Publié le: 6 novembre 2015

Ne pas isoler le Tessin, oui au Gothard!

L’invité du mois

Le peuple suisse devra voter le 28 février 2016 sur le tunnel de réfection au Gothard, un projet d’une importance cruciale. Par conséquent en tant que Tessinois, je voudrais aujourd’hui déjà vous recommander vivement de glisser un oui dans l’urne pour la cohésion de la Suisse. Le fait que le tunnel routier au Gothard doive être assaini n’est contesté par personne. Ce qui l’est en revanche, c’est uniquement la mise en œuvre du projet. Mais ce détail est à l’origine de la pomme de discorde entre les parties en présence. Les opposants au oui veulent effectivement couper le Tessin du reste de la Suisse pendant plusieurs années, ce qui aurait des conséquences catastrophiques.

Il est évident que le tube de remplacement est nécessaire aussi pour des aspects de ­sécurité, mais il est essentiel surtout pour des raisons de politique régionale. Car c’est uniquement en construisant un tunnel de réfection qu’il sera possible d’assainir le tunnel actuel, sans couper la liaison routière entre le Tessin et le reste de la Suisse. Si le Valais était isolé du bassin lémanique pendant trois ans suite à la fermeture du tunnel de Glion, on peut s’imaginer le tollé que cela déclencherait en Suisse romande. Ou si la fermeture de la Transjurane, au nord de Bienne, isolait les ­Jurassiens pendant plusieurs années. Même si je reprends l’argumentation des opposants au deuxième tube: dans les deux exemples que je viens de citer, il y a déjà des liaisons de substitution par le rail et sur d’autres routes; mais comment réagirait la population locale à une telle situation?

Le tube de remplacement au Gothard est une occasion pour la Romandie d’exprimer sa solidarité envers la Suisse italienne. En fait, c’est grâce à la solidarité interrégionale que la Suisse est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. Ceci est aussi important pour l’avenir. Nous ne pouvons tomber sous l’emprise de l’égoïsme dicté par la politique régionale.

En outre, la construction d’un tunnel de réfection est la solution la meilleure du point de vue technique. Le Conseil fédéral et le Parlement ont testé pendant plus de six ans plusieurs possibilités sur toutes leurs coutures en vue de déterminer la solution optimale pour assainir le tunnel du Gothard. Ils ont entre autres également examiné l’option qui consisterait à la mise en service d’une chaussée roulante servant au transbordement provisoire route-rail des voitures de tourisme et des camions pendant la réfection du tunnel routier. Le résultat de ce minutieux examen est sans appel: la construction d’un tunnel de réfection au Gothard est de loin la meilleure solution.

Pour effectuer les travaux de réfection du tunnel sans tube de remplacement, il faudrait construire quatre, voire six installations de transbordement pour le transport ferroviaire des camions et voitures de tourisme. Tous les véhicules devraient être chargés sur le rail dans d’onéreux terminaux provisoires installés dans les vallées alpines près de Biasca/Airolo et d’Erstfeld/Göschenen. Deux terminaux surdimensionnés viendraient s’y ajouter près de Chiasso et de Bâle. La construction, l’exploitation et la démolition de quatre installations de chargement peut coûter plus de 2 milliards de francs sans apporter de valeur ajoutée durable. Avec six installations de chargement, le transbordement provisoire coûterait bien plus de trois milliards de francs, et donc plus cher que la construction d’un deuxième tube.

Nous ne pouvons accepter cette solution, car nous devons utiliser les fonds destinés à l’infrastructure routière de manière durable et raisonnée. Contrairement à cette variante, le tunnel de réfection permettra de réaliser une infrastructure moderne renforçant la sécurité du trafic sous le Gothard.

Cependant, je ne vous cacherai pas que malgré cela, la part des Tessinois sceptiques à l’égard de ce projet pèse autant dans la balance que tous les avantages du tunnel de réfection. Il est évident que personne ne veut, dans mon canton, être isolé du reste de la Suisse pendant plusieurs années. Mais une bonne part de la population craint une augmentation encore plus sensible du trafic; c’est ce que redoutent surtout certains habitants de la région de Mendrisio, qui risquent, aujourd’hui déjà, d’être pour ainsi dire asphyxiés par le trafic. C’est donc à juste titre que ses citoyens préoccupés de l’avenir rappellent que depuis l’acceptation de l’article sur la protection des Alpes, la Constitution stipule ce qui suit: «La capacité des routes de transit des régions alpines ne peut être augmentée.» Le fait que les flux de trafic aient continué à s’accroître au cours des 20 dernières années a affaibli la confiance de ­nombreux citoyens envers la politique et le ­législateur.

Par conséquent, il faut prendre d’autant plus au sérieux la revendication ­légitime selon laquelle le trafic undirectionnel doit être maintenu à long terme, soit après la construction du tube de remplacement. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’arguments techniques, mais du sentiment caractérisé par une diminution de la confiance. La politique doit absolument fournir des garanties crédibles selon lesquelles il n’y aura pas d’augmentation du trafic au Tessin. A cet égard, le renvoi à l’article sur la protection des Alpes et aux lois n’est pas suffisant. Par exemple, des mesures techniques supplémentaires permettant une meilleure régulation du trafic au Gothard ou l’introduction d’un système de péages routiers (mais qui ne doit pas porter préjudice à la population tessinoise) pourraient être examinées concrètement. Car ce n’est que si une majorité de l’électorat tessinois dit oui au tunnel de réfection qu’il sera possible de remporter cette importante votation sur la cohésion nationale.

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que l’auteur.

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