Publié le: 12 août 2022

Tirer le frein face à l’inflation

macro – Si la Suisse n’expérimentera probablement pas autant de pressions inflationnistes que ses voisins, c’est plutôt le taux de change qui va finir par augmenter, analyse Mikael Huber (usam). Qui relève au passage la bonne réaction de la BNS, en comparaison avec d’autres banques centrales.

Le retour de l’inflation renforce les incertitudes dans les milieux économiques, financier et bien au-delà, car les PME se sentent elles-aussi concernées par ce mouvement d’inflation croissante. En juin 2022, l’indice des prix à la consommation (autrefois baptisé le «panier de la ménagère) mettait en évidence une inflation de 3,4 %.

Thomas Veillet, chroniqueur économique, a rappelé durant les Journées romandes des arts et métiers que personne n’avait vraiment vu venir cette inflation. Surtout pas la Réserve fédérale américaine (Fed), la banque centrale des États-Unis. Depuis qu’on criait gare à l’inflation dans la foulée des injections massives de liquidité, d’abord pour la crise financière des années 2008, puis pour défendre le taux plancher du franc suisse, et enfin avec les dépenses extraordinaires durant la pandémie, rien ne s’était encore réalisé des pressions inflationnistes attendues.

Il est important de savoir que l’inflation n’est pas un phénomène monocausal. Il est plus juste de parler de pressions inflationnistes et déflationnistes qui rentrent en ligne de compte dans l’équation formant le niveau général des prix tout autant que le pouvoir d’achat d’une monnaie, c’est-à-dire sa valeur.

La BNS et les autres

Actuellement, les pressions inflationnistes l’emportent sur les pressions déflationnistes. Il s’agit notamment de l’augmentation des prix du pétrole et des problèmes de production de céréales en lien avec la guerre en Ukraine. Sans oublier les difficultés de la logistique, notamment dans le centre de production mondial qu’est la Chine.

Alors que la Fed traînait les pieds, la BNS a tout de suite réagi à une inflation supérieure à 2 %

Autre contributeur à l’inflation, les entreprises qui veulent rattraper les baisses de chiffre d’affaires durant la crise sanitaire et celle due à la pression de clients qui veulent enfin recommencer à consommer. Les injections massives de liquidités des banques centrales de ces dernières années ainsi que les dépenses des États pour des entreprises pendant la crise sanitaire qui n’ont en contrepartie rien produites participent également aux pressions inflationnistes.

Quoiqu’il en soit, le directoire de la Banque nationale suisse (BNS) a réagi en augmentant son taux directeur de -0,75% à -0,25%. Depuis la crise de 2008, la BNS avait successivement baissé son taux directeur de 2,75% pour en arriver à -0,75% le 22 janvier 2015, date à laquelle le taux plancher de 1,20 franc pour 1 euro avait été abandonné. Pour défendre ces baisses des taux directeurs, la BNS a en revanche massivement acheté des devises étrangères pour abaisser les taux d’intérêt à court terme du marché monétaire gagé en francs. En conséquence, son bilan a littéralement explosé. D’après les données de la BNS, ses placements en devises sont passés de 46 milliards de francs en avril 2008 à 955 milliards de francs en avril 2022. Pendant 15 ans, des vagues d’injection de liquidités ont permis de renflouer le système bancaire, tout en assurant la défense du franc.

face aux doutes, restons optimistes, mais sage.

Il est toutefois réjouissant de constater que la BNS a réagi rapidement. Elle ne fait pas défaut à sa réputation d’orthodoxie en matière de lutte contre l’inflation. Alors que la Fed croyait à une inflation temporaire et traînait les pieds avant de prendre des mesures correctrices, la BNS a tout de suite réagi à une inflation supérieure à 2 %. De ce fait, elle met strictement en œuvre son objectif de stabilité monétaire, tandis que la Banque central européenne (BCE) semble encore temporiser pour freiner l’inflation. Il faut noter que la tâche est plus rude pour la BCE qui se trouve à réguler ses taux pour des pays très différents et pas forcément bien intégrés.

Maintenant, si la Suisse n’expérimentera pas autant de pressions inflationnistes, c’est plutôt le taux de change qui va finir par augmenter. Les prix des produits et services suisses en monnaie étrangères seront probablement tout aussi élevés que les prix étrangers sous inflation, – mais la valeur du franc suisse sera sauvegardée.

La grande question, avec ce ralentissement orchestré par les banques centrales via leur taux, réside dans la capacité d’anticiper la tenue d’une économie habituée depuis longtemps à des taux très bas et à une offre plus qu’abondante de liquidité. Est-ce que l’immobilier ne risque pas de tomber dans une crise majeure? Face à ces doutes, restons optimistes, mais sages. «Si vous voulez stabiliser vos valeurs, investissez dans de l’or et des actions qui paient des dividendes», disait en substance Thomas Veillet.

Mikael Huber, usam

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