Publié le: 13 mai 2022

Les pontes de l’ESG font fausse route

placements – Les placements selon les critères ESG, environnement, social et gouvernance présentent plus de risques pour la Russie que les placements traditionnels.

ESG – Environnement, Social, Gouvernance – c’est la nouvelle religion de la place financière. En Suisse, les banques et les caisses de pension jouent souvent le rôle de prêtres et d’enfants de chœur dans la proclamation du message apparemment si joyeux des placements durables. Il y a deux fausses croyances derrière cette posture. D’abord que l’ESG réduit le risque des investissements. La logique sous-jacente, c’est que l’ESG accorde d’emblée moins de poids aux investissements particulièrement problématiques ou agit sur les investissements pour les rendre compatibles avec l’ESG.

Quid de la Russie?

La seconde croyance, c’est que les investissements de type ESG sont plus performants que les autres. On pense que les investisseurs seraient prêts à payer un prix plus élevé si les biens sont produits de manière écologique et sociale et si les entreprises ont une meilleure gouvernance. On obtiendrait des rendements plus élevés. Or, la guerre en Ukraine montre que ces deux croyances sont fausses. Concernant l’ESG comme moteur de rendement: très peu d’entreprises financières en Suisse ont des placements en Russie supérieurs à la moyenne en raison de l’ESG. Ceux qui se prêtent à ce jeu se retrouvent échec et mat. Il n’y a plus de rendement. Et la Russie ou les entreprises russes qui misent sur ce type de placement ne s’en sortent pas mieux, bien au contraire.

Ukraine et ESG: mauvais timing

La plupart des banques, des gestionnaires de fortune et des caisses de pension qui ont choisi une stratégie en lien avec les critères ESG, pour minimiser les risques, disposent d’investissements en Russie. Aucun d’entre eux n’évitait la Russie avant la guerre – avec ou sans ESG. Certains d’entre eux se sont retirés des investissements russes après l’invasion russe en Ukraine.

Au final, ils ont «essuyé» leurs pertes – c’est-à-dire qu’ils les ont répercutées sur leurs clients et assurés. C’est justement au pire moment qu’elles ont fait payer les risques. Aucune des chapelles de l’ESG n’a donc pu offrir la rédemption souhaitée. Mais ce qui est amusant, c’est que des études menées aux États-Unis – il n’y en a pas encore pour la Suisse – suggèrent que les placements conformes aux critères ESG présentent plus de risques pour la Russie que les placements traditionnels.

Un gadget contre-productif

Cette situation est probablement liée à un effet de substitution. Au lieu d’investir dans les producteurs de gaz et de pétrole russes – et autres –, les obligations russes et le rouble sont surpondérés afin de garantir un minimum de diversification et de rendement. L’argent retiré du secteur du gaz et du pétrole dans le monde est en partie donné à la Russie.

Et à propos de secteurs «problématiques», qu’en est-il de la fabrication d’armes? Beaucoup la considèrent comme incompatible avec les ESG. La Suva, Publica et d’autres caisses de pension entonnent cette rengaine. Mais qu’il soit au moins permis de se poser la question suivante: l’Ukraine n’est-elle pas en train d’appeler à la livraison d’armes pour pouvoir se défendre?

La réalité est en vacances

Premièrement, à la lumière de la guerre russe contre l’Ukraine, les investissements ESG ne se sont pas mieux comportés que les investissements non ESG. En fait, ils ont plutôt moins bien réagi. Deuxièmement, la fixette sur le climat a rendu les adeptes de l’ESG à négliger les critères de gouvernance et, surtout, les risques politiques. Troisièmement, les critères ESG ont induit des pertes massives.

La grande question qui se pose aujourd’hui est donc la suivante: les pontes de la religion ESG en tireront-ils les leçons qui s’imposent ou, à l’instar d’une partie du mouvement climatique, continueront-ils à se radicaliser – c’est à dire à prendre définitivement congé de la réalité?

Henrique Schneider, usam

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