Publié le: 9 avril 2021

Quelle analyse après ce rejet?

E-ID – Le «non» clair à l’identité électronique émise par des personnes privées prive la Suisse d’un progrès important. Il faut adopter rapidement de nouvelles approches, car les défis sont importants dans ce domaine.

Le 7 mars dernier, le peuple a dit non au projet e-ID à 64,3%. Le refus est donc clair. Il ne concerne pas cependant l’e-ID en soi, mais bien la gestion du projet par les entreprises privées.

«il n’y a rien de vraiment dangereux dans le projet refusé aux urnes.»

Les opposants ont brandi le spectre d’une accaparation des données par les entreprises privées qui auraient utilisé ces données pour des motifs de profit sans scrupule. Telle n’est bien entendu pas le cas. Les entreprises qui auraient mis le projet en place n’apporteraient que la technologie et le savoir-faire en la matière, alors que la Confédération aurait veillé au contrôle des données des personnes. Il n’y a rien de vraiment dangereux dans le projet refusé aux urnes. Surtout qu’un tel projet est déjà développé en Belgique sans problème quelconque.

Que s’est-il passé le 7 mars?

Il y a trois types de réponse qui peuvent éclairer le problème rencontrer avec l’e-ID. Premièrement, nous vivons dans un pays plutôt libéral qui a, depuis de longues années, insisté sur la protection de la sphère privée, notamment quand il s’agissait d’argent et du secret bancaire. Ceci est par ailleurs une bonne chose de pouvoir garantir que la vie des citoyens reste protégée. Avec cette mentalité, il est évident que faire planer le spectre d’une perte de la sphère privée ne pouvait que faire mouche auprès des citoyens. Surtout si les entreprises privées ne sont pas encore connues. Confier à des entreprises privées encore inconnues du public le management de l’e-ID semble poser un réel problème de conscience. Où vont aller mes données personnelles? Qui en assurera la protection? Des entreprises privées, oui mais lesquelles?

«un pays plutôt libéral qui a insisté sur la protection de la sphère privée.»

Deuxièmement, la transformation numérique est encore pour beaucoup de gens un phénomène récent. Même si on ne peut plus vraiment s’en passer, cela demande à chaque fois de la confiance de passer au numérique un nouveau domaine de nos vies. Le pas dans l’inconnu ne se limite pas aux entreprises privées mais aussi à une nouvelle techno­logie. Comment peut-on avoir une identité électronique? Comment pourrais-je être sûr que mon identité ne soit pas usurpée par des personnes malveillantes? Ne vais-je pas devenir le bouc-émissaire d’une cybercriminalité qui semble pouvoir frapper partout?

Troisièmement, la Suisse est historiquement connue pour sa volonté de maintenir le statu quo. La question face à l’e-ID devient, pourquoi devrait-on changer ce qui fonctionne bien et demander les services d’entreprises privées? L’Etat seul devrait continuer à délivrer ce service des documents d’identités.

Une question sur le privé

Comment est-il possible de répondre à ces problèmes de méfiance par rapport aux entreprises privées? Il est clair que ce sont les entreprises privées qui disposent du savoir-faire en la matière et que si la Confédération veut la développer d’elle-même cela prendra du temps. Trop de temps.

La solution serait de développer un partenariat public-privé pour le développement de la future e-ID, tout en laissant plus de supervision du travail à la Confédération. Une autre solution pour compenser l’incertitude des citoyens quant à la protection de leurs données personnelles serait d’installer de multiples postes de contrôle dans la mise en œuvre de l’e-ID. Pour finir, une commission externe et indépendante devrait réviser régulièrement le service de mise en œuvre de l’e-ID.

«la solution: développer un partenariat public-privé.»

De toute façon, le sujet doit être repris très rapidement, puisque sinon la Suisse va se retrouver à la traîne dans un domaine si important pour revitaliser notre économie domestique.

Mikael Huber, usam

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