Publié le: 15 mai 2020

Romands en sortie de crise (II)

CORONAVIRUS – En mai, l’espoir est de retour chez certains entrepreneurs. Comment font-ils face?Après avoir été infectés, certains ont lancé de nouvelles entreprises ou projets. Ils se réjouissent de redémarrer!Merci à eux d'avoir pris le temps de répondre à nos questions et bonne chance pour la suite!

Nous leur avons envoyé quelques questions pour savoir où ils en étaient – durant cette phase de transition. Ils ont eu du répondant et ont mis du cœur dans leurs réponses, triant les bons aspects des heures pénibles. A mettre en évidence ce qu’il reste à faire. A nous parler d’un nouveau projet, d’une envie, voire d’une nouvelle direction. Certains ont été infectés et se sont remis.

C’est à ces forces vives des PME que nous aimerions rendre hommage à travers cette deuxième série de pages spéciales consacrés aux Romandes et aux Romands qui sortent de la crise. Dans un premier temps, nous indiquerons nos questions détaillées. Puis, nous passerons aux mots-clés.

Cédric Morel, Sensile Technologies. Télémétrie (gaz, pétrole et eau) dans le monde entier. Issue de l'EPFL et basée à Morges.

JAM: La première surprise passée, comment est-ce que cela se passe dans votre entreprise?

Cédric Morel: D’une manière générale, ça se passe bien!

Quels aménagements avez-vous mis en place?

Nos employés peuvent travailler depuis la maison pour la grande majorité. Pour les autres, ils viennent au bureau. Mais du coup, ils sont seuls dans leur bureau.

Comment voyez-vous la suite, les étapes prévues?

Pour l’instant, on ne change rien. Les employés qui préfèrent être au bureau peuvent revenir, les autres peuvent rester à la maison.

Comment voyez-vous le retour à une situation «plus normale»?

Pour l’instant, c’est très difficile de prévoir comment nous allons gérer ce retour, car il y a encore beaucoup d’inconnues. On observe comment font les autres entreprises et nous sommes très flexibles.

Comment la crise du Coronavirus affecte-t-elle exactement la structure?

Aucunement.

Sur une Ă©chelle de douleur de 1 Ă  10, oĂą en ĂŞtes-vous du point de vue entrepreneurial?

Deux sur dix.

Comment les différentes parties de l’entreprise sont-ils affectés?

Principalement la vente, car on ne peut visiter de clients. Les expositions que nous avions prévues ont été annulées. Nous avons aussi quelques soucis de logistique pour obtenir du matériel de nos sous-traitants ou les envoyer à nos clients aux quatre coins du monde.

Comment gérez-vous les relations avec les clients et les fournisseurs?

Par vidéoconférence, c’est plus efficace, car cela implique moins de voyage. Et même si ce n’est pas aussi satisfaisant, car il manque le côté humain de la relation.

Chaîne d’approvisionnement: comment est-elle affectée?

Certains de nos sous-traitants ont arrêté leur production, mais nous avions encore assez de stock donc quelques livraisons en avril ont pu être encore réalisées. Le mois de mai devrait nous permettre de rattraper le retard, car l’entrée de commandes ne s’est pas arrêtée. Nous n’avons en fait pas de restrictions quant aux produits que nous livrons. Il s’agit plutôt de savoir si nos sous-traitants travaillent encore. Ou s’il existe encore des avions pour livrer nos clients hors Europe.

Les conséquences?

Nos délais de livraison sont un peu plus longs que d’habitude. Pas grand-chose à faire que de prendre son mal en patience.

Y a-t-il eu des licenciements?

Non et il n’y en aura pas.

Du chĂ´mage partiel?

Nous avons fait la demande pour deux employés, mais n’avons pas utilisé cette option à ce stade.

Une aide à la liquidité?

Nous avons les liquidités suffisantes pour nous permettre de traverser cette crise sans soucis.

Un commentaire personnel?

On remarque que dans situations comme celles-ci on peut vraiment compter sur nos employés pour faire le maximum et être efficace. Et je leur en suis très reconnaissant.

Claude Romy. Serial entrepreneur Ă©tabli dans le canton de Vaud.

Comment vivez-vous cette situation de reprise progressive?

Je suis très content que la vie professionnelle reprenne. Enfin! Que les commerces s’ouvrent, que les réunions de travail soient à nouveau possibles. Ayant moi-même été contaminé par le Covid19, j’ai vécu une semaine vaseuse vers fin mars (fièvre et douleur), mais je suis à nouveau en pleine forme.

Comment vous organisez-vous?

A mi-mars, les réunions avec des clients ou investisseurs sont devenues impossibles à cause des restrictions de voyage, de réunions. Les contacts ont été poursuivis, mais les télé-conférences ont leurs limites. On ne peut pas généraliser le télé-travail. Dans mon cas il répond à environ maximum 30% de mes activités professionnelles, faites de négociations, de rencontres, où il faut se voir pour convaincre.

Qu’avez-vous appris jusqu’ici?

Qu’il faut rester humble face à la nature, je le savais déjà, mais cela me l’a rappelé. Que l’on ne peut pas tout prévoir, contrôler. J’ai aussi appris à être un peu plus patient, en faisant pour la première fois de ma vie la queue dans un grand magasin. J’espère que je me rappellerai durable­ment de ces sentiments pour changer ma manière d’être à l'avenir.

Et sur la plan entrepreneurial?

A l’âge de 57 ans, après avoir cédé en 2015 Dimension SA l’entreprise créée en 1994 et mis en place une équipe de jeunes dirigeants, je commence une nouvelle aventure professionnelle en solo «au pire moment». Contaminé fin mars 2020 par le Coronavirus, guéri après une grosse grippe, je me lance dès mai 2020 dans une nouvelle entreprise professionnelle avec l’enthousiasme d’un start-upper. Il n’y a pas pire moment pour lancer une nouvelle entreprise, www.romymanagement.ch, dans un marché aussi compli­-qué, mais cela me stimule énormément.

Christoph Meier, Fribourg.

Serial entrepreneur. Dont la société Rondechute Sailbags, remise.

«Cette période actuelle, mais qui, espérons-le, sera bientôt révolue, a été une véritable montagne russe émotionnelle.»

«Une phase initiale extrêmement mouvementée, qui a exigé une concentration totale sur les ressources disponibles. Pas seulement sur le plan économique, car soudain les crèches sont fermées et les grands-parents sont ‹out of order› et vous vous surprenez à essayer de formuler votre argumentation de manière convaincante au téléphone avec un partenaire commercial, pendant que vous portez un enfant dans les bras et un autre qui se tient à la jambe de votre pantalon.»

«Heureusement, nous sommes chez Product DNA sur un marché digital très orienté vers l’avenir et nous pouvons poursuivre notre travail sans obstacles majeurs. Bien que la flexibilité soit un état d’esprit, elle doit bien sûr aussi être transférable au monde réel. Pendant la quarantaine, nous avons même déménagé tous nos bureaux. Mais pour le moment, nous travaillons tous à distance, nous parlons au téléphone pendant des heures et nous nous asseyons ensemble dans nos salles de Zoom et de Skype. Et voilà, notre nouvelle plate-forme de traçabilité sera mise en ligne ces prochains jours.»

«En même temps, j’ai développé avec un bon ami (Nicolas Frey, ancien fondateur de DAHU Sports) un nouveau produit qui devrait apporter un certain soulagement dans la crise actuelle. A la recherche du sac parfait – j’ai un certain attachement pour les sacs, avant je travaillais pour Rondechute Sailbags – nous avons expérimenté le tricot en 3D et sans plus attendre, nous avons mis au point un masque respiratoire avec filtre anti-virus qui est en cours de production en ce moment.»

«Ainsi, bien que la crise soit un événement très dramatique, elle encourage également l’innovation et l’esprit entrepreneurial.»

Anne-Catherine Schneiter.Les Ateliers de la CĂ´te, Etoy.

«Nous nous préparons conformément aux directives des autorités, à ouvrir à nouveau le centre dès le 11 mai prochain. Nous ne pourrons toutefois organiser d’événements dans nos salles, ni louer ces dernières à des groupes. C’est donc plutôt une ouverture qui encouragera les tenants des ateliers. Ces derniers pourront recevoir des visiteurs, des patients ou des clients en respectant eux aussi les normes édictées. Nous vivons donc ces instants au ralenti, au jour-le-jour, sans euphorie.»

Organisation: «Nous avons prévu des désinfectants là où il faut. Nous mettrons notre réceptionniste derrière un plexi. Et bien sûr, nous retirerons des tables et des chaises de notre cafétéria pour limiter le nombre de places assises.»

Elle a appris: «Nous avons pu constater que plusieurs clients qui avaient réservé des places de spectacles ou de concerts ont décidé d’abandonner toute idée de remboursement au profit des organisateurs de ces spectacles. Donc, certains sont capables de générosité et ont un esprit de soutien. D’autres ne peuvent évidemment se le permettre. Nous avons constaté que plusieurs artistes du centre se sont brillamment adaptés à la crise en créant de belles idées, de nouveaux produits ou des modes d’enseignement et de communication nouveaux pour eux.»

«Nous avons appris que les autorités nous ont proposé une aide qui en vérité n’en est pas vraiment une, puisque nous avons été encouragés à nous endetter encore davantage. Sans intérêt? Pas sûr! Mais nous avons accepté le prêt pour pouvoir soutenir financièrement les acteurs du centre qui en ont le plus besoin (prêt garanti sans intérêt de notre part).»

Elle retiendra: «A titre personnel, je pense que cette crise, ou plutôt j’espère que cette crise verra le public prendre le chemin du commerce local et équitable. J’espère que le prétexte du virus ne sera pas l’occasion pour les puissants de nous manipuler davantage, mais qu’il se limitera à être un outil pour réveiller les consciences de chacun/e. Plus pratiquement en ce qui concerne Les Ateliers de la Côte, j’espère que les couturières pourront plus que jamais, réparer, relooker, créer, que le bijoutier recevra tant de commandes pour transformer d’anciens bijoux, etc. J’espère que le sableur et le décorateur ne sauront plus où donner de la tête pour réparer et relooker d’anciens petits meubles, etc. Bref, je mets mon espoir dans un changement venu d’une prise de conscience du plus grand nombre vis-à-vis de notre mode de consommation.»

«Je crois aussi qu’en ce qui nous concerne, la réouverture sera reportée en septembre pour les événements. Je pense qu’à ce moment-là nous devrons faire face à beaucoup de demandes, car le public voudra sortir et se divertir à nouveau.»

Propos recueillis par François Othenin-Girard

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