Publié le: 15 janvier 2016

Quid de l’enregistrement du temps de travail?

L’invitée du mois

E  nregistrement du temps de travail: 
retour en arrière, progrès ou compromis? Les nouveaux articles 73a et 73b de l’Ordonnance 1 d’application de la loi sur le travail (OLT1) introduisent, à certaines conditions, des modalités simplifiées pour l’enregistrement du temps de travail. Ces 
dispositions sont entrées en vigueur le 1er ­janvier 2016. Elles sont le fruit de longues 
discussions entre les partenaires sociaux et le Conseil fédéral, représenté par le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Une Directive du SECO du 1er janvier 2014 prévoyait d’ores et déjà des solutions permettant de déroger quelque peu à l’obligation légale de l’enregistre­ment du temps de travail (1). Peu satisfaisante dans son application concrète, cette Directive a été remise en cause par les entreprises et leurs associations faîtières. Les 
dispositions modifiées de l’OLT1 constituent une réponse à ces revendications.

F   ondements. L’art. 46 de la loi sur le travail (LTr) exige un enregistrement intégral et détaillé de la durée du 
travail pour toutes les catégories de personnel, y compris les cadres. Seuls les cadres dirigeants, au sens de l’art. 9 OLT1 (2), échappent à cette obligation. Ces exigences 
et la catégorisation des employés qui en 
découlent ne correspondent plus à la 
réalité du monde du travail qui demande de plus en plus de flexibilité de la part des 
employeurs et des employés, notamment dans la perspective de permettre à ces 
derniers de concilier vie professionnelle et 
vie privée. Les nouveaux articles 73a et 73b de l’OLT1 permettront, dès le 1er janvier 2016, de recourir à un enregistrement simplifié de la durée du travail, voire de renoncer à tout enregistrement du temps de travail.

Renonciation complète à toute saisie de la durée du travail: une telle renonciation sera possible pour les travailleurs qui disposent d’une grande autonomie dans leur travail et peuvent dans la majorité des cas fixer eux-mêmes leurs horaires de travail (50% au moins des ces horaires doivent pouvoir être fixés librement par les employés concernés). En outre, seuls les employés dont le salaire annuel brut est supérieur à 120 000 francs, bonus compris, pourront renoncer à tout enregistrement de leur temps de travail. Par ailleurs, une convention collective de travail (CCT) devra prévoir ce régime. Cette CCT pourra être une convention d’entre­prise de branche ou de métiers, voire intersectorielle.

C   omme pour une convention collective classique, elle devra être conclue avec une ou plusieurs organisations ­représentatives des employés, c’est-à-dire avec un ou plusieurs syndicats (3). Une convention collective préexistante pourra être amendée avec des dispositions relatives à l’enregistrement du temps de travail. S’il n’existe pas de convention collective ou si les parties à une CCT préfèrent que la question relative à l’enregistrement du temps de travail soit traitée hors du champ d’application matériel de la convention, une CCT ad hoc peut parfaite­ment être conclue, aux seules fins de réglementer cette question. Enfin, les employés concernés par cette possibilité de renoncer à tout enregistrement de leur temps de travail devront, individuellement, communiquer à leur employeur leur accord écrit quant à cette renonciation. Cet accord devra être renouvelé chaque année. Malgré cette renonciation, l’employé restera libre de noter son temps de travail et ses horaires.

E  nregistrement simplifié de la durée du travail: à certaines conditions, seule la durée totale du travail quotidien pourra être enregistrée. Cela signifie que les employés concernés n’enregistreront que le nombre d’heures total d’heures de travail effectuées durant une journée, mais non les horaires d’arrivée, de départ et de prises de pauses. Les employés concernés sont ceux qui bénéficient d’une autonomie significative en matière d’horaires de travail, c’est-à-dire qu’ils peuvent déterminer eux-mêmes au moins 
25% de leurs horaires librement.

L’enregistrement simplifié du temps de travail nécessitera que l’employeur et les représentants - internes ou externes – des travailleurs ou, à défaut d’une telle représentation, la majorité des employés concluent un accord collectif à ce sujet. Toutefois, dans les entreprises comptant moins de 50 collaborateurs, l’employeur pourra introduire l’enregistrement simplifié de la durée du travail sur la base d’un accord individuel avec les seuls travailleurs concernés. L’enregistrement simplifié de la durée du travail ne sera pas possible en cas de travail dominical ou nocturne. Dans cette hypothèse, le début et la fin de la journée de travail devront être consignés en sus.

M  ême s’il est au bénéfice d’un système d’enregistrement simplifié du temps de travail, un travailleur pourra décider individuellement de documenter intégralement la durée du travail et les coordonnées temporelles de ce dernier. L’employeur devra alors mettre à disposition des employés un instrument approprié à cette fin. Le rapport explicatif du Secrétariat d’Etat à l’économie relatif à la révision de l’OLT1 (4) précise que «cet instrument doit être utile et ne pas représenter une charge excessive pour les travailleurs et les entreprises». De notre point de vue, une feuille Excel ou un système de time-sheet, destinés initialement à la facturation des heures travaillées, répondent à cette exigence, à condition qu’ils documentent toutes les heures, à savoir celles qui sont facturables et celles qui ne le sont pas.

E  n conclusion, le projet, qui partait d’une intention doublement louable, à savoir, adapter les contraintes légales aux exigences du monde du travail moderne tout en en visant la simplification administrative dont ont tant besoin nos entreprises, en particulier les PME, rate selon nous son objectif. Toutefois, le compromis, à défaut d’être progressiste, reste politiquement acceptable. Espérons qu’il sera concrètement gérable par les entreprises.

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que l’auteur.

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