre 2010, l’euro est passé de 1,60 à 1,20 en sept à huit mois. En 2015, il a poursuivi sa chute de 1,20 en direction de la parité. Et en 2020, nous avons tous pris une grande claque avec la Covid. Mais je constate que plus nous Âallons de l’avant avec ces crises, plus nous savons quels leviers actionner, à quels problèmes s’attendre. Et Âaussi que plus on agit vite, plus la «casse» est limitée. Pour affronter la Covid, tous les leviers ont été activés très rapidement et nous avons pris toutes les mesures que nous pouvions: chômage partiel, blocus de tous les investissements, programmes drastiques d’économie des coûts, lignes de crédit des banques et crédit Covid.
Cette réserve de cash nous a permis de tenir le coup. Sur le fond, nous nous étions interdits d’utiliser ces crédits, sauf en dernier recours. Par conséquent, quand les choses ont redémarré, nous avons été parmi les premiers à redécoller. Bien sûr, le chômage partiel et les diminutions de salaire de l’ordre de 20% – lors de chômage à 100% – sans compter la situation générale d’incertitude sur l’emploi, n’étaient pas des choses évidentes à vivre pour nos collaborateurs. Heureusement, nous avons pu diminuer les RHT progressivement et nous n’en avons plus depuis avril. Actuellement, nous sommes même à la recherche de collaborateurs dans de nombreux départements. Nous recherchons des talents dotés de polyvalence et de polycompétence.
Qu’est-ce qui constitue au fond le socle de votre succès?
Nous sommes au centre d’un arc qui s’étend de Genève à Bâle et se caractérise par une densité colossale de savoir-faire, de compétences: une situation sans doute unique au monde dans le domaine de la micro-mécanique et des secteurs associés tels que la machine-outil, les accessoires, les instruments de mesure. À cela s’ajoute une formation de haut niveau, les HES, les école d’ingénieurs et la formation duale ...
Dans le microcosme des PME, on sait que vous êtes des adeptes du «lean». Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Nous avons débuté la réflexion en 2013 et les principales mesures ont été mises en place en 2015. L’idée de base, c’est de se simplifier la vie. De supprimer le superflu, les stocks et le matériel inutiles, les phases d’attente. À cela s’ajoute l’objectif d’organiser la société afin que tout soit mesurable: ne pas s’en tenir au «sentiment», mais obtenir des réponses  – même si parfois on n’a peut-être pas envie de recevoir telle ou telle réponse – motivées, explicites. Partant, nous avons commencé par réaligner le 100% du parc des machines, afin de pouvoir travailler en flux. Le lean est devenu au fil du temps une grande préoccupation à tous les niveaux de notre entreprise. Tous les processus sont concernés. Chez DIXI Polytool l’un des objectifs du lean, était de réduire les délais. Par exemple dans les outils spéciaux, la commande transitait par toute une chaîne, le bureau méthodes, le dessin, la logistique, les matière première. Cela prenait jusqu’à une semaine. Sur un délai total de deux à trois semaines, il s’agissait d’une énorme perte de temps qui mettait la pression en aval sur tous les autres intervenants. Avec le lean, cette semaine perdue a pu être réduite à un ou deux jours maximum!
Parmi les autres mesures, nous avons aménagé le travail durant les week-ends, pour faire travailler toutes les machines de dernière génération dont nous disposons. Ceci, en passant de trois à cinq équipes qui permettent un 7/7 24/24 pour ce qui concerne les travaux totalement automatisés. Grâce aux contrats VSD approuvé par le Seco  – qui ne sont pas facile à obtenir – ces équipes effectuent un 100% (de 30 heures) du vendredi au dimanche. Ce type d’emploi attire des personnes qui ont par exemple des charges de famille pendant la semaine ou qui souhaitent vivre leurs loisirs en semaine. C’est assez populaire. Sinon, les personnes qui choisissent le travail de nuit (21h à 5h) disposent d’horaires bloqués et ne sont pas affectées à des travaux de jour. Toutefois, cette dernière catégorie est plus difficile à recruter.
Comment le lean est-il vécu à l’interne?
C’est une nouvelle culture qui s’est mise en place progressivement. Désormais les employés sont plutôt demandeurs parce que cela procure à tout le monde plus de sécurité, de simplicité et de temps à disposition pour repenser l’amélioration des processus. Durant la pandémie, nous avons continué à former les gens, notamment au lean. Puis nous leur avons proposé d’autogérer de petits projets. Au final, il y a eu 25 postulations – c’est énorme! Nous avons retenu 14 personnes qui travaillent maintenant en binôme sur sept projets.
Le phénomène d’accélération d’amélioration est net. Quand un projet est terminé, on passe au suivant. Une fois un projet abouti et mis en application, nous le laissons vivre six à douze mois, puis nous le réévaluons et repartons pour un nouveau tour d’amélioration. Sur le fond, le lean est un projet sans fin. Le plus important, c’est qu’il n’y a pas d’obligation de réussite. L’échec fait partie des possibles. En revanche, si on y va, on y va. L’erreur ne doit pas être le fruit de la paresse! Cette attitude positive permet de faire naître des projets qui pouvaient peut-être sembler d’emblée un peu farfelus – mais à force de tourner autour du pot, on réalise que non seulement c’est réalisable, mais que c’est une excellente idée!
Trouver des talents masculins et féminins, est-ce aussi une gageure chez vous?
Oui. À ce propos, nous en sommes venus à obtenir la certification Fair on Pay, qui garantit que la politique salariale est équitable entre hommes et femmes. Il est difficile d’attirer les femmes dans nos métiers techniques. On pense trop souvent que la seule formation pour les jeunes femmes, c’est l’apprentissage de commerce. Cet état de fait est malheureux car la technique ou la mécanique offrent de magnifiques possibilités et ce tant aux femmes qu’aux hommes. Accessoirement, les salaires y sont plus attractifs. Les débouchés et les possibilités d’évolution et la sécurité de l’emploi y sont garantis.
D’où le recours aux frontaliers?
Oui, c’est naturel, la frontière est à 2,5 km d’ici et ils représentent un grand bassin de gens très compétents. Cela dit, leur proportion chez nous a été réduite. Il y a cinq ans, nous avions 70% de frontaliers et 30% de résidents. Aujourd’hui, le nombre de résidents est monté à 52%. Pour nous la question n’est pas d’ordre salarial puisque, étant adhérent de longue date à la convention collective horlogère, les salaires minimums sont de toute façon respectés, quel que soit le côté de la frontière où vivent nos collaborateurs. Ainsi, chez DIXI, la thématique d’un salaire minimum à 4000 n’est pas un sujet de discussion dans la mesure où nous sommes en-dessus, quel que soit le poste.
L’avantage pour vous d’adhérer à Swiss Label?
Nous sommes actifs en Suisse et disposons en plus de notre site principal au Locle d’un site de production à la Neuveville. À l’étranger, nous sommes présents dans 38 pays et disposons de nos propres équipes de distribution en France, Espagne, Pays-Bas, Autriche, Chine et Belgique dès cet automne, sans oublier l’Allemagne – où nous produisons aussi. Avec un produit labélisé Swiss Made, nos clients étrangers sont généralement prêts à payer un peu plus cher: c’est dire l’image dont ce label jouit dans le monde. Les fabricants suisses offrent en règle générale des solutions optimisées, sur mesure dans des produits de niche. Le fait de produire en Suisse nous évite quasi toute interrogation quant à la qualité et ce dans le monde entier ...
Interview:
François Othenin-Girard
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