L’usam s’oppose avec véhémence à la hausse des cotisations salariales
«Pas de meilleure proposition»
RFFA – La Chambre suisse des arts et métiers recommande de voter oui au projet fiscal. Il faut donc accepter la meilleure solution possible, qui lie la question fiscale et celle du financement de l’AVS. C’est logique au plan politique, estiment les membres du groupe parlementaire de l’usam.
Journal des arts et métiers: La RFFA est un compromis, une réforme fiscale pour les entreprises et une solution de financement de l’AVS. En quoi est-ce un bon compromis et pourquoi la Suisse en a-t-elle besoin?
Jean-François Rime (CN UDC/FR): Je ne suis pas enthousiasmé par cette proposition, mais rien de meilleur n’a été proposé. La Suisse a impérativement besoin de ce compromis. Je vois deux raisons principales. Premièrement, le système fiscal actuel suisse ne correspond plus aux normes internationales, une réforme fiscale des entreprises s’impose. Il faut donc supprimer les régimes fiscaux cantonaux, faute de quoi la Suisse serait immédiatement épinglée sur une liste grise. En supprimant les régimes fiscaux, la fiscalité des entreprises perd en attractivité. Les nouvelles mesures fiscales proposées dans la RFFA répondent aussi aux besoins de toutes les entreprises et donc à la promotion de la place économique suisse. Deuxièmement, le financement partiel de l’AVS est impératif dans ce compromis, puisqu’il répond à la grande critique faite par les opposants à la RIE III. Cette dernière avait été rejetée massivement dans les urnes en février 2017, car elle ne comportait pas d’élément de compensation sociale. Avec la RFFA, nous avons une solution qui répond au moins de manière positive à la problématique de la fiscalité des entreprises et du financement de l’AVS.
La RFFA correspond à un projet politiquement réaliste
Quelles sont les principales raisons pour adopter cette réforme le 19 mai prochain?
BenoĂ®t Genecand (CN PLR/GE): Le proÂ-jet de rĂ©forme fiscale et de financeÂment de l’AVS (RFFA) est un montage audacieux. Un bricolage, diront certains. Il faut pourtant l’accepter avec enthousiasme, comme une manifestation bienvenue du «gĂ©nie helvĂ©tique». Prenez deux sujets «foireux», (RIE III et PrĂ©voyance 2020), tous deux refusĂ©s en votation populaire, mĂ©langez, ajoutez et soustrayez quelques ingrĂ©dients et vous obtenez RFFA, un cocktail bien Ă©picĂ©! La rapiditĂ© de la solution n’est pas le produit de la diligence bernoise, mais d’une grosse pression de l’OCDE qui dit depuis belle lurette que nos statuts fiscaux, c’est niet! Statuts fiscaux? C’est la proposition un peu «free rider» que la Suisse fait aux entreprises actives principalement Ă l’étranger pour adoucir leur fiscalitĂ©. Ă€ Genève (canton qui a usĂ© et abusĂ© des statuts fiscaux), ces groupes payent environ 11% d’impĂ´ts contre 24% pour les PME du cru. «Concurrence dĂ©loyale!» a criĂ© l’OCDE. Il a bien fallu bouger. Nous aurions pu mettre tout le monde aux tarifs cantonaux (la ConfĂ©dĂ©ration, futĂ©e, n’a elle jamais baissĂ© ses taux). Avec un risque confinant Ă la certitude que les grands groupes auraient trouvĂ© des cieux plus clĂ©ments. Nous avons choisi de faire passer une cure de jouvence Ă notre fiscalitĂ©: demander certes aux grands groupes de payer un peu plus, mais permettre Ă de très nombreuses PME de payer moins (parfois, comme pour Genève et Vaud, beaucoup moins). Il a fallu tirer et pousser sur plusieurs leviers (frais de recherches et dĂ©veloppement, frais de financement pour les groupes financiers, etc.) pour mettre Ă disposition une caisse Ă outils dans laquelle les cantons pourront puiser. Pour Ă©quilibrer les finances et Ă©viter une fuite en avant, deux contrepoids sont installĂ©s: un minimum de taxe sur les dividendes (car qui dit moins d’impĂ´ts dit possiblement plus de dividendes) et un taux plancher de taxation des bĂ©nĂ©fices.
Tout cela faisait aussi le fond de RIE III que la population a refusé. Pourquoi serait-ce différent cette fois? C’est là qu’intervient le génie helvétique. Finauds, presque matois, cinq conseillers (et conseillère) aux États ont marié RIE III à la réforme de l’AVS pour faire naître RFFA. «Chimère!» ont crié les puristes, soulignant qu’en liant deux sujets ardus on voyait mal comment la population pourrait donner une réponse éclairée. «Le deal est simple» ont rétorqué les pragmatiques «et la population assez sage pour donner un avis». Quel deal ? D’un côté, on réforme la fiscalité pour garantir recettes fiscales, travail et prospérité.
De l’autre, on consolide l’AVS, premier pilier de notre prévoyance qui a un défaut notoire de financement. Par le relèvement des cotisations sur salaires et autres manœuvres financières, on injecte 2 milliards de francs par an dans l’AVS. Le trou est partiellement bouché. Une pièce maîtresse de notre prévoyance consolidée. En conclusion, on s’incline et on dit: «RFFA? Réforme Financière Finaude Assurément!»
Sécurité du droit et égalité
En supprimant les statuts fiscaux spéciaux, qu’est-ce que la RFFA apporte de positif aux PME?
Philippe Nantermod (CN PLR/VS): Les statuts fiscaux spéciaux, ce sont ces arrangements conclus avec des multinationales qui s’installent en Suisse. Elles paient moins d’impôts que la norme, parfois pas d’impôt du tout. En contrepartie, elles créent des emplois et de la prospérité chez nous. Ces pratiques sont bien utiles, mais ne sont plus acceptées par nos partenaires qui les considèrent comme du dumping. Parallèlement, c’est une inégalité de traitement à l’égard de toutes les entreprises suisses, notamment les PME, qui paient plein pot.
Il n’est ainsi plus possible de maintenir ces statuts spĂ©ciaux. Il serait toutefois catastrophique de nous contenter de les supprimer, sans autre mesure. Cela signifierait l’explosion de la facture d’impĂ´t des multinationales et leur probable dĂ©part. Pour ne pas perdre en attractivitĂ©, RFFA rĂ©duit la fiscalitĂ© «ordinaire» de toutes les personnes morales. Ainsi, les PME qui paient aujourd’hui le plein tarif bĂ©nĂ©fiÂcieront de la mĂŞme fiscalitĂ© que ces multinationales, donc d’une rĂ©duction d’impĂ´t substantielle. Les PME sont ainsi les grandes bĂ©nĂ©ficiaires de la rĂ©forme. Les multinationales, elles, ne subiront qu’une hausse modĂ©rĂ©e de la facture, mais continueront Ă profiter d’une fiscalitĂ© conforme aux règles internationales.
Places de travail et prospérité
Si la RFFA ne devait pas être acceptée, quelle conséquence cela aurait pour la place économique suisse, en particulier les PME, et quel serait le plan B?
Pierre-André Page (CN UDC/FR): «Si la RFFA ne devait pas être acceptée»: ce n’est pas la bonne question! Non, il faut dire haut et fort ce que cette réforme fiscale et le financement de notre AVS vont apporter à notre économie et à la population. La RFFA est un sage compromis qui renforce la place économique suisse face à la concurrence étrangère et contribue à stabiliser notre assurance sociale pour les prochaines années.
En février 2017, la troisième réforme de l’imposition des entreprises, la RIE III, a été rejetée par le peuple. Le Parlement a donc décidé d’un plan B, la RFFA. Aujourd’hui, selon les cantons, les entreprises sont sujettes à de grosses inégalités de traitement: une situation qui engendre pour elles instabilité et surtout insécurité: multinationales ou PME réfléchissent à quitter le pays avec son cortège de conséquences néfastes pour l’emploi et l’économie. Avec la RFFA, la charge fiscale devient compétitive face à la concurrence étrangère.
Autre avantage de cette RFFA, un financement additionnel de l’AVS à hauteur d’environ deux milliards de francs. Aujourd’hui, notre AVS est en difficulté: et dans l’attente de la prochaine réforme – urgente faut-il le rappeler, cet apport d’argent frais est un compromis intelligent dont profiteront surtout les personnes à revenu modeste.
Après ce plan B, il n’y aura pas de plan «C». Ou alors ce sera le Chaos, voire la Crise.
Crucial pour les cantons
La RFFA se passe au niveau fédéral. Qu’en est-il de la mise en œuvre dans les cantons?
Fabio Regazzi (CN PDC/TI): C’est très important pour les cantons qui sous la pression de l’OCDE, doivent abolir l’imposition spéciale des sociétés holding, administratives et mixtes. Cette suppression signifie pour l’instant une augmentation massive de l’impôt pour ces entreprises. Par conséquent, des mesures d’accompagnement sont nécessaires, que les cantons doivent décider. Les cantons peuvent mettre en œuvre divers instruments ciblés tels que des boîtes à brevets et des déductions pour la recherche et le développement. En outre, la Confédération met à la disposition des cantons environ un milliard de francs. Pour de nombreux cantons, il est également essentiel que ce projet de loi adapte également le système de péréquation financière.
L’objectif est d’éliminer les fausses incitations pour les personnes morales. Les cantons qui ont crĂ©Ă© des entreprises et qui ont amĂ©liorĂ© leur puissance Ă©conomique sont aujourd’hui sanctionnĂ©s pour cela dans le cadre de la pĂ©rĂ©quaÂ-tion financière. La RFFA Ă©limine en grande partie ces incitations malavisĂ©es.
Sécurité et planification
Selon vous, quelle incidence positive aura la RFFA sur les finances publiques et la pĂ©rĂ©Âquation financière?
Filippo Lombardi (CE PDC/TI): La RFFA aura un impact poÂsitif sur les finances de la ConfĂ©dĂ©ration, des cantons et des communes suisses Ă plusieurs Ă©gards. Elle renforce avant tout – et c’est l’élĂ©ment central – l’attractivitĂ© et la compĂ©titivitĂ© de la place Ă©conomique suisse et crĂ©e ainsi de nouveaux emplois. Cela permet de garantir les recettes fiscales sur le long terme et de crĂ©er un potentiel d’augmentation durable des recettes pour l’État.
La sécurité et la prévisibilité que procure la RFFA permettent également aux entreprises de continuer à investir dans l’avenir et de générer ainsi des revenus imposables. De plus, l’augmentation de la part cantonale de l’impôt fédéral direct incite les cantons à adopter des réformes, notamment en ce qui concerne les réglementations fiscales spéciales visant à promouvoir la recherche et le développement – la seule matière première dans notre pays. Ces réformes devraient déboucher sur une concurrence au niveau cantonal qui renforcera encore l’attractivité de notre place économique. Les incitations créées permettent aux cantons de prendre leur destin en main, ce qui est tout à fait conforme à notre fédéralisme suisse.
Interview: François Othenin-Girard
positions de la chambre
OUI à la RFFA et aussi oui à la loi sur les armes: telle est la prise de position de la Chambre suisse des arts et métiers, le Parlement de l’usam, pour la votation du 19 mai prochain.
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