Publié le: 1 mars 2024

Des fonds suisses pour des PME suisses

Renaissance – Cette fondation de placement vient d’acquérir Heberlein Technology, une entreprise suisse qui était passée en mains chinoises. Le directeur associé Christian Waldvogel explique la stratégie et les règles qui prévalent lors des reprises.

La dernière fois que nous avons entendu parler de la Fondation de placement Renaissance, c’était en 2021. La Fondation de placement Renaissance venait de reprendre Canplast SA à Villars-Sainte-Croix, une PME dont nous avions tiré le portrait du fondateur il y a quelques années. Aux dernières nouvelles, Renaissance a depuis procédé à plusieurs acquisitions. Le point avec son directeur associé, Christian Waldvogel.

JAM: Combien de participations votre fondation de placement détient-elle et dans quels secteurs?

Christian Waldvogel: Au cours de ces trois dernières années, la Fondation de placement Renaissance a fortement développé son portefeuille de participations avec l’acquisition de six nouvelles PME en Suisse romande et Suisse allemande. Nous détenons à ce jour quatorze PME, toutes en Suisse, représentant une valeur globale de 300 millions de francs.

La grande majorité de ces investissements a été réalisée dans le cadre de successions familiales où la famille propriétaire de l’entreprise n’avait pas de successeur dans la nouvelle génération disposé à reprendre les rênes. Dans de tels cas, Renaissance rachète la société à la famille propriétaire et en devient l’actionnaire principal. Les managers co-investissent systématiquement avec Renaissance, devenant ainsi actionnaires de leur propre entreprise.

Renaissance rachète la société à la famille propriétaire et en devient l’actionnaire principal.

Le portefeuille est fortement diversifié en termes de secteurs: sous-traitants de l’industrie horlogère, infrastructure, instrumentation, technologies médicales, industrie et marketing. Nous développons de manière ciblée un portefeuille multisectoriel afin d’avoir la diversification nécessaire et éviter la surpondération dans un secteur. Ce sont des PME de taille moyenne, comptant généralement entre 50 et 100 collaborateurs.

Vous venez de reprendre l’entreprise Heberlein Technology SA qui était en mains chinoises. Quelle est l’histoire de cette entreprise?

Heberlein a été reprise en septembre 2023 et était en effet précédemment détenue par un groupe financier chinois. Nous détenons la majorité du capital, mais la direction est aussi investie, ainsi que deux vétérans de l’industrie qui agissent sur le conseil d’administration en tant qu’indépendants.

Il s’agit d’un fleuron de l’industrie textile, fondé en 1835 et qui compte presque 200 ans d’existence. L’entreprise est localisée dans le berceau de l’industrie textile suisse à Wattwil dans le canton de Saint-Gall. Heberlein fabrique des composantes de pointes pour les machines de production de textile dont plus de 80 % sont exportés à l’étranger, en particulier sur les marchés asiatiques. C’est un peu le «Intel Inside» des machines dans le textile.

Qu’est-ce qui a été déterminant dans votre décision de l’acquérir?

Nous recherchons des PME qui sont leader dans des marchés de niche, soit au niveau international, régional ou national. Par l’excellence de leur résultats financiers passés, ces PME ont démontré leur capacité à générer des dividendes pour leurs actionnaires et leur résilience dans des périodes économiques difficiles et volatiles. Mais, le plus important dans notre sélection est la direction de l’entreprise et ses employés. Nous recherchons un engagement fort de la direction dans le développement futur de l’entreprise aux côtés de Renaissance. Pour ce faire, nous nous assurons que la direction soit également investie afin de garantir sur le long terme un alignement entre nos intérêts et celui du management, et surtout de donner à ce dernier l’opportunité de bénéficier financièrement des dividendes que la société générera.

Nous recherchons un engagement fort de la direction dans le développement futur de l’entreprise.

La Fondation Renaissance se présente comme un acteur de financement durable. Quelles sont vos conditions pour reprendre une PME?

Nous sommes «durables» à deux titres: en premier lieu, notre modèle dit «evergreen» nous permet de détenir nos PME sans aucune limite de temps et sans aucune obligation de revendre nos participations à terme. Cette caractéristique «evergreen» nous différencie fondamentalement de nos concurrents qui eux, revendent leurs participations déjà 4 à 5 ans après leur entrée au capital, provoquant ainsi une instabilité actionnariale pouvant avoir de graves répercussions sur les employés et les clients.

En second lieu, notre programme de durabilité se base sur la mise en place, dans chacune de nos PME, d’un bilan environnemental, social et de gouvernance (ESG) et d’un bilan d’émissions carbones (CO2). Ces bilans ESG et CO2 nous permettent d’identifier de manière concrète et précise les mesures d’amélioration en termes d’ESG et de CO2, et de pouvoir quantifier les progrès réalisés par la suite.

Le contexte postpandémique, la guerre, de nombreux défis mettent les entreprises en difficulté. Comment intégrez-vous tous ces changements à votre approche?

Cela fait plus de 20 ans que nous investissons dans les PME suisses. À chaque nouvelle crise économique, je suis toujours impressionné par leur résilience et par la manière dont elles réussissent à capitaliser sur ces périodes difficiles pour optimiser leur capacité d’exécution.

Les managers co-investissent systématiquement avec Renaissance, devenant ainsi actionnaires de leur propre entreprise.

À titre d’exemple, lors de la pandémie, la numérisation des PME a fait un énorme bond en avant, dont l’acceptation des conférences téléphoniques comme outil de travail des plus efficaces. Ainsi, les PME suisses fortement exportatrices ont pu optimiser leurs relations clients en introduisant à grande échelle l’utilisation des conférences téléphoniques, en lieu et place de voyages à l’étranger systématiques des vendeurs, coûteux en argent et gourmands en émissions de CO2.

Ă€ qui appartient Renaissance et quels sont ses buts sur le plus long terme?

Nous avons le privilège de bénéficier du soutien financier de 45 caisses de pension suisses. Ces caisses de pension nous mettent à disposition leurs capitaux, afin que nous puissions les investir dans les PME suisses et résoudre les problèmes de successions: ce sont des capitaux suisses pour des PME suisses. Ainsi, les caisses de pension suisses sont les propriétaires de Renaissance.

Prévoyez-vous des acquisitions à l’international?

Non, car nous n’investissons qu’en Suisse tel que défini dans les statuts de Renaissance. Avec 10 000 PME suisses de 50 à 250 employés, dont une partie importante des propriétaires atteignent l’âge de la retraite, nous sommes convaincus qu’il y a bien assez d’opportunités de reprises familiales en Suisse.

Le marché suisse des PME a ses propres caractéristiques qu’il faut bien connaître pour y avoir du succès. Depuis 20 ans que nous sommes sur ce marché, nous avons acquis une véritable expérience de terrain et une certaine notoriété auprès des PME suisses qui nous permettent d’accéder à des cas de successions très intéressants. Nous préférons ainsi rester focalisés sur notre marché national, et ne pas diluer nos ressources à l’étranger.

Comment voyez-vous le marché des successions en Suisse romande actuellement, vu le ralentissement qui s’annonce? Faut-il s’attendre à des fusions dans la foulée?

Nous constatons certes un ralentissement. Mais, nous considérons cela plutôt comme un léger «tassement» après plusieurs années de fortes progressions pour de nombreuses PME suisses après la sortie de la pandémie.

Ces 45 caisses de pension nous mettent Ă  disposition leurs capitaux, afin que nous puissions les investir dans les PME suisses.

Si ce ralentissement venait à s’amplifier, les résultats des PME viendraient à en souffrir, et il se pourrait alors que leurs propriétaires décident de reporter la recherche d’un successeur. Mais un tel report n’est parfois pas possible.

Dans tous les cas, ce ralentissement ne devrait pas accélérer le rythme des fusions, tout au contraire. Lors de ralentissements économiques, les PME ont plutôt tendance à se replier sur elles-mêmes afin de se préparer à surmonter la crise. Les fusions ou autres options de croissance externe ne sont pas vraiment à l’ordre du jour.

Interview:

François Othenin-Girard

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coup de projecteur

Les participations de Renaissance

Suisse romande

• Bandi SA, Courtételle (JU), 60* collaborateurs

• Canplast SA, Villars-Ste-Croix (VD), 70 collaborateurs

• Condis SA, Rossens (FR), 76 collaborateurs

• ekspert SA, Bogis-Bossey (VD), 56 collaborateurs

• Matthey Décolletages SA, La Chaux-de-Fonds (NE), 16 collaborateurs

• Metrolab SA, Plan-les-Ouates (GE), 15 collaborateurs

• Roxer SA, La Chaux-de-Fonds (NE),30 collaborateurs

• Solo Swiss SA, Porrentruy (JU), 70 collaborateurs

Suisse alémanique

• Asic Robotics AG, Burgdorf (BE), 200 collaborateurs

• Baitella AG, Zürich, 45 collaborateurs

• bb trading werbeartikel ag, Dietikon (ZH), 84 collaborateurs

• Durena AG, Lenzburg (AG), 36 collaborateurs

• Econis AG, Dietikon (ZH), 75 collaborateurs

• Heberlein Technology AG, Wattwil (SG), 85 collaborateurs

* Collaborateurs en Ă©quivalent plein temps (EPT ou FTS en anglais)

www.renaissance.net

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