Publié le: 4 juin 2021

Quand les objets nous parlent

des choses – La nouvelle expo du Laténium à Neuchâtel donne envie de se confiner dans ce somptueux musée d’archéologie. Une invitation à retrouver la dimension narrative contenue dans les objets qui par chance nous sont parvenus. Dialogue entre science et art.

A voir absolument dans un bel écrin, cette nouvelle exposition du Laténium – qui a ouvert ses portes le 28 mai dernier. C’est peut-être l’une des vertus de cette période: déguster des bien culturels qui ont été parfaitement conçus et mûris... Reflets à partir des documents fournis par les responsables du Laténium.

Une présentation exceptionnelle

Cette nouvelle expositions met en lumière le caractère exceptionnel d’objets archéologiques déroutants, voire dérangeants, que leur singularité confine souvent au registre de l’anecdotique. Les objets présentés – provenant de 33 institutions réparties entre la Suisse, la France, l’Italie, l’Allemagne et la GrandeBretagne – nous ramènent à la banalité du quotidien de nos prédécesseurs, à leur intimité, voire à leur univers mental. Entre art et science, cette exposition vise un objectif clair: rendre compte du pouvoir narratif des objets archéologiques!

Un petit lot de sable blanc rapporté d’un séjour dans le Jura et retrouvé dans un village lacustre de l’âge du Bronze, une baguette d’if malhabilement taillée par un enfant pour jouer à l’arc il y a 5000 ans, une collection d’oursins fossiles réunie voici 3000 ans dont les formes ont inspiré la décoration de fusaïoles en terre cuite à l’âge du Bronze… Les pièces retenues pour l’exposition ne relèvent ni d’un thème précis, ni d’une culture particulière et encore moins d’une période spécifique – leur spectre chronologique s’étend du Paléolithique à l’époque contemporaine.

C’est le caractère exceptionnel et atypique de ces objets qui a conduit la commissaire de l’exposition et directriceadjointe du musée, Géraldine Delley, à les sélectionner à la suite d’un appel international lancé auprès de collègues archéologues et historiens.

Aux limites de l’interprétation

Loin de se contenter de l’émerveillement que peuvent susciter des objets rares et originaux, l’exposition «Des choses» vise à questionner la pertinence des catégories et des cadres analytiques dominants en archéologie. En d’autres termes, elle suit des pistes interprétatives séduisantes, qui obligent les archéologues à se confronter aux limites de la démarche scientifique.

Les objets sélectionnés ramènent bien souvent à la banalité du quotidien de nos ancêtres. Cela peut paraître paradoxal, mais il s’agit là d’une réalité courante en archéologie: de nombreux objets peuvent en effet être extrêmement rares et se rapporter à des réalités quotidiennes somme toute assez communes.

Dans bien des cas, ces pièces renvoient à des activités marginales ou encore mal circonscrites dans le champ de la recherche, soit parce que les traces matérielles manquent, soit parce que le sujet n’a pas retenu l’attention des archéologues. Selon un scénario égrenant douze secteurs thématiques, ces pièces singulières remémorent le parcours de personnes méconnues, réveillent le souvenir de pratiques cachées et ressuscitent des univers sensoriels oubliés. Mais l’exposition révèle aussi notre émerveillement immémorial pour le curieux et le beau, et questionne notre rapport au temps.

Scénographie poétique, immersive

Entre art et science, la nouvelle exposition du Laténium a réuni plusieurs artistes pour démultiplier les points de vue sur les objets exposés et enrichir les thèmes abordés. Scénographe, artiste visuelle, musicien et écrivain ajoutent des niveaux de lecture entre le propos archéologique et le public, sans trahir pour autant la réflexion scientifique. Adrien Moretti, scénographe de théâtre, a développé une mise en scène immersive, fonctionnant sur un modèle labyrinthique.

Cette scénographie laisse le spectateur libre de déambuler, de se perdre et de se retrouver à sa guise autour des objets et dans un monde organique, caverneux et romantique.

L’écrivain Eugène contribue par ses textes au développement de l’imaginaire, révélant la poésie des objets qui est au cœur du concept de l’exposition. C’est sous la forme d’un audioguide que l’on pourra découvrir ses récits fascinants, drôles, intimes et touchants. Les projections oniriques conçues par l’artiste visuelle Sophie Le Meillour invitent le public à visualiser l’accumulation des sédiments et la lente dégradation des matériaux.

Enfin, le musicien Julian Sartorius a développé des créations sonores qui interprètent à leur façon chacune des 12 thématiques de l’exposition. Les sons se superposent les uns aux autres, créant une œuvre sonore unique. Laténium

pour les publics

En marge de l’exposition, des visites guidées et des ateliers créatifs sont proposés aux adultes et aux enfants.

Porteur du label «Culture inclusive» et engagé à s’adresser au plus grand nombre, le Laténium a également développé des visites en langue facile à lire et à comprendre (FALC).

La programmation culturelle sera adaptée à l’évolution de la situation sanitaire et dévoilée progressivement sur le site internet du Laténium: www.latenium.ch/agenda.

«Des choses» est à voir au Laténium, à Hauterive (Neuchâtel) jusqu’au 9 janvier 2022.

L’exposition est bilingue français / allemand. Des illustrations de l’exposition sont disponibles au téléchargement sur le site Internet du musée.

Catalogue de l’exposition (à paraître le 30 juin): plus de 50 contributions de spécialistes internationaux ont permis la rédaction d’un ouvrage de 450 pages. Il propose un éclairage sur les objets de l’exposition par des récits accessibles à un public large. Prix de vente: CHF 25.

www.latenium.ch

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