Publié le: 12 août 2022

«Start-up, quel terreau fertile!»

CONSEIL FÉDÉRAL – Lors des Journées romandes des arts et métiers à Champéry (JAM 07), le conseillerfédéral Guy Parmelin a répondu à de nombreuses questions du public en marge de son allocution sur lesconditions cadres, la fiscalité, les fonds d’aide aux jeunes pousses et la formation. En voici un reflet.

JAM: Pour le Conseil fédéral, qu’est-ce qu’une start-up?

Guy Parmelin: C’est une bonne idée qui doit procéder à la création d’une entreprise. Une bonne idée doit être concrétisée, il faut trouver le financement pour le démarrage. Sur ce point, cela va relativement bien dans le pays. Ensuite, il y a toute la phase de développement qui exige beaucoup de liquidités. En Suisse, c’est cette deuxième partie qui s’avère plus difficile. Et pour moi, une start-up est une bonne idée qui, une fois réalisée, contribuera à la prospérité de notre pays.

La loi sur l’allègement des coûts de la réglementation pour les entreprises et les dispositions qui prévoient sa mise en place vont-elles apporter un espace favorable à l’esprit d’entreprise?

Il faut être clair. Au début, le Conseil fédéral n’y était pas favorable. Il y a eu de fortes résistances, nous avons ensuite retravaillé le dossier. À la base, il y a deux motions, l’une de la conseillère nationale Sandra Sollberger (UDC/BL). Lors de la consultation du projet, l’accueil a été favorable. Nous préparons le message qui sera transmis au Parlement d’ici la fin de l’année.

L’autre motion émane du groupe PLR et propose ce frein à la réglementation: cela nécessitera une modification de la Constitution fédérale et là, les résultats de la consultation sont plus mitigés. Certains cantons et organisations y sont opposés. Mais je crois que lorsque le Conseil fédéral aura adopté le message, c’est au Parlement de faire son travail et de dire ce qu’il veut garder, ce qu’il veut changer ou supprimer.

Sur le soutien à la recherche qui concerne les projets de niveau académique. Ne faudrait-il pas encourager la recherche pour les entreprises en dehors de cette sphère académique?

On essaie de tout faire. Regardez comment Innosuisse s’est développé. Lors de la transformation de la Commission sur la technologie et l’innovation (CTI) en Innosuisse, il y a eu un peu de flottement. Mais les retours dont je dispose maintenant par rapport à l’engagement d’Innosuisse, aux conseils qu’ils amènent sont très positifs. Par exemple pendant la crise sanitaire, quand nous avons pu offrir le coaching d’Innosuisse dans le cadre d’un financement de projets de start-up. Beaucoup de cantons ont alors eu recours aux prestations offertes par Innosuisse pour évaluer les projets et déterminer ceux qui avaient une chance.

Tout ce qui est innovation mérite d’être soutenu, mais l’un de mes grands soucis actuellement, c’est de voir combien il y a de projets et à quel point la demande est forte. Et aussi de voir que les moyens à disposition commencent à arriver aux limites. L’époque que nous vivons sur le plan financier, avec les problèmes budgétaires qui se dessinent, ajoutés aux limites que j’entrevois en raison du frein à l’endettement, ne nous facilitent pas la tâche. Et quand on est dans cette situation ce sont toujours des dépenses faiblement liées qui sont touchées en premier: or, parmi elles, on trouve la recherche, l’innovation, l’agriculture, la défense et l’aide internationale au développement.

Une question sur la réforme fiscale de l’OCDE. Quel est le risque qu’elle soit mise en œuvre en Suisse et quels sont les risques pour les PME et le développement du tissu économique local?

Les risques sont grands si elle n’est pas mise en œuvre en Suisse – je crois qu’il faut être clair. Là, on risque de perdre de la substance au profit de l’étranger. Le Conseil fédéral a adopté les axes de cette réforme. Il faudra changer la Constitution pour qu’elle puisse entrer en vigueur au début 2024. En fonction du vote populaire obligatoire en 2023, il faudra décider d’une ordonnance basée directement sur la Constitution et ensuite, dans une phase ultérieure, concrétiser et finaliser l’affaire par une loi. Il faudra encore voir ce que le Parlement en fera. C’est quand même dans l’intérêt général du pays. On a vu que certains ont commencé à faire monter les enchères pour tirer la couverture un peu plus ici ou là – 25 % des recettes provenant de l’impôt complémentaire sont maintenant prévues pour la Confédération, 75 % pour les cantons. Mais le vrai débat aura lieu au Parlement. Le Département des finances a bien construit la base du projet pour que le Parlement puisse tout décider en connaissance de cause.

Que faut-il penser de la rupture des négociations (accord cadre) et les conséquences pour les PME actives à l’étranger?

Le Conseil fédéral a dû se livrer à une pesée d’intérêts. Mais il était aussi parfaitement conscient que cela pouvait avoir des effets négatifs pour l’économie. Pour ce qui relève des négociations avec l’UE, le Conseil fédéral a maintenant ficelé son paquet pour relancer les discussions avec l’UE. Le Conseil fédéral est prêt à discuter et à faire des propositions à l’UE.

Le Conseil fédéral a annoncé la proposition de création d’un fonds public destiné aux start-up et aux scale-up. Comment imaginez-vous les contours de ce futur fonds et comment le concilier avec le Swiss Entrepreneurs Funds pour les start-up et les PME, créé par votre prédécesseur Johann Schneider-Ammann et qui semble poursuivre les mêmes objectifs ?

La question est justifiée. Le Conseil fédéral a pris cette décision dans un contexte global. C’est une décision de principe, nous voulons poursuivre l’analyse, l’étude des questions de financement. À un moment donné, la question s’est posée de savoir si nous voulions faire un fonds uniquement pour la décarbonisation. Mais nous avons voulu faire un fonds neutre, agnostique, mais qui naturellement met l’accent sur différents aspects: décarbonisation, numérisation, etc. La principale difficulté, c’est de ne pas faire une politique industrielle ciblée précise – pour se rendre compte cinq ans après qu’on n’a pas les bons instruments ou qu’on a pris une mauvaise direction. Nous devons donc approfondir le tout d’ici début 2023 avec les aspects financiers.

C’est clair qu’il faut aussi regarder les fonds, qui existent déjà: quelles sont les expériences faites. Il faut éviter de faire des doublons. Mais je dois être très clair: début 2023, le Conseil fédéral décidera s’il poursuit l’exercice, ou s’il l’interrompt. Nous avons aussi analysé ce qui se fait en Belgique, aux Pays-Bas et dans d’autres pays où il y a des éléments plutôt intéressants. Suite à la réforme fiscale de l’OCDE et du blocage avec l’UE, certains de nos atouts risquent d’être sous pression. Il faut donc en développer de nouveaux. Dans d’autres pays concurrents, on soutient massivement les start-up à un stade de scale-up. Il faut essayer de développer de nouveaux atouts – mais sans faire n’importe quoi, bien sûr!

En parlant de décarbonisation, quel sera le futur soutien du Conseil fédéral aux start-up pour la restauration de la biodiversité?

Vous abordez ici quelque chose d’extrêmement vaste. Dans ces différents projets que nous avons sur la table, il y a des aspects qui émargent également au département de ma collègue Simonetta Sommaruga, comme la biodiversité. Un contre-projet à l’initiative biodiversité est en cours d’élaboration. Je pense que c’est dans ce cadre-là que ce thème sera concrètement adressé. Le fonds, s’il voit le jour, ne sera pas exclusivement focalisé sur un thème: on voit bien que dans certains pays, des fonds ont échoué parce qu’ils avaient misé sur la fausse technologie ou une fausse direction.

C’est là tout le défi. Mais vous connaissez la tradition de la Suisse. Un: on ne fait si possible pas de politique industrielle. Et deux: on préfère les démarches qui partent du bas, bottom-up, plutôt que top-down. Il faut être très prudent avec ce que l’on va faire. Pour un tel fonds, on ne veut pas trop se lier les mains avec tel ou tel axe ou technologie. Une telle rigidité pourrait nous empêcher d’aider des projets qui sont tout à fait acceptables.

Sur les talents, une force de la Suisse réside dans sa formation duale. Dans le contexte d’un renforcement des start-up dans le tissu économique, comment continuer à assurer une adéquation entre le développement des start-up et la formation professionnelle?

Le monde du travail concerne la Confédération, les cantons et les associations professionnelles. On a mis au point ce projet «Formation professionnelle 2030» auquel nous travaillons pour essayer d’identifier les améliorations possibles. Un des défis que nous avons, c’est l’évolution rapide des technologies. Là où nous faisons un plan d’étude à dix ans, une fois que nous avons enfin mis tout le monde d’accord et que l’encre n’est pas sèche, il faut déjà réorienter le tout parce que la technologie va plus vite. Il ne faut pas jouer sur l’opposition entre le monde académique et le monde professionnel.

La recherche de talents venant d’État-tiers. Quels sont les changements de loi prévus pour assouplir la situation?

Je dois rappeler l’existence d’une motion Dobler qui exige que l’on soit moins rigides face aux gens qui viennent faire des études en Suisse. Cela est en train de se mettre en œuvre dans le département de ma collègue, Karin Keller-Sutter. Pour la suite, notre Constitution fixe certaines limites. Mais un des gros problèmes ici et en Europe, c’est le vieillissement de la population et le fait que les forces de travail dynamiques se raréfient. On en voit les effets et le Conseil fédéral, tout comme le Parlement, sont préoccupés. Certaines mesures sont déjà en route.

Propos recueillis par François Othenin-Girard

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