Publié le: 15 mai 2020

Romands en sortie de crise (III)

CORONAVIRUS – Dans toutes les branches, les concepts de protection foisonnent avec certaines réouvertures. A l’heure où arrive enfin cette détente, les entreprises, petites et grandes, commencent à se ressaisir – après ce choc dantesque.

De la grande Fédération horlogère à la non moins fameuse boulangerie Cornu de Champagne, nous leur avons demandé encore et encore, comment se réorganisait la vie durant cette période chahuté. Ils nous ont parlé de leurs stratégies, des nouveaux mondes qui s’offraient à eux. Des espoirs renaissants ou de leur scepticisme croissant.

Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération horlogère (FH), Bienne.

Dans le monde de l’horlogerie, les entreprises souffrent et leurs sous-traitants également. Comment leur association faîtière vit-elle ces temps difficiles?

«La Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH), sise à Biel/Bienne, qui occupe une quarantaine de personnes, a bien évidemment pris des mesures d’organisation commandées par les circonstances comme pratiquement toutes les entreprises suisses. Elle a offert la possibilité de recourir au télétravail sur une base volontaire. La grande majorité du personnel y a eu recourt, principalement pour des raisons familiales (garde des enfants), pour éviter les transports publics et pour des motifs individuels (personnes à risque). Quelques collègues ont continué de venir régulièrement au bureau et d’autres y sont venus de manière sporadique. Faisant les courses à pied et vu le peu de personnes dans les bureaux, j’ai estimé que le risque était limité et j’ai égale­ment poursuivi mon activité au bureau.»

«Le côté amusant c’est que nous étions en pleine réflexion en ce début d’année sur l’opportunité d’introduire le télétravail à la FH. Nous avons été rattrapés par les événe­ments et avons dû réagir très vite pour équiper le personnel et l’instruire de manière adéquate. Nous pourrons à tout le moins recueillir une foule d’expériences pour prendre une décision de principe et fixer un cadre. En tous les cas, le télétravail a permis à la FH de poursuivre son activité dans de relatives bonnes conditions au vu des circonstances. Le système a fonctionné, aussi car le personnel a fait preuve de flexibilité et d’engagement.»

«Toutes les séances et les visites ont été annulées, à de rares exceptions près. Cela donne une impression bizarre, ce silence, ce vide, alors que d’habitude il n’y a pas un jour sans visiteur à la FH. Certes les contacts ont été maintenus par la voie digitale. Avec une réception fermée, les appels ont pu être traités au domicile des réceptionnistes.»

«Le climat est morose»

«L’horlogerie suisse est affectée bien évidemment avec des exportations et des ventes en forte chute. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où pratiquement tous les commerces du monde ont été fermés à un moment ou à un autre. Le digital peut suppléer, mais en partie seulement. En plus, la montre est un produit émotionnel et les consommateurs sont moins enclins à acheter lorsque le climat est morose. L’arrêt du tourisme pèse aussi sur nos ventes qui sont importantes dans les duty free et les sites touristiques.»

«Pour l’heure, il n’est pas possible de chiffrer les conséquences, car elles vont dépendre de la durée et de l’ampleur de cette pandémie. Pour la suite, nous restons confiants dans l’avenir de l’horlogerie suisse, dans sa résilience aussi, car il s’agit d’une crise conjoncturelle et non pas structurelle. La branche va repartir au fur et à mesure des ‹déconfinements› dans le monde, en espérant que ce soit le plus vite possible, mais nous ne maîtrisons pas le calendrier.»

Cyril Cornu, Cornu SA, Champagne

(secteur de la boulangerie).

Situation générale. «Nous avons su gérer la situation avec suffisamment d’anticipation et n’avons pas connu de gros soucis d’absentéisme ou contagion au sein de notre entreprise. Les gens ayant toujours besoin de manger, notre carnet de commande n’a pas diminué et nous pouvons continuer de manière normale, tout en respectant de nouvelles normes de sécurité.»

Aménagements. «Nous avons installé un contrôle des températures de chaque personne prenant son poste, des masques et des visières sont à disposition des gens qui souhaitent en porter. Nous avons également adapté nos locaux de travail, bureaux et salle de pause afin de permettre à nos collaborateurs de respecter les distances réglementaires.»

Sortie de crise. «C’est impossible à dire pour nous, nous n’allons faire que suivre les recommandations du Conseil fédéral. Nous avons la forte impression qu’un retour à la normale ne sera possible qu’avec la découverte d’un vaccin ou d’un remède efficace. Nous n’avons malheureusement aucune influence sur ce sujet.»

Entrepreneuriat. «Notre structure n’est que peu touchée par le virus actuellement, si ce n’est la chaîne d’approvisionnement de nos ressources (matières premières, emballages etc.) qui est de plus en plus compliquée.»

Clients et fournisseurs. «Nous n’avions que peu de rendez-vous avec nos clients et fournisseurs avant la crise, donc la situation n’a pas beaucoup changé.»

Gilbert Sonnay, Sonatec Suisse, Lucens. Inventeur: traitement de l’eau.

Situation. «Nous avons très rapidement fait le point de la situation et dès que nous étions orientés, d’une part sur les exigences sanitaires du confinement et d’autre part sur les subventions mises à disposition pour les entreprises, nous avons pris les dispositions nécessaires.»

Aménagements. «D’abord, la décision de mettre tous les collaborateurs au chômage partiel à 50% en leur garantissant leurs salaires à 100%. Puis, la réorganisation des espaces et du nombre d’employés pour le bureau ou pour l’usine.»

Suite. «Comme nous sommes une entreprise qui n’a pas été obligée de fermer totalement, nous avons pu continuer à faire les installations déjà commandées par les clients et quelques révisions des installations antérieures. Mais il est vrai que très vite, nous avons eu des annulations et des refus d’aller chez les personnes où il était prévu de faire les entretiens annuels ou les instal­lations. Ainsi nous avons profité pour ré­aménager l’organisation des cahiers des charges des collaborateurs.»

Entrepreneuriat. «Compte tenu de la situation et comme les collaborateurs ont depuis toujours beaucoup de polyvalence entre les départements administratifs bureautiques/technique et collaborateurs de la fabrication et collaborateurs du service entretien, nous avons très rapidement organisé et harmonisé les demandes en cours et les ventes effectuées par nos franchisés.»

Clients, fournisseurs. «Pour le moment nous avons suspendu les entretiens annuels chez nos clients. Nous n’avons pas eu de problèmes pour s’approvisionner chez nos fournisseurs principaux. La seule chose qui présente un retard important et nous pose problème, c’est les entretiens annuels des installations effectuées ces dix dernières années. Mais depuis peu, ce sont les clients qui nous appellent pour pouvoir effectuer ces révisions.»

Import-Export. «Nous avons pu être livrés sans trop grosses difficultés, avec toutefois, un délai un peu plus lent. Pour l’export, cela a plutôt eu un effet bénéfique, car les gens passent plus de temps sur le net à la recherche de solutions de traitement d’eau. Nous avons par conséquent plus de demandes et quelques ventes supplémentaires.»

Chômage partiel. «Oui, dès le départ, nous avons obtenu un avis favorable pour le chômage partiel à 50% dès le 23 mars 2020 pour la totalité des employés, soit six personnes.»

Aide/liquidités. «Oui, nous avons obtenu le 10% du chiffre d’affaires de l’année passée pour les deux sociétés.»

Commentaire. «Nous avons hâte que cela revienne à la normale, sinon dès la mi-juillet, ça deviendra un gros problème.»

Jean-Claude Durgnat, photographe indépendant. Suivi après la présentation dans l’édition précédente.

Reprise progressive. «C’est vraiment le terme approprié; c’est très, très calme. En effet, j’ai pu redémarrer entièrement mon activité, mais je suis en décalage complet avec mes clients qui eux rouvrirons dès le 11 mai.»

Organisation. «Pour l’instant, je ne m’organise encore pas trop. J’ai des contacts réguliers avec certains clients qui préparent leur reprise et, du coup, je vais devoir m’adapter à leur organisation. Pour le studio, après le parcours du combattant afin de trouver en suffisance le gel et les masques, la réouverture a pu se faire sans problème; mais il est vrai que je ressent une certaine appréhension de certaine personne de venir au studio.»

Il a appris. «Mis à part les problèmes de traduction pour l’oreiller de paresse et que les banques n’étaient pas Pestalozzi, comme il a été dit assez maladroitement par des conseillers fédéraux, la vraie bonne surprise, c’est qu’il y a des gens formidables! Des clients se sont décarcassés pour me trouver des petits mandats, soit que j’ai pu faire seul dans mon studio, soit m’ont confié les clés de leur établissement. Enfin, à ce jour il est encore trop tôt pour faire un bilan de cette expérience. Je pense que cela pourra se faire à l’automne. Malgré le sentiment d’avoir, en tout cas dans mes clients, une attitude assez positive et une volonté de reprendre rapidement le travail, est-ce que les investissements vont se faire, tel est la question!»

Propos recueillis par

François Othenin-Girard

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