Publié le: 9 mai 2014

Bond de géant depuis Payerne

swiss space systems (S3) – La société aérospatiale basée à Payerne développe une navette spatiale et les infrastructures pour le lancement de petits satellites à partir de 2018. Pascal Jaussi, fondateur et directeur, dispose du soutien de Claude Nicollier.

A vitesse Grand V − le premier lancement est prévu dans quatre ans − les Romands filent dans l’espace. Juchée sur les épaules d’un grand Airbus noir aménagé pour cette utilisation spatiale et qui l’emmènera jusqu’à une altitude de 10 000 mètres, la navette suisse sera larguée, puis volera de ses propres ailes. Le véhicule suborbital SOAR − une flèche de 22 mètres et de 14 tonnes − sera propulsé par un moteur russe Soyouz qui l’emmènera à Mach 10 jusqu’à la limite de l’espace, compris entre 80 et 100 kilomètres (respectivement selon les définitions russe et américaine). Le film publié sur Youtube montre en animation comment ses soutes s’ouvriront pour libérer une capsule, un grand conteneur cylindrique. Faisant office de « troisième étage », ce dernier permettra la mise sur une orbite comprise entre 600 et 800 kilomètres d’un satellite de 250 kg ou d’un bouquet de plusieurs dizaines de très petits satellites. Pour sa part, la navette redescendra en vol plané et pourra être réutilisée.

Les Russes et les Américains
soutiennent Pascal Jaussi

Hébergée au dernier étage d’un grand bâtiment, juste en dessus d’un fitness, Swiss Space Systems (S3) est un opérateur spatial en devenir, mais aussi une PME d’une soixantaine de collaborateurs. A l’abri des regards indiscrets, ces derniers s’activent actuellement au bouclage de la phase de design préliminaire. Le design définitif devrait quant à lui être terminée entre 2015 et 2016. S3 projette ensuite de construire une infrastructure à côté de la piste de l’aérodrome militaire et de son futur parc technologique. Outre un accès à la piste, ce dernier permettra d’assembler la navette et comprendra un hangar à avions. Aujourd’hui, le véhicule spatial correspond dans les grandes lignes à une version inspirée par l’ancienne navette européenne Hermès. Dans le plus grand secret, son créateur Pascal Jaussi en a assuré le développement, bénéficiant rapidement de l’expérience et du soutien de l’astronaute Claude Nicollier, également professeur au sein du Swiss Space Center basé à l’EPFL. Grâce aussi à une myriade de collaborations internationales. Parmi ces dernières figurent notamment l’AerospaceDesignLab de Stanford, l’Université Catholique de Louvain, Sonaca, une entreprise belge chargé de la construction de la structure externe. Les grands noms sont montés à bord : Meggitt, le spécialiste des senseurs basé à Fribourg, l’Agence spatiale européenne (ESA), l’avionneur Dassault, Elecnor Deimos et tant d’autres.

Premier vol d’essai en 2017

L’équipe de S3 comprendra 200 collaborateurs à son apogée pour un budget global de 250 millions de francs jusqu’au premier lancement de satellite, comprenant la navette, le bâtiment d’assemblage et l’avion lanceur. Montée entièrement à Payerne, cette camionnette permettra de li­vrer dans l’espace de petites charges jusqu’à 250 kilos. Elle se pilote à distance comme un drone et devrait s’envoler en vol suborbital pour un premier vol d’essai en 2017, après diverses phases test de certification et de validation, suivies par l’exploitation commerciale (2018).

Rentabiliser les développements

Le bâtiment d’assemblage coûtera 50 millions de francs et permettra d’abriter les deux avions lanceurs Airbus et la navette spatiale elle-même. D’ici là, des vols à gravité zéro seront proposés aux particuliers (1900 euros), ce qui permettra de rentabiliser une partie du développement. Un accord avec le partenaire horloger Breitling permet de proposer un vol « premium » dotée d’une montre exclusive gravée au nom du passager, avec mention de la durée du vol en apesanteur.

Cette PME spatiale comporte divers départements: opérations, recherche et développement, fabrication, assemblage, intégration, test, certification, validation et vérification, management et support. Son financement est assuré par des investisseurs privés (private equity) et des partenaires industriels, ces derniers assurent soit des contributions financières directes, ou des apports matériels, ou diverses prestations. S3 dispose depuis le 17 octobre dernier d’une filiale aux Etats-Unis, basée à Georgetown. Elle a signé un accord avec Spaceport Colorado, et utilisera le Kennedy Space Center dès 2015 (où elle a fondé une filiale).

«Space for all, l’espace pour tous»

Côté fournisseur de satellites à transporter, un accord a été signé avec la société suisse Spacepharma SA. Basée à Delémont, celle-ci compte lancer 28 satellites afin de réaliser des expériences médicales en microgravité sur des satellites cube sats d’un poids de 5 kilos. En Russie, d’autres partenariats sont attendus. Déjà, un lien fort a été noué avec la première université technique du pays, l’Université Bauman de Moscou, afin de permettre à des étudiants d’effectuer un stage au sein de S3 par l’intermédiaire de l’EPFL. Et toujours à propos du « Poly », le chasseur de débris spatiaux CleanSpace One décollera avec Swiss Space Systems, qui injecte 15 millions de francs dans ce projet.

Sous le slogan « Space for all », « l’espace pour tous », la société veut faire évoluer le secteur aérien vers le vol de l’avenir. Quitte à lui faire effectuer un bon de géant pour faire redécoller un secteur économique éperdument à la recherche de thermiques ascendants. Après la phase de lancement des satellites, une ­deuxième navette réaménagée pourrait emmener des passagers en région suborbitale au cours de la prochaine décennie.

François Othenin-Girard

Souplesse 
et ­motivation

ressources humaines

Dans une interview accordée à Swissinfo, Pascal Jaussi résume sa ligne en matière de gestion des collaborateurs de pointe.

« Nous avons mis en place le système américain des horaires flexibles, ce qui signifie que les ingénieurs peuvent travailler selon leur inspiration. Nos collaborateurs, qui disposent d’un centre de fitness, de boissons et de repas gratuits, peuvent, s’ils le désirent, rester au travail de huit heures du matin à dix heures le soir. »

« Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour les garder ici et rendre leur travail le plus efficace possible. Nous avons également loué des appartements à Payerne pour les collaborateurs étrangers. Nous les aidons à s’y installer avec leurs familles. A l’avenir, des spécialistes de Russie, de Malaisie ou d’autres pays pourront par exemple venir à Payerne pour acquérir de l’expérience sur nos avions. »

Ancien pilote d’essais

pascal jaussi, ceo de s3

Pascal Jaussi, 36 ans, est né à Wattenwil, dans le canton de Berne. Il est bilingue français-allemand. Après une formation de pilote, il a étudié à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et a travaillé en tant qu’ingénieur aéronautique. Titulaire d’un BA en sciences politiques (ETHZ), BSc en génie mécanique, MSc Systems Engineering (Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace), il a également suivi la Test System Course (Empire Test Pilot School). Chef des opérations de la base aérienne, il dispose d’une expérience professionnelle de plus de 8 ans en tant qu’ingénieur d’essais en vol pour les forces aériennes suisses. Ayant rejoint l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), il y rencontre l’astronaute suisse Claude Nicollier ainsi qu’Anton Ivanov, un collaborateur du Swiss Space Center, la division de l’EPFL consacrée à la conception de satellites. Afin de finaliser le Swiss Space Systems (S3), il a étudié à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace de Toulouse, où il a décroché une maîtrise en ingénierie des systèmes.

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