Publié le: 5 juin 2020

Un soutien plein d’ambiguïtés

TRANSPORT AÉRIEN – Le soutien pèse près de deux milliards. Swiss le veut, Helvetic le rejette. Et le Contrôle fédéral des finances suisse met en garde contre cela – non sans raison.

Avec ses trois aéroports nationaux de Bâle, Genève et Zurich, la Suisse est une plaque tournante importante pour l’aviation internationale. Des dizaines de compagnies aériennes desservent le pays et plusieurs compagnies internationales y sont basées. Par exemple Swiss, la filiale de Lufthansa, Edelweiss ou Helvetic. A cela s’ajoute dans le secteur du transport aérien de nombreuses entreprises liées aux compagnies aériennes. Sur l’ensemble de l’économie, cette activité représente actuelle­ment environ 2,5% du produit intérieur brut de la Suisse.

Questions ouvertes

C’est précisément en raison des performances du secteur que des questions critiques se sont posées au sujet du paquet d’aide d’environ deux milliards de francs suisses qui a été approuvé aux Chambres. Cette aide est-elle compatible avec l’accord sur le transport aérien conclu avec l’Union européenne? Sur le fond, les mesures sont compatibles avec cet accord tant qu’elles ne servent pas à préserver les structures en éliminant la concurrence. Cependant, comme le note le Contrôle fédéral des finances suisse, c’est précisément ce que fait ce paquet. Elle aide les entreprises sélectionnées et fausse ainsi la concurrence.

Entreprises individuelles

Pour être précis, les obligations de crédit s’élèvent à 1275 millions de francs suisses pour Swiss et Edelweiss – Helvetic ou easyJet ont refusé cette aide – et à 600 millions de francs suisses pour les entreprises liées au vol comme Swissport International AG, Gate Gourmet Switzerland GmbH et SR Technics Switzerland AG. A noter: ce n’est pas le secteur en tant que tel qui est soutenu. Ce sont les entreprises individuelles qui bénéficient de l’aide. Et ceux-ci sont nommément mentionnés dans le message du Conseil fédéral.

Piquant de relever que ces entreprises ne sont soutenues que parce qu’elles sont grandes. Le soutien n’est même pas lié à des conditions telles que la productivité, la rentabilité ou la gouvernance. Il est inconditionnel et non supervisé.

Ce que dit le Conseil fédéral

Dans son message, le Conseil fédéral reconnaît que certaines des entreprises soutenues sont difficiles à évaluer. On avoue ainsi – page 3672 (20 039) – à propos de la manutention au sol: «Toutes les sociétés appartiennent à des investisseurs asiatiques pour lesquels aucune information financière transparente et fiable n’est disponible.»

Mais le Conseil fédéral estime que cela les qualifie comme bénéficiaires de fonds fédéraux. Les distorsions de concurrence sont encore plus importantes dans le secteur du transport aérien. Ici aussi, Swiss ne reçoit un soutien qu’en raison de sa taille. Cette aide n’est pas non plus soumise à des conditions. Cela peut surprendre. En effet, lorsqu’une entreprise reçoit la garantie totale de l’Etat, elle est généralement liée à certains avantages. Cela ne semble pas être le cas ici.

Lorsqu’il s’agit de partenaires et de clients de PME, Swiss explique que les billets annulés ne sont pas remboursés et réglés au moyen de bons. La société allemande se montre également particulièrement dure en matière de re-réservation. Les agences de voyage font état de délais totalement déraisonnables. La plupart des clients directs qui ont demandé une annulation en mars attendent toujours leur argent!

A propos de clients directs: les clients qui avaient présenté une demande de remboursement en mars ont reçu un message très curieux de la part de Swiss. Leur demande avait tout simplement été supprimée. Avec ce commentaire laconique: «Nous vous prions de nous contacter à nouveau si votre demande est toujours d’actualité.»

Cette attitude ne nous surprend pas. C’est ce qui se passe lorsqu’un acteur profite de sa position dominante sur un marché. Or Swiss mange à tous les râteliers: l’argent des politiciens est aussi bon à prendre que celui des clients.

Certaines entreprises semblent penser qu’elles peuvent faire ce qu’elles veulent pour le moment. L’avenir pourrait montrer à quel point cette croyance est erronée.

Henrique Schneider, usam

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