Publié le: 10 décembre 2021

Passer à la vitesse supérieure

Concurrence déloyale – Lars Guggisberg, conseiller national (UDC/BE) et directeur de l’union cantonale des arts et métiers PME bernoises, lutte contre les distorsions de marché causées par les entreprises publiques y compris sur le plan fédéral. «Le fairplay, ce n’est pas ça!».

Vous êtes conseiller national depuis deux ans et directeur de PME Bernoises depuis six mois. Comment conciliez-vous votre fonction à l’union cantonale et votre mandat au Parlement?

Lars Guggisberg: J’y ai trouvé une équipe bien rodée. Je peux m’organiser depuis Berne ou Burgdorf, où l’association cantonale a son siège. Il y a beaucoup de synergies et de partage de thèmes entre les plans cantonal, national et même communal, comme le montre bien notre thème de campagne «Le fairplay, ce n’est pas ça!».

Vous vous êtes lancé dans cette campagne pour plus d’équité des entreprises publiques envers les PME. Pourquoi ce domaine vous attire-t-il?

Le canton de Berne compte à lui seul plus de 70 000 PME qui jouent un rôle important dans l’économie et la société. Flexibles, elles entretiennent un lien étroit avec les citoyennes et les citoyens et s’avèrent indispensables à la formation duale. En collaborant avec l’usam, nous voulons améliorer les conditions-cadres des PME et lutter contre les distorsions de concurrence que les entreprises paraétatiques imposent depuis des années aux PME.

La Poste, avec son commerce de détail, a suscité ce mouvement pour plus d’équité. Aujourd’hui, elle rachète Livesystems, propose de la publicité, s’occupe de Klara dans les logiciels d’entreprise. Qu’en pensez-vous?

En plus de soutenir d’autres cantons dans leur lutte, nous voulons faire passer cette campagne au plan fédéral. Nous avons donc créé il y a peu un groupe parlementaire indépendant des partis. Bénéficiant d’un large soutien politique, il connaît actuellement une forte affluence (lire ci-dessous). Après tout, la Poste, les CFF, Swisscom et la SSR sont des entreprises nationales qui faussent la concurrence. Le commerce de détail suisse perd environ un demi-milliard de francs par an à cause du commerce de détail pratiqué par la Poste! Si nous ne nous y opposons pas, l’argent du contribuable rendra encore possible la destruction d’emplois. Cela ne peut plus durer!

Entretemps, la résistance monte: le fournisseur de logiciels Abacus porte plainte contre la Poste. Avec des acquisitions comme Klara, ses activités ne connaîtraient plus aucune limite Vous réjouissez-vous de cette plainte?

Nous sommes reconnaissants de ce soutien qui souligne la nécessité de notre campagne. À saluer aussi, le fait que les PME concernées se défendent elles-mêmes. Il est grand temps de placer des garde-fous politiques sur ce que le «service public» peut et ne peut pas faire. PME Bernoises a commandé une étude permettant de mettre au point des critères objectifs et scientifiquement fondés sur la manière dont les entreprises publiques doivent respecter la neutralité concurrentielle.

Le but est d’appliquer les con-naissances acquises dans d’autres cantons aux niveaux national et communal. Pour renforcer notre campagne, nous souhaitons présenter les premiers résultats d’ici au deuxième trimestre 2022.

Jusqu’à présent, la Commission de la concurrence (Comco) ne s’est pas fait remarquer sur les distorsions de concurrence des entreprises publiques. Qu’attendez-vous d’elle?

Notre campagne vise à sensibiliser et à mettre en évidence des exemples de distorsions de concurrence. Nous attendons donc de la Comco qu’elle examine de près des cas comme Abacus et Klara. Nous pensons qu’il s’agit d’une position dominante sur le marché et de son abus monopolistique: deux thèmes dont la Comco devrait s’occuper.

«LA POSITION DOMINANTE ET SON ABUS MONOPOLISTIQUE SONT DEUX THÈMES DONT LA COMCO DOIT S’OCCUPER».

Le Conseil fédéral ne voit toujours pas la nécessité d’agir pour résoudre par la loi la question des entreprises publiques contre les PME. Comment le groupe parlementaire «Fair is different», dont vous faites partie, veut-il aller de l’avant?

Lors de la session d’automne, deux interventions des conseillers aux États Andrea Caroni (PLR/SG) et Beat Rieder (Le Centre/VS) ont été adoptées, tandis qu’une initiative parlementaire du conseiller national Peter Schilliger (PLR/LU) a été re-jetée de justesse. Je ne vois aucune raison pour que ces deux premières interventions soient rejetées au National. Nous nous situons en dehors de la politique partisane. La pression sur les entreprises fautives va monter, ces dernières doivent se rendre compte que le monde politique les surveille de près. Elles pourraient réduire cette pression en modifiant leur comportement. Un premier pas dans la bonne direction a été fait, il s’agit maintenant d’obtenir un effet à grande échelle. Il doit y avoir des milliers d’exemples dans toute la Suisse: notre étude et la pression politique doivent contribuer à une prise de conscience par les cantons et les communes que la concurrence est faussée par des entreprises proches de l’État.

Une coopération entre les cantons peut-elle favoriser une solution ou le fédéralisme fait-il plutôt obstacle?

Je crois à un effet à grande échelle via les cantons, c’est pourquoi je ne m’attends pas à des limites dues au fédéralisme. En fait, nous avons déjà des demandes de cantons comme Soleure ou Zurich, qui s’interrogent sur la procédure à suivre. Généralement, les unions cantonales des arts et métiers et les communes interviennent sur les questions de concurrence déloyale. Mais le problème est partout au moins comparable, voire identique, donc les mêmes arguments s’appliquent.

Selon un communiqué de l’OCDE, la Suisse se situe dans le dernier quart des pays en ce qui concerne la «bonne gouvernance» des entreprises publiques. Comment expliquez-vous ce mauvais résultat?

Les conclusions de l’OCDE nous confortent dans notre action. Cela montre que nos efforts sont justifiés et qu’il faut agir rapidement pour protéger nos PME. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons à soutenir financièrement cette situation avec l’argent des contribuables.

Le fournisseur d’énergie EWB de la ville de Berne abandonne à la fin de l’année la société Bären Haustechnik, acquise en 2006: est-ce un signe de changement?

Je trouve un peu risqué de conclure à un renversement de tendance à partir d’un seul exemple. Mais ce cas montre presque de manière exemplaire que la qualité souffre chaque fois que la concurrence fait défaut et que la compétition ne fonctionne pas. Et c’est la base de tout le problème dont nous parlons ici.

Gerhard Enggist

groupe parlementaire

«Le fairplay, ce n’est pas ça!»

Le groupe parlementaire «Le fairplay ce n’est pas ça!» a été lancé lors de la session d’automne. L’idée est que la politique nationale se penche enfin sérieusement sur la problématique et crée des garde-fous clairs afin de renforcer le rôle des PME, colonne vertébrale de l’économie.

Doté d’un large soutien, ce groupe peut compter sur les soutiens suivants: au Parlement en Suisse romande, on trouve Jean-Luc Addor (UDC/VS), Philippe Bauer (PLR/NE), Philipp Matthias Bregy (Le Centre/VS), Johanna Gapany (PLR/FR), Philippe Nantermod (PLR/VS), Beat Rieder (Le Centre/VS). La coprésidence du groupe est composée des conseillers nationaux Kurt Egger (Verts/TG), Jürg Grossen (PLR/BE), Lars Guggisberg (UDC/BE), Peter Schilliger (PLR/LU) et Elisabeth Schneider-Schneiter (Le Centre/BL) ainsi que du conseiller aux Etats Hans Wicki (PLR/NW).

Près de 30 autres membres du Parlement ont rejoint le groupe, dont le président de l’usam Fabio Regazzi (Le Centre/TI), la vice-présidente Daniela Schneeberger (PLR/BL) et Diana Gutjahr (UDC/TG), membre du Comité directeur. En

www.fair-ist-anders.ch

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