Publié le: 2 février 2024

le nez dans le dico

La différence entreerreur et faute

Aussi loin que je m’en souvienne, l’orthographe a toujours été mon dada, mon truc à moi, ma marque de fabrique, ma chasse gardée, mon terrain de prédilection. Quand j’y pense, les dictées de l’école obligatoire, c’était quand même des bonnes notes faciles – en ce qui me concerne bien sûr. Je me souviens encore de cette enseignante, très old fashioned, qui avait évoqué en cours, les yeux pétillants, les dictées du grand Bernard Pivot. Des joutes orthographiques nationales télévisées, très prisées de nos voisins et voisines de France.

Ce qui devait bien finir par arriver arriva. Il y a une dizaine d’années, je le confesse, je me suis octroyé le petit plaisir coupable de la dictée organisée par l’université du 3e âge à Neuchâtel. Ce jour-là, j’ai découvert la déconvenue de faire de nombreuses fautes – neuf en l’occurrence. Rien de dramatique pour une dictée pour adultes me direz-vous. Certaines personnes se laissent décourager par les sanctions: décrire ces manquements à la norme de l’orthographe par faute ou erreur n’est pas anodin. Ces deux substantifs féminins désignent exactement la même chose lorsqu’il s’agit d’orthographe, à savoir «une chose fausse, erronée par rapport à une norme, à une règle». Faute, du latin classique «fallere» (faillir) est en premier plan associé à un manquement à une règle religieuse. Pour ma part, les fautes d’orthographe ont toujours représenté une opportunité d’amélioration, et ce, malgré la couleur rouge, le mot faute, et les comparaisons entre camarades de classe.

Point de honte, cette année, j’ai récidivé: j’ai participé à la 16e dictée des Nations à Delémont. Alléchée par une annonce de l’événement sur les réseaux sociaux, j’ai entrainé mon compagnon dans l’aventure – ou dans la débâcle devrais-je plutôt écrire. Lors de l’inscription, on nous classe immédiatement dans la catégorie des durs à cuire, les seniors confirmés. Eh oui, pas de chance, je suis traductrice et correctrice, lui est journaliste. Nous voici donc tous deux attablés, le stylo-bille à la main, suspendus aux lèvres de la dame chargée de nous dicter le texte.

À peine a-t-elle terminé la première lecture, que nos regards désespérés se croisent: affronter la vilaine dictée ou prendre la poudre d’escampette… là est toute la question! Comme nous avons reçu un bon pour un en-cas dans le café d’à côté, et que nous avons roulé 40 kilomètres, notre conscience nous intime d’au moins tenter notre chance. Et nous voilà embarqués pour la dictée la plus difficile de nos vies: un texte authentiquement truffé de pièges aussi malicieux, érudits que sadiques!

Après les deux corrections réglementaires, le couperet tombe: 57 fautes pour moi, 62 pour lui. Notre bourreau s’appelle Philippe Dessouliers, fondateur du club d’orthographe de Belfort – oui, ça existe. Et non, je ne suis pas découragée, je suis au contraire fascinée. Et infiniment curieuse et impatiente des paysages littéraires qu’il me reste à parcourir dans la vie pour enrichir ma culture générale et mon vocabulaire. D’ailleurs, n’y a-t-il pas meilleur moyen pour y parvenir que de sortir de sa zone de confort en se soumettant à l’épreuve de la dictée?

Laura Di Lullo

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