Publié le: 22 janvier 2021

Travailler l’image de l’intérieur

Neuchâtel – Voici la troisième et dernière partie de notre interview avec les responsables de l’économie neuchâteloise, le conseiller d’Etat Jean-Nat Karakash et le chef du service Jean-Kley Tullii. Le canton est sorti de la sinistrose en 2019. Il importe maintenant de rester concentré sur la fin la pandémie.

Les deux premiers volets de cette interview (parus dans notre édition de décembre) portaient sur la capacité de l’économie neuchâteloise à innover et sur le renouveau de la promotion économique. Dans cette dernière partie, nous revenons sur la sortie d’une sinistrose qui a affecté cette région entre 2008 et 2018, puis du «printemps neuchâtelois» de 2019. La sortie de la crise sanitaire mobilise les acteurs de l’économie. Il s’agira d’être au rendez-vous quand le grand redémarrage pointera le bout de son nez!

Journal des arts et métiers: Travaillerez-vous sur l’image que les Neuchâtelois ont de leur canton – image qui souvent est bien différente de la perception qu’on en a vu de l’extérieur?

Jean-Nat Karakash: C’est un thème très important. Nous avons vécu collectivement une période de sinistrose dont nous avons pu nous extraire. La sortie s’est enfin produite en 2019. Pour la première fois depuis très longtemps, nous avons réussi à aligner des résultats extraordinaires.

Il y a évidemment eu les grandes décisions fédérales pour la mobilité, avec les contournements autoroutiers du Locle et de La Chaux-de-Fonds, ainsi que la liaison ferroviaire directe entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. Ce sont des investissements colossaux de plus de deux milliards de francs qui vont doper le développement du canton.

Et en parallèle, nous avons validé une importante réforme fiscale, un nouveau plan directeur d’aménagement du territoire et un programme d’impulsions de 70 millions de francs. Enfin, nous avons retrouvé des finances cantonales équilibrées, après des années dans le rouge. Cet alignement de bonnes nouvelles nous a fait beaucoup de bien, à tel point qu’on a même pu parler d’un «printemps neuchâtelois». Heureuse­ment que nous avons pu engranger ces succès et ressortir la tête de l’eau avant l’arrivée de la crise sanitaire!

A quoi attribuez-vous la chute de l’économie neuchâteloise et de l’Arc jurassien? Quel fut le point de départ?

Jean-Nat Karakash: Neuchâtel avait plongé dès 2008 lors de la crise des subprimes. Nous avons su rebondir très rapidement au niveau économique, mais la reprise s’est faite en laissant beaucoup de monde sur le côté. Il a fallu ramer de nombreuses années pour rétablir les équilibres internes, au niveau du marché de l’emploi, des besoins sociaux et des finances publiques. Tous ces paramètres essentiels sont restés en situation de déséquilibre durant une bonne décennie.

«Il a fallu ramer de nombreuses années pour rétablir les équilibres internes.»

L’an dernier, après des années d’efforts et de réformes, nous sommes redevenus un canton normal et nous avons quitté les queues de classement. Aujourd’hui, nous avons une fiscalité assez comparable à celle de nos voisins, nous avons retrouvé un taux de chômage proche de la moyenne romande et nous avons aligné trois années de diminution de l’aide sociale. Cela témoigne bien de l’amélioration de la situation socio-économique, y compris pour les plus pauvres.

Et puis le Covid est arrivé…

Jean-Nat Karakash: En effet, c’est très dur à accepter. Nous espérions que 2020 nous permettrait de consolider les résultats de 2019 et de soigner l’image de notre canton, mais voilà. Cela dit, dans la gestion de la crise, je crois que la manière dont nous avons agi a été appréciée. De nombreux acteurs économiques ont salué l’efficacité avec laquelle nous sommes intervenus sur tous les fronts et cela a permis de tisser des liens solides entre l’Etat, les entreprises et la population.

«les équipes qui innovent doivent continuer à travailler, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des places.»

Jean-Kley Tullii: Le canton a été très rapide dans le déploiement de la RHT, mais également des autres outils de soutien. Neuchâtel a par exemple été le premier canton à soutenir les start-ups dans le cadre du programme mis en place par la Confédération. Nous avons aussi déployé une multitude d’autre outils, tels que des prêts sans intérêt, des aides pour le paiement des loyers, des soutiens à la R & D, des primes à l’embauche d’apprentis ou encore des aides ciblées sur certains secteurs. Tous ces appuis ont été très appréciés et ils ont permis de préserver les entreprises et les emplois, mais également notre capacité de rebond.

Jean-Nat Karakash: Ce dernier point est essentiel. D’emblée, dès le premier paquet de soutien en mars, nous avons directement prévu un volet de soutien à l’innovation dans les PME – sur plusieurs dizaines d’entreprises, pour ne pas mettre les équipes qui innovaient en RHT et faire en sorte qu’elles continuent à travailler durant toute l’interruption. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des places là où nous faisons la course en tête face à des compétiteurs internationaux. Par ailleurs, nous avons poursuivi toutes nos activités liées aux implantations d’entreprises et à l’innovation lorsque d’autres les avaient suspendues, de sorte que 2020 sera une excellente année sur ces plans. Nous devons continuer à nous battre non seulement pour sauver l’existant, mais aussi pour construire l’avenir!

Quels sont les scénarios que vous envisagez pour la reprise après la crise sanitaire?

Jean-Nat Karakash: L’hypothèse optimiste sur laquelle nous tablons passe par la reprise des marchés d’exportation dans le courant de l’année 2021. En clair, nous espérons retrouver dès 2022 un niveau de demande qui soit globalement équivalent à 2019 pour l’horlogerie, la haute précision, le medtech et la pharma.

Pour nos entreprises, l’enjeu sera d’être au rendez-vous avec la reprise de la demande, face à leurs compétiteurs internationaux. Or, ce sera forcément compliqué, car ces compétiteurs seront tout aussi affamés que nous! Et c’est là que les effets de change auront toute leur importance. Et du côté de l’Etat, l’enjeu sera de bien anticiper les mutations que vivra notre tissu, pour que nous ne retombions pas dans les déséquilibres qui avaient suivi 2008.

«pour nos entreprises, l’enjeu sera d’être au rendez-vous avec la reprise de la demande.»

Avez-vous des sujets d’inquiétude au plan de la politique fédérale?

Jean-Nat Karakash: La force du franc … et tout ce qui concerne notre relation à l’international. L’accès aux marchés comme la participation aux programmes européens de recherche sont des éléments déterminants. Puis il y a tout ce qui concerne le domaine de la formation, notamment des adultes – un domaine dans lequel nous avons besoin de moyens pour soutenir l’effort nécessaire.

Interview:

François Othenin-Girard

Patrimoine

Protéger un vieux bâtiment, cela pourrait sembler n’être qu’une goutte d’eau dans les rivières décisionnelles prises par une administration chaque année. Mais cette décision vaut le détour. Et le coup d’œil (voir la photo). Il s’agit en l’occurence d’une vieille ferme située au Crêt-du-Locle 48 à La Chaux-de-Fonds. La protection du Conseil d’Etat neuchâtelois porte désormais également sur son volume, sa façade sud et son cadran solaire. Ce que souligne Jacques Bujard, conservateur cantonal, chef de l’office du patrimoine et de l’archéologie, dans la documentation présentée le 12 janvier dernier. «Cette petite ferme bien conservée, clôturée par un mur en pierres sèches, présente des qualités patrimoniales, notamment par ses murs coupe-vent, ses deux portes avec tue-loup, son linteau de fenêtre avec les initiales M. S .G. et la date 1734, sa ramée en encorbelle­ment, sa porte d’étable en anse de panier et son cadran solaire portant la date 1735.» On se réjouit d’aller la voir! FOG

Les plus consultés