Publié le: 10 août 2018

Terminons ce chantier!

réforme FISCALe pf 17 – Rien n’est joué d’avance. Il y a fort à parier que le Conseil national modifie encore le paquet accepté par les États en automne.

Petit retour en arrière. La Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États a concocté en mai dernier un paquet mélangeant fiscalité des entreprises et AVS. Si le mélange des genres en a surpris plus d’un, presque tout le monde s’accorde sur l’urgence de traitement du dossier et la pression internationale. Le Conseil des États avait approuvé le 7 juin 2018 le paquet PF 17-AVS par 34 voix contre 5.

«Rien que le nom de la réforme fiscale prête à confusion.»

Depuis ce printemps, le paquet de la CER-CE, baptisé loi sur la Réforme fiscale et Financement de l’AVS (RFFA) – et non plus PF 17 – prévoit une compensation de l’impact social dans le cadre de l’AVS, en augmentant notamment les cotisations salariales.

Le paquet RFFA n’est pas complexe, il est super complexe. Rien que le nom de la réforme fiscale prête déjà à confusion. La RIE III, qui a échoué en votation, a été renommée PF 17, puis désormais RFFA. Pour que cette réforme fiscale soit gagnante, il faut impérativement tenir compte des trois problématiques suivantes (la troisième figure en encadré).

 

1e problématique: imposer les dividendes: ne pas baisser la garde!

Le dispositif global RFFA approuvé le 7 juin 2018 par le CE tient clairement compte des exigences de l’usam et y répond plutôt positivement. L’augmentation de l’impo­sition partielle des dividendes se fait essentiellement au niveau fédéral, ce qui préserve une certaine autonomie fiscale pour les cantons.

Pour l’usam, l’idéal serait d’avoir le statu quo, chaque canton fixerait librement le taux d’imposition partielle des dividendes. Au niveau cantonal, le paquet prévoit une augmentation de l’imposition partielle des dividendes fixée au minimum à 50%. C’est une bonne nouvelle, puisque les acquis de la RIE II ont été plus ou moins préservés.

Toutefois, ne crions pas victoire trop vite! Le Conseil national devra encore se prononcer sur le paquet RFFA et donc sur l’imposition partielle des dividendes. Un revirement de situation n’est donc pas à exclure. La prudence s’impose…

2e problématique: financer l’AVS: oui, mais avec la TVA!

Si une compensation sociale doit être faite pour des raisons politiques, il est beaucoup plus logique qu’elle se fasse dans le cadre de l’AVS plutôt que via l’augmentation des allocations familiales. Tôt ou tard, la question du financement supplémentaire de l’AVS se posera de toute façon. Lier la révision de l’AVS au PF 17 n’est a priori pas opportun.

Sur la base d’une recommandation faite par l’usam, la Commission des finances du National (CdF-N) préconise une hausse de la TVA plutôt qu’un relèvement des taux de cotisation salariale. Le projet RFFA est urgent et vital pour la place économique suisse, il faut donc lui donner toutes ses chances de réussite d’aboutir sur le plan politique.

«Dividendes: l’idéal serait d’avoir un statu quo.»

À présent, c’est à la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national de se pencher sur la question. Va-t-elle privilégier la version du Conseil des États, soit celle qui prévoit une augmentation des cotisations salariales, ou fera-t-elle preuve d’audace avec la TVA?

Nous choisirions une hausse modérée de 0,3% de la TVA. Pourquoi? Très simple­ment, parce qu’une hausse modérée de la TVA permettrait de couvrir le finance­ment de l’AVS dans une même proportion que via la hausse des cotisations salariales.

Cela étant, la probabilité qu’un referendum soit déposé est très forte, il apparaît alors légitime dans ce contexte de permettre au peuple de se prononcer sur l’une des plus importantes réformes, et donc, sur une hausse de la TVA. La hausse de la TVA ne se ferait que si le paquet RFFA devait être accepté par le peuple et les cantons. De plus, l’option de la TVA permet une plus grande marge de manœuvre dans la réforme de la LPP.

Prévoir comme seule mesure l’augmentation du taux de cotisation dans ce paquet comporte le risque de ne pas opérer rapidement une autre réforme de l’AVS et de la LPP. La preuve en est, le projet de consultation AVS 21 du 28 juin 2018 prévoit des mesures (hausse de la TVA de 1,5% et mesures de compensation relatives au relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans trop importantes) qui ne feront que repousser la mise en œuvre d’un deuxième train de réformes sur le calendrier politique. Une réforme rapide de la LPP s’impose également et un abaissement du taux de conversion minimal est inévitable.

Alexa Krattinger, usam

Et la péréquation!

Correctifs inévitables

Aujourd’hui, dans la péréquation des ressources, le facteur bêta est en vigueur. La suppression des régimes fiscaux cantonaux nécessite une adaptation concernant essentiellement la pondération des bénéfices des entreprises dans le potentiel de ressources. La suppression des régimes fiscaux spéciaux implique la suppression du facteur «bêta», d’où l’apparition d’un nouveau facteur («zêta»).

Rien de nouveau sous le soleil! La RIE III prévoyait déjà un facteur «zêta». Ce qui est nouveau, c’est la prise de conscience! Tout le monde s’est concentré sur une multitude de problématiques (dividendes, NID, patent box, apport en capital, allocations familiales, puis augmentation des cotisations salariales etc). Mais qu’en est-il de la péréquation financière et des implications du PF 17 sur cette dernière?

Le facteur «zêta» est nécessaire, nous ne le remettons pas ici en question. Mais, la fixation de ce dernier mérite qu’on s’y attarde. Sans ce facteur, tous les bénéfices des personnes morales, y compris ceux des anciennes sociétés à statut fiscal cantonal, seraient pris en compte à 100% dans le potentiel de ressources, comme les revenus des personnes physiques. Ceci n’est pas sou­haitable! Le facteur «zêta» permet de tenir compte de l’exploitation plus restreinte du potentiel fiscal des entreprises par rapport aux revenus des personnes physiques. Cette adaptation respecte le principe de base de la péréquation des ressources.

Les facteurs «zêta» sont déterminés à l’échelle nationale et s’appliquent donc uniformément à tous les cantons. Il y aura des changements pour certains cantons receveurs et donneurs: il n’est pas possible de dire avec certitude si des cantons verront leur indice légèrement augmenter ou légèrement diminuer. Une forte hausse de l’indice est attendue dans les cantons de Zoug, de Schwyz, de Genève, de Vaud, de Neuchâtel et de Schaffhouse (les 3 derniers devien­dront des cantons à fort potentiel de ressources avec le PF 17 et devront verser plus de contributions).

Selon des calculs reposant sur le droit fiscal en vigueur, le facteur «zêta» se situerait actuellement en dessous de 40%, soit près de 35%. La mise en place d’un facteur «zêta» permettrait d’alléger le poids des impôts sur les bénéfices des personnes morales, mais fixé à près de 40%, l’incitation des cantons receveurs ne serait pas assez forte pour qu’ils régularisent leur situation et deviennent contributeurs. Or, pour permettre aux cantons de réaliser des marges positives grâce à l’implantation de nouvelles entreprises et pour les inciter à investir en ce sens, il conviendra de diviser par deux le facteur «zêta» prévu.

(Kr)

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