Publié le: 7 juillet 2023

le nez dans le dico

La différence entrer éclame et publicité

Le 18 juin 2023, la population biennoise était invitée à se prononcer sur la «Révision totale du règlement sur la réclame en ville de Bienne». Tout l’enjeu politique était situé dans l’article 5 en lien avec le bilinguisme. De gauche comme de droite, le courrier des lecteurs de la presse locale s’affolait. Mais ce qui m’a frappée, moi, c’est avant tout que l’on utilise le terme réclame, au lieu de publicité. Excepté mes deux grands-mères et des autocollants «Bitte keine Reklame» sur les boîtes aux lettres suisses alémaniques, je ne vois toujours pas qui peut encore employer ce mot fleurant bon la naphtaline – au lieu de publicité. J’ai donc mené ma petite enquête personnelle auprès de mes dictionnaires, et les résultats sont pour le moins surprenants.

Sur le plan historique, j’apprends donc que réclamer a produit deux déverbaux, réclame comme substantifs masculin et féminin. Au masculin, réclame est employé en fauconnerie, et signifie «appel, invocation»; ou le cri dont on se sert pour appeler le faucon (usage attesté dès le 12e siècle). Plus drôle encore, une sorte de pipeau pour attirer des oiseaux dans les pièges. Ce qui est pour le moins ironique à l’heure de la réclame omniprésente.

Au féminin, le terme était employé en imprimerie pour désigner le mot que l’on plaçait au-dessous de la dernière ligne d’une page pour indiquer qu’il était le premier de la page suivante, cela pour faciliter la tâche du relieur. Le sens de publicité commerciale n’est attesté que depuis le 19e siècle; il correspond à une spécialisation de ce terme technique de typographie.

D’après le Dictionnaire historique de la langue française, ce mot a vieilli avec la concurrence de publicité, s’est diffusé au 19e siècle et a pris le sens figuré de ce qui est propre à attirer l’attention sur quelqu’un ou quelque chose et à le faire connaître avantageusement. D’ailleurs, le Trésor de la langue française informatisé définit le substantif féminin réclame comme étant le synonyme usuel de publicité.

Quid de publicité me direz-vous? Ce mot connaît différents sens, mais nous nous concentrerons sur celui qui nous intéresse: le «fait d’exercer une action sur le public à des fins commerciales», qui est une spécialisation apparue avec les moyens modernes de réclame par voie de presse, d’affiches et de prospectus, emploi concurrencé aux 19e et au début du 20e siècles par réclame. Publicité désigne aussi le message destiné à faire connaître pour vendre, ainsi que le support de ce message. Petit souvenir de mon enfance qui se rappelle à mon esprit: vous souvenez-vous du perroquet d’une certaine chaîne de télévision française qui scandait «Coco, coco, pu-bli-ci-téééé, coco»?

Finalement, est-ce que réclame n’est que le synonyme vieilli de publicité (comme je le pressentais intuitivement et comme nous l’indique le dictionnaire Larousse)? La diversité des points de vue des ouvrages de référence ne me permet pas de dégager de consensus général qui vaille à la fois pour la Suisse romande et la France.

Ma curiosité de sociolinguiste demeurant un peu frustrée de cette conclusion, j’ai cherché à en savoir davantage à l’aide d’un célèbre moteur de recherche sur Internet. Le mot-clé «réclame» (même si le moteur de recherche englobe la troisième personne du singulier du verbe réclamer) sur les pages suisses et en français m’a livré des liens vers divers règlements de pouvoirs publics. Et cette tendance se vérifie par ailleurs dans la banque de données terminologiques fédérale, ainsi que celle du canton de Berne. Il semblerait qu’un mot comme réclame, partiellement tombé en désuétude dans le langage courant, ait conservé ses lettres de noblesse dans la règlementation en Suisse romande. Et vous, vous êtes plutôt réclame ou plutôt publicité?

Laura Di Lullo

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