Publié le: 8 février 2019

«Pas de meilleure proposition»

RFFA – La Chambre suisse des arts et métiers recommande de voter oui au projet fiscal. Il faut donc accepter la meilleure solution possible, qui lie la question fiscale et celle du financement de l’AVS. C’est logique au plan politique, estiment les membres du groupe parlementaire de l’usam.

Journal des arts et métiers: La RFFA est un compromis, une réforme fiscale pour les entreprises et une solution de financement de l’AVS. En quoi est-ce un bon compromis et pourquoi la Suisse en a-t-elle besoin?

Jean-François Rime (CN UDC/FR): Je ne suis pas enthousiasmé par cette proposition, mais rien de meilleur n’a été proposé. La Suisse a impérativement besoin de ce compromis. Je vois deux raisons principales. Premièrement, le système fiscal actuel suisse ne correspond plus aux normes internationales, une réforme fiscale des entreprises s’impose. Il faut donc supprimer les régimes fiscaux cantonaux, faute de quoi la Suisse serait immédiatement épinglée sur une liste grise. En supprimant les régimes fiscaux, la fiscalité des entreprises perd en attractivité. Les nouvelles mesures fiscales proposées dans la RFFA répondent aussi aux besoins de toutes les entreprises et donc à la promotion de la place économique suisse. Deuxièmement, le financement partiel de l’AVS est impératif dans ce compromis, puisqu’il répond à la grande critique faite par les opposants à la RIE III. Cette dernière avait été rejetée massivement dans les urnes en février 2017, car elle ne comportait pas d’élément de compensation sociale. Avec la RFFA, nous avons une solution qui répond au moins de manière positive à la problématique de la fiscalité des entreprises et du financement de l’AVS.

La RFFA correspond à un projet politiquement réaliste

Quelles sont les principales raisons pour adopter cette réforme le 19 mai prochain?

Benoît Genecand (CN PLR/GE): Le pro­-jet de réforme fiscale et de finance­ment de l’AVS (RFFA) est un montage audacieux. Un bricolage, diront certains. Il faut pourtant l’accepter avec enthousiasme, comme une manifestation bienvenue du «génie helvétique». Prenez deux sujets «foireux», (RIE III et Prévoyance 2020), tous deux refusés en votation populaire, mélangez, ajoutez et soustrayez quelques ingrédients et vous obtenez RFFA, un cocktail bien épicé! La rapidité de la solution n’est pas le produit de la diligence bernoise, mais d’une grosse pression de l’OCDE qui dit depuis belle lurette que nos statuts fiscaux, c’est niet! Statuts fiscaux? C’est la proposition un peu «free rider» que la Suisse fait aux entreprises actives principalement à l’étranger pour adoucir leur fiscalité. À Genève (canton qui a usé et abusé des statuts fiscaux), ces groupes payent environ 11% d’impôts contre 24% pour les PME du cru. «Concurrence déloyale!» a crié l’OCDE. Il a bien fallu bouger. Nous aurions pu mettre tout le monde aux tarifs cantonaux (la Confédération, futée, n’a elle jamais baissé ses taux). Avec un risque confinant à la certitude que les grands groupes auraient trouvé des cieux plus cléments. Nous avons choisi de faire passer une cure de jouvence à notre fiscalité: demander certes aux grands groupes de payer un peu plus, mais permettre à de très nombreuses PME de payer moins (parfois, comme pour Genève et Vaud, beaucoup moins). Il a fallu tirer et pousser sur plusieurs leviers (frais de recherches et développement, frais de financement pour les groupes financiers, etc.) pour mettre à disposition une caisse à outils dans laquelle les cantons pourront puiser. Pour équilibrer les finances et éviter une fuite en avant, deux contrepoids sont installés: un minimum de taxe sur les dividendes (car qui dit moins d’impôts dit possiblement plus de dividendes) et un taux plancher de taxation des bénéfices.

Tout cela faisait aussi le fond de RIE III que la population a refusé. Pourquoi serait-ce différent cette fois? C’est là qu’intervient le génie helvétique. Finauds, presque matois, cinq conseillers (et conseillère) aux États ont marié RIE III à la réforme de l’AVS pour faire naître RFFA. «Chimère!» ont crié les puristes, soulignant qu’en liant deux sujets ardus on voyait mal comment la population pourrait donner une réponse éclairée. «Le deal est simple» ont rétorqué les pragmatiques «et la population assez sage pour donner un avis». Quel deal ? D’un côté, on réforme la fiscalité pour garantir recettes fiscales, travail et prospérité.

De l’autre, on consolide l’AVS, premier pilier de notre prévoyance qui a un défaut notoire de financement. Par le relèvement des cotisations sur salaires et autres manœuvres financières, on injecte 2 milliards de francs par an dans l’AVS. Le trou est partiellement bouché. Une pièce maîtresse de notre prévoyance consolidée. En conclusion, on s’incline et on dit: «RFFA? Réforme Financière Finaude Assurément!»

Sécurité du droit et égalité

En supprimant les statuts fiscaux spéciaux, qu’est-ce que la RFFA apporte de positif aux PME?

Philippe Nantermod (CN PLR/VS): Les statuts fiscaux spéciaux, ce sont ces arrangements conclus avec des multinationales qui s’installent en Suisse. Elles paient moins d’impôts que la norme, parfois pas d’impôt du tout. En contrepartie, elles créent des emplois et de la prospérité chez nous. Ces pratiques sont bien utiles, mais ne sont plus acceptées par nos partenaires qui les considèrent comme du dumping. Parallèlement, c’est une inégalité de traitement à l’égard de toutes les entreprises suisses, notamment les PME, qui paient plein pot.

Il n’est ainsi plus possible de maintenir ces statuts spéciaux. Il serait toutefois catastrophique de nous contenter de les supprimer, sans autre mesure. Cela signifierait l’explosion de la facture d’impôt des multinationales et leur probable départ. Pour ne pas perdre en attractivité, RFFA réduit la fiscalité «ordinaire» de toutes les personnes morales. Ainsi, les PME qui paient aujourd’hui le plein tarif bénéfi­cieront de la même fiscalité que ces multinationales, donc d’une réduction d’impôt substantielle. Les PME sont ainsi les grandes bénéficiaires de la réforme. Les multinationales, elles, ne subiront qu’une hausse modérée de la facture, mais continueront à profiter d’une fiscalité conforme aux règles internationales.

Places de travail et prospérité

Si la RFFA ne devait pas être acceptée, quelle conséquence cela aurait pour la place économique suisse, en particulier les PME, et quel serait le plan B?

Pierre-André Page (CN UDC/FR): «Si la RFFA ne devait pas être acceptée»: ce n’est pas la bonne question! Non, il faut dire haut et fort ce que cette réforme fiscale et le financement de notre AVS vont apporter à notre économie et à la population. La RFFA est un sage compromis qui renforce la place économique suisse face à la concurrence étrangère et contribue à stabiliser notre assurance sociale pour les prochaines années.

En février 2017, la troisième réforme de l’imposition des entreprises, la RIE III, a été rejetée par le peuple. Le Parlement a donc décidé d’un plan B, la RFFA. Aujourd’hui, selon les cantons, les entreprises sont sujettes à de grosses inégalités de traitement: une situation qui engendre pour elles instabilité et surtout insécurité: multinationales ou PME réfléchissent à quitter le pays avec son cortège de conséquences néfastes pour l’emploi et l’économie. Avec la RFFA, la charge fiscale devient compétitive face à la concurrence étrangère.

Autre avantage de cette RFFA, un financement additionnel de l’AVS à hauteur d’environ deux milliards de francs. Aujourd’hui, notre AVS est en difficulté: et dans l’attente de la prochaine réforme – urgente faut-il le rappeler, cet apport d’argent frais est un compromis intelligent dont profiteront surtout les personnes à revenu modeste.

Après ce plan B, il n’y aura pas de plan «C». Ou alors ce sera le Chaos, voire la Crise.

Crucial pour les cantons

La RFFA se passe au niveau fédéral. Qu’en est-il de la mise en œuvre dans les cantons?

Fabio Regazzi (CN PDC/TI): C’est très important pour les cantons qui sous la pression de l’OCDE, doivent abolir l’imposition spéciale des sociétés holding, administratives et mixtes. Cette suppression signifie pour l’instant une augmentation massive de l’impôt pour ces entreprises. Par conséquent, des mesures d’accompagnement sont nécessaires, que les cantons doivent décider. Les cantons peuvent mettre en œuvre divers instruments ciblés tels que des boîtes à brevets et des déductions pour la recherche et le développement. En outre, la Confédération met à la disposition des cantons environ un milliard de francs. Pour de nombreux cantons, il est également essentiel que ce projet de loi adapte également le système de péréquation financière.

L’objectif est d’éliminer les fausses incitations pour les personnes morales. Les cantons qui ont créé des entreprises et qui ont amélioré leur puissance économique sont aujourd’hui sanctionnés pour cela dans le cadre de la péréqua­-tion financière. La RFFA élimine en grande partie ces incitations malavisées.

Sécurité et planification

Selon vous, quelle incidence positive aura la RFFA sur les finances publiques et la péré­quation financière?

Filippo Lombardi (CE PDC/TI): La RFFA aura un impact po­sitif sur les finances de la Confédération, des cantons et des communes suisses à plusieurs égards. Elle renforce avant tout – et c’est l’élément central – l’attractivité et la compétitivité de la place économique suisse et crée ainsi de nouveaux emplois. Cela permet de garantir les recettes fiscales sur le long terme et de créer un potentiel d’augmentation durable des recettes pour l’État.

La sécurité et la prévisibilité que procure la RFFA permettent également aux entreprises de continuer à investir dans l’avenir et de générer ainsi des revenus imposables. De plus, l’augmentation de la part cantonale de l’impôt fédéral direct incite les cantons à adopter des réformes, notamment en ce qui concerne les réglementations fiscales spéciales visant à promouvoir la recherche et le développement – la seule matière première dans notre pays. Ces réformes devraient déboucher sur une concurrence au niveau cantonal qui renforcera encore l’attractivité de notre place économique. Les incitations créées permettent aux cantons de prendre leur destin en main, ce qui est tout à fait conforme à notre fédéralisme suisse.

Interview: François Othenin-Girard

positions de la chambre

OUI à la RFFA et aussi oui à la loi sur les armes: telle est la prise de position de la Chambre suisse des arts et métiers, le Parlement de l’usam, pour la votation du 19 mai prochain.

www.sgv-usam.ch

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