Publié le: 6 juillet 2018

Redépart en blonde lager

brasserie – Avec BFM dans les Franches-Montagnes depuis 21 ans, Jérôme Rebetez et son 
équipe construisent une nouvelle usine. Sa stratégie pour croquer des parts de marché aux industrielles.

JAM: Sur quel projet travaillez-vous actuellement?

Jérôme Rebetez: Nous sommes en pleine construction d’une nouvelle usine. Elle sera située à 300 mètres de nos locaux, qui seront désormais affectés aux bières spéciales et à la boutique. L’usine s’étendra sur 2000 mètres carrés et devrait être prête cet été. Ce développement est nécessaire, car depuis quelques années, nous sommes en effet à la limite 
de la sous-capacité et ce durant la période qui s’étend de mai à 
septembre.

Voyant le marché évoluer, j’ai acheté du terrain sur un coup de tête et nous nous sommes lancés. Nous sommes actuellement en phase de montage des machines. Cela devrait nous permettre de doubler d’entrée la capacité de production, puis, par la suite, d’obtenir plusieurs fois la capacité actuelle. Cela prend beaucoup de temps, surtout si, comme je le fais, on vérifie tout et chaque détail!

 

Un tel investissement doit être conséquent?

Oui, mais j’estime que ce montant et les détails du financement ne regardent pas nos concurrents. Nous avons vraiment eu pas mal d’espionnage industriel ces derniers temps. Certaines personnes se mettaient à poser des questions vraiment un peu trop pointues à notre goût.

Que pensez-vous du nombre impressionnant de micro-brasseries, 884 inscriptions soit la plus grande densité au monde (1 pour 10 000 habitants)?

Que la plupart ne sont pas des brasseries! Ce sont des amateurs qui brassent le week-end avec quelques centaines de litres par année. À partir de 401 litres en effet, il faut payer la taxe sur l’alcool. C’est sympathique et cela favorise une certaine émulation. Pour le reste, on ne peut pas en parler comme des entreprises. Nous avons dans notre équipe de vrais maîtres brasseurs, je suis ingénieur en technologie alimentaire. Nous savons de quoi nous parlons. Il est devenu aujourd’hui plus facile de faire de la bière que d’ouvrir un salon de coiffure. C’est facile de faire du bullshit. Nous avons treize contrôles qualité avant que le produit n’arrive chez le consommateur.

De quoi vient le problème?

Quand on nous dit à La Chaux-de-Fonds que notre bière produite à 
20 km n’est pas locale, je rigole. Cette tendance à l’ultra localisation est relativement dangereuse. Dans de petites structures tenues par des amateurs qui ont vaguement appris deux trois trucs, un problème d’hygiène est vite arrivé. Le résultat, trois cents bouteilles fichues à l’ouverture – et souvent ils ne s’en rendent même pas compte!

Quelle est donc votre stratégie?

Sachant qu’effectivement nous réalisons la plus grande partie de nos ventes à partir de trois à quatre bières créées au cours des premières années, nous souhaitons fidéliser et éviter la fuite en avant consistant à créer toujours plus de nouvelles bières pour une clientèle de geek qui, par essence, n’est pas fidélisable. Notre nouveau cheval de bataille consistera à piquer des parts de marché aux grandes industrielles qui augmentent leur prix depuis 20 ans. Nous voulons une blonde entre 4 et 5% produite de manière artisanale.

Le rêve ultime, c’est quoi au point où vous en êtes?

Faire marcher le monstre auquel nous allons donner vie, cette nouvelle usine. Au-delà, mon rêve, c’est de faire changer les habitudes des gens, comme nous l’avons fait il y a 21 ans lorsque nous avons lancé BFM dans les Franches-Montagnes et qu’à l’époque, une seule personne voyait un avenir dans une brasserie locale. Là, ce que nous voulons, c’est que les consommateurs se disent: je vais dans ce bar parce que je sais où leur bière est faite. L’équivalent pour eux du choix entre le rosé fabriqué industriellement par le Cellier des dauphins ou le vin produit par de vrais vignerons de la région.

Interview: François Othenin-Girard

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