La loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement obligerait les entreprises suisses à effectuer un contrôle complet du respect des droits de l’homme et de l’environnement, à l’instar de l’initiative suisse sur la responsabilité des multinationales, qui a échoué. Concrètement, le devoir de diligence serait intégré aux systèmes de gestion et les effets négatifs sur les droits de l’homme et l’environnement devraient être éliminés ou minimisés. L’efficacité des mesures serait contrôlée et évaluée, et les entreprises rendraient compte de la manière dont les dommages sont réparés. En outre, il faudrait indemniser les victimes de dommages environnementaux et de violations des droits de l’homme. Les entreprises pourraient même être poursuivies en justice. Enfin, les acteurs concernés par la réglementation seraient obligés de présenter un plan de conformité à l’accord de Paris sur le climat (objectif de 1,5 degré).
PME indirectement concernées
Ce serait l’équivalent d’une avalanche de nouvelles règles. Dans un premier temps (dès 2027), ces dernières ne s’appliqueraient qu’aux grandes entreprises dans l’UE, de plus de 5000 personnes et dotées d’un CA dépassant 1,5 milliard d’euros. Deux ans plus tard, ce serait au tour des entreprises de plus de 1000 personnes avec un CA de 450 millions et plus. Sans oublier certaines activités de franchise et de licence (CA de 22,5 millions). En Suisse, la loi sur la chaîne d’approvisionnement de l’UE s’appliquerait aussi aux entreprises ayant leur siège en dehors de l’UE avec un CA d’au moins 450 millions d’euros à l’intérieur de l’UE. Puis, les PME suisses seraient aussi indirectement concernées, qu’elles soient basées dans l’UE ou en Suisse. Les grandes entreprises répercuteraient ces directives sur leurs fournisseurs. Les PME suisses seraient donc mises sous pression. Le régulateur européen s’accommode même expressément d’un affaiblissement des PME. Ainsi, dans les considérants de la directive, il appelle les grandes entreprises à soutenir financièrement leurs fournisseurs PME – par exemple en leur accordant des prêts – si le respect des nouvelles prescriptions met en péril leur viabilité. Soit juste avant que ces dernières ne fassent faillite.
ONG et multinationales –
un mĂŞme combat!
Ce passage de la loi européenne est formulé de manière naïve: un témoignage effrayant d’incompétence économique. Dans la pratique, la nouvelle loi affaiblirait les petits et augmenterait leur dépendance vis-à -vis des grands. Il n’est donc pas étonnant que des grands groupes comme Unilever, Ikea ou Danone aient mené un lobbying actif en faveur de la loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement, en collaboration avec des ONG.
Il est vrai que de plus en plus de pays de l’UE reconnaissent, au vu des sombres perspectives économiques, qu’une bureaucratie exagérée menace d’étouffer les entreprises. C’est pour cette raison que la loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement était politiquement sur la sellette. Mais au final, le puissant lobby des ONG et des multinationales l’a emporté. Ces dernières souhaitaient avant tout atténuer le régime de responsabilité. La bureaucratie induite par la diligence raisonnable et la paperasse à remplir s’avère plus facile à gérer pour les grands groupes que pour les PME. Les forces disponibles ne sont juste pas comparables.
Trouver des solutions pratiques
Il est cynique de vouloir désavantager nos PME solidement ancrées dans la société et vivant la durabilité au quotidien. La Suisse devrait se garder de prendre pour modèle la loi européenne sur la chaîne d’approvisionnement, comme le demandent déjà certains milieux.
Il en va de même pour une autre réglementation sur la durabilité, le règlement européen sur les forêts. Celui-ci prévoit qu’à l’avenir, des produits comme le café, le bois, les livres, etc. ne pourront être mis sur le marché de l’UE que s’il est prouvé sans faille que les matières premières à partir desquelles ils ont été produits proviennent de régions sans déforestation. Cette règle induira une énorme bureaucratie. Les entreprises suisses qui exportent vers l’UE seraient dans la foulée confrontées à des questions de mise en œuvre quasi insolubles.
Le Conseil fédéral est donc appelé à trouver des solutions pragmatiques qui continuent à garantir aux entreprises suisses l’accès au marché de l’UE, tout en épargnant à nos PME des contraintes bureaucratiques inutiles.
Urs Furrer, directeur, usamMikael Huber, usam