Publié le: 5 avril 2019

Une antre de curiosité quincaillère

découverte – A Fribourg en compagnie de Marc Wassmer, plongée au musée du même nom. Une collection d’objets insolites rassemblés par son père et dont l’usage premier relève souvent du défi intellectuel. Et un cortège de vieilles machines à coudres.

Le musée Wassmer est une institution discrète en vieille ville de Fribourg. Il faut prendre rendez-vous pour la découvrir. Dès l’entrée, on pense aux cabinets de curiosités, à ces trésors patiemment dénichés par des voyageurs, scientifiques, ethnographes ou amateurs, tous hantés par l’exotique et le quotidien de sociétés à jamais disparues. Des objets emballés, transportés, choyés, parfois réparés, puis mis en valeur et montrés à un public friand de (re)découvertes.

C’est ce que l’on peut vivre dans l’ancienne et non moins fameuse quincaillerie Wassmer. Son descendant Marc Wassmer est aujourd’hui responsable et guide du «Musée suisse de la machine à coudre et des objets insolites». Issue de l’une des grandes PME du siècle dernier en ville de Fribourg.

Il nous accueille à la porte de cette belle maison patricienne construite au dix-huitième. «Notre famille d’origine soleuroise est arrivée à Fribourg au 19e siècle. Un ancêtre fut jadis syndic de Derendingen», poursuit-il en nous faisant admirer au passage l’escalier intérieur aux vastes marches. Dame! il fallait laisser passer les toilettes féminines du 18e et leur propriétaire!

Kiki et ses nœuds papillon

Au bas d’une volée de marche, les caves voûtées du 12e. «La quincaillerie Wassmer disposait de plusieurs succursales. Rue des Alpes, où s’effectuaient des livraisons. Mais aussi rue de Lausanne, où se vendaient la quincaillerie et les articles ménagers, tandis que dans les caves de la rue du Pont-Suspendu, on stockait les outils et matériaux pour artisans. Il y eut aussi un dépôt pour le fer à béton, boule­vard de Pérolles, sur l’emplacement de l’Ecole d’ingénieurs. A l’extérieur de Fribourg, nous avions une filiale à Matran, pour les poutrelles métalliques et tuyaux plastiques. Et plus tard, tous les secteurs de l’entreprise ont été centralisés à Givisiez.»

Edouard «Kiki» Wassmer (décédé en 2013 à 87 ans) fonde le musée. Son buste et une petite partie de sa vaste collection de nœuds papillons peuvent être admirés sur place. Ses enfants ont repris le flambeau avec ardeur.

Virevolte d’une époque à l’autre

Comment un musée naît-il? Vers la fin du 19e siècle, la machine à coudre gagne du terrain dans le salon bourgeois. Les Wassmer flairent le bon filon et dès 1890, obtiennent la concession de la marque allemande Pfaff, puis celle de l’helvétique Bernina. «Lorsque la cliente achetait une nouvelle machine, nous reprenions l’ancienne pour récupérer les pièces détachées, explique notre guide. On les plaçait alors au dépôt et elles ont fini par nous encombrer totalement. Ce fut le point de départ de cette collection.»

Mais au cours des années, son père Kiki s’est surtout révélé un grand collectionneur de curiosités. Le résultat est étonnant, les yeux se perdent d’une vitrine à l’autre, murs, sols, plafonds – sans oublier les trois caves, tout est plein à craquer: en plus des 250 machines, il y a là plus de 2000 objets!

Et encore, on ne vous en raconte que l’amorce! Une carte de 1606 retrace le réseau des fontaines en ville de Fribourg. Fixées au mur, des tarières, outils dotés d’un long manche servant à vriller de grands troncs d’arbre pour les transformer en conduites afin d’acheminer l’eau à l’époque non courante.

A parcourir dans tous les sens

Le musée ainsi conçu n’est pas une juxtaposition d’objets, mais un dense réseau de significations qui, par analogie ou métaphores successives, fournissent au guide autant de passerelles permettant de passer d’une époque à l’autre, d’une so­ciété à l’autre, d’un pays à l’autre – en fonction de l’intérêt et des questions posées par le visiteur. Et un musée, ça vit. Bientôt, des parents, des amis ou des fournisseurs apportent eux aussi leurs contributions. Tantôt exotiques, tantôt historiques. Cela finit par former quelque chose de très original! La promenade de Marc Wassmer nous emmène dans les alpages.

«Peut-être avez-vous déjà entendu un cliquetis en vous promenant: c’est un bélier – non pas l’animal à cornes, mais une soupape liée à une pompe qui refoule l’eau dans un réservoir en amont, avec un dénivelé de onze mètres environ. A partir de 1890, nous vendions toutes sortes d’objets que vous verrez ici, mais nous exposons souvent des pièces plus anciennes, trouvées au hasard de voyages, de contacts avec des antiquaires ou dans des brocantes. C’est le cas de ces premières machines à laver américaines, qui datent de 1870.»

Laissez voguer vos intuitions

«Et ceci, à quoi est-ce que cela pouvait servir?» Au rayon de l’insolite total, chacun tente sa chance. C’est le jeu favori de Marc Wassmer. Nous pensons à une baratte à beurre, mais notre réponse tombe à plat: il s’agit d’une sorbetière suédoise Husqvarna en bois, utilisée dès les années trente. Son réservoir central est refroidi par de la glace placée dans un compartiment extérieur. Il faut tourner vingt minutes pour obtenir un sorbet.

Et cette grosse boule en métal avec des trou, d’un diamètre comparable à une grosse orange? Marc Wassmer sourit. Il nous laisse réfléchir. Quid de ces chaussures à gros crampons? Et ce bidule en fonte qui ressemble à un pistolet de pirate et s’ouvre en deux? Car le jeu des devinettes se poursuit. Laissez flâner vos intuitions face aux objets, le voyage est garanti! Au fait, nous y sommes retournés: le potentiel de découverte du musée semble infini.

François Othenin-Girard

infos pratiques

Musée de la machine à coudre et des objets insolites, Grand-Rue 58, 1700 Fribourg. Prévoir une bonne heure. Collecte à la sortie (sept francs ou plus par personne). Réservation : musee.wassmer@gmail.com

Tél. 026 475 24 33.

www.museewassmer.com

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